dimanche 26 août 2018

Des nouvelles de Fabrice Décamps




Les réseaux sociaux sont source de divertissement mais aussi de partage d’informations politiques, économiques et culturelles.  Tout récemment, je découvre le novelliste Fabrice Décamps sur le réseau Twitter.  Par la suite, nous échangeons quelques salutations d’usage, puis sa maison, les Éditions Inspire, m’envoit les quatre nouvelles publiées en 2018 : La surenchèreQuel homme serez-vous ce soir ?L’accidentEn mémoire d’Arsène Klovastsky.

Pour La surenchère, on nous dépeint Carlton Coleman, né dans les draps de satin et un avenir tout tracé. Seul bémol au tableau, Carlton est jaloux de Peter, son jumeau à qui tout réussit, les études, la carrière militaire, le mariage idyllique.  Pour forcer le destin, Carlton paiera une agence afin de lui dénicher la femme parfaite, mais à quel prix ?  Et si Carlton connaissait un revers de fortune ?



Pour Quel homme serez-vous ce soir ?, l’auteur dénonce le manque de communication dans une famille à l’époque justement des communications de masse.  Madame est branchée sur son roman-feuilleton, les enfants sur leurs tablettes, le père est accro du journal télévisé de 20 h 00. En parallèle, on trace le parcours d’une animatrice de télé ambitieuse qui anime une émission de variété.  Devinez quel est le nom de cette insipide émission ?  Mais la nouvelle ne l'est pas du tout.


Quant à L’accident, un psychiatre et enquêteur, Pierre Bertillat, à quelques semaines de la retraite, reçoit la visite d’un détenu et de deux gardiens.  Il cherche à forcer les confidences d’un prisonnier Lemonnier, voire à l’hypnotiser pour en savoir davantage sur les faits.  Qui est cet ancien chauffeur de bus scolaire ayant eu un accident au cours duquel des enfants perdirent la vie ? 


Ma nouvelle préférée est En mémoire d’Arsène Klovatsky, nous nous retrouvons à New York en présence de Jimmy qui doit une dette et qui cherche refuge chez Alice, son ancienne copine, puis nous faisons connaissance avec le clan Gorgonzoni qui partagent un repas dans un restaurant et qui se remémorent Arsène Klovastsky, un perceur de coffre engagé par eux et abattu par eux un 22 mars.  Or, certains anniversaires ne se terminent pas comme on les avait prévus.

Voici un extrait de cette dernière nouvelle où Jimmy peine à marcher : « Il recule, porte la main à son épaule, le sang dégouline, coule entre ses doigts, et la rue se dresse une deuxième fois, comme une vague de béton qui le heurte violemment en plein visage. »

J’attire votre attention sur le fait que les Éditions Inspire cherchent à faire connaître de nouveaux talents littéraires et ce, à coût modique.  Soyez sans crainte, la qualité est au rendez-vous. Souhaitons à Fabrice Décamps bien des lecteurs. Le mot de Cambronne tant à la maison qu’à l’écrivain. 

© texte du billet par Denis Morin, photo des couvertures par Éditions Inspire, 2018

samedi 25 août 2018

Anomalie de Christophe Pelligrini



J’ai vu sur Facebook un auteur-compositeur-interprète lumineux aux mèches blondes du nom de Christophe Pelligrini et je constate que cet artiste a écrit un court roman intitulé Anomalie.  Étant curieux de nature, j’ai commandé le livre.

Mesdames, messieurs, faites vos jeux.  Rien ne va ou si peu pour l’auteur qui nous raconte avec humour et cynisme dans ce livre publié en 2016 chez Mon Petit Éditeur ses déboires existentiels.  C’est savoureux.

Il met en ligne un texte et se fait brutalement critiquer par une lectrice frustrée.

Au deuxième chapitre, il est maintenant en couple.  Sa conjointe accouche d’un fils qui n’est pas de lui, né trisomique, mais qu’il se considère comme le sien.  L’enfant meurt au bout d'un certain temps.  Puis au fil des ans, elle devient insupportable au point de tenter de l’empoisonner.

Dernier chapitre, il lui fait une gamine pour sauver le couple, mais que la mère veut juste pour elle.  Le tout se termine avec le narrateur, en l'occurrence aussi l'auteur, qui retrouve l’amour et sa gamine qu’il voit en garde partagée.

Fait à noter qu’il a signé en 2012 un court roman intitulé Heurts coupables aux Éditions des tourments.

Vivement un troisième roman un peu plus long cette fois-ci.  À suivre.

© texte et photo, Denis Morin, 2018

La fin du monde d'Hervé Richard




Décidément, quand j’aime un auteur, je le dis ouvertement.  Je ne m’en prive pas.

Je reviens à nouveau à Hervé Richard qui a publié en 2016 le recueil de nouvelles, La fin du monde, chez Mon Petit Éditeur.  Le style est à mi-chemin entre la caresse et la morsure.

La première nouvelle s’intitule Port-Jaguen en Bretagne où les uns cherchent le contrôle sur les autres, « propriété indivise d’une famille divisée ».

Dans Auguste, on fait la connaissance de ce garçon malade, respecté des autres élèves à qui « il lui fallait du calme, pas de lumières vives, pas d’émotions fortes. »

Dans Voici les clefs, l’écrivain tente en vain de sauver un bellâtre de ses addictions à la drague, au sexe et à l’alcool, avant que cela ne devienne pathétique.

Dans La princesse, l’auteur nous décrit la jeune femmes chiante, narcissique, capitaliste, victime de la mode et du consumérisme, qui finit par vivre au crochet de la société.

Dans Liberté, où l’on dépeint un journaliste qui se voit contraint sous peine de sanctions d’écrire un texte sur un concept en moins de 48 heures.  De plus, les mots s’achètent à présent.

Dans La panne, on réfléchit sur les beaux principes d’égalité et de démocratie et la réalité de l’exploitation des uns par les autres. 

Dans Frottement, on cause de l'attirance de l’homme envers la femme.

Dans La mésalliance, l’auteur se confie sur l’admiration vouée à son père et à l’éloignement face à sa mère.

Dans Mille ans après, il parle de son amertume face à la famille. 

D’ailleurs le 12 novembre 2017, je signais un billet concernant le roman Mille ans après publié en 2016 chez Mon Petit Éditeur traitant de cette famille tordue et de la résilience de l’écrivain.

Un écrivain à découvrir sans faute.

© texte et photo, Denis Morin, 2018


Roman russe d'Hervé Richard





J’aime Hervé Richard, son style, ses airs de mec faussement détaché quand il écrit, alors que c’est un grand livre ouvert.

Il a fait publier à l’automne 2017 Roman russe chez  Edilivre.  Il s’agit de courts récits de vie, des confidences.

On débute par Lettre à des gens peu connus à propos de ce que l’on dit, l’on tait, l’on révèle.

Dans Peut-être un jour, il se dit un enfant différent des autres bambins.

Dans Roman russe, il parle de l’austérité de la langue russe et de l’apprentissage de cette langue.  Il confie que cette langue ressemble à sa façon de structurer le temps et les aspects du temps.

Dans Méditations, il émet des réflexions sur la présence ou l’absence de Dieu.  Il s’émeut de la qualité du recueillement dans une église vide.

Dans Du temps perdu, on lit un dialogue avec Socrate qui préfère mourir dans deux jours pour rester fidèle à ses convictions.

Dans Arthur, c'est Arthur Rimbaud qui s’adresse par une lettre fictive à un professeur qu’il admirait beaucoup.

Dans Mon tendre ami, il évoque ceux qui sortent de notre vie quotidienne, mais dont le souvenir resurgit, alors qu’on ne pensait plus à eux.

Dans Questionnaire, ce sont des gestes qui font que l’on garde ou que l’on repousse une histoire d’amour ou les amis que l’on choisit. Ce texte se termine par une réflexion sur l’écriture.

Dans Cette douceur aussi, un fils écrit une lettre pleine de tendresse à son père.

Dans Immortelle, il évoque une grand-mère bienveillante.

Voici ce que cet écrivain dit au sujet de l’écriture : « On ne devrait pas écrire.  Le premier mot vous conduit au second et le second vous livre à tous les autres.  Parfois devant un souvenir douloureux, on se ferait couler un bain.  Là, protégé par cette eau savonneuse, on serait à l’abri de l’écriture, loin de ses feuillets et des encres. »

Un écrivain à découvrir sans faute.

© texte et photo, Denis Morin, 2018

Album Anne Hébert



Anne Hébert (1916-2000) occupe une place de choix parmi les écrivains au Québec.  Je me suis souviens d’avoir lu sa poésie, ses nouvelles et ses romans au secondaire.  Monsieur Robert Caisse, enseignant à la Polyvalente Deux-Montagnes, nous parlait d’elle très souvent et nous en imposait la lecture.  Je me suis toujours questionné sur le fait que cette femme aux allures d’éternelle jeune fille de bonne famille et de couventine écrivait ces pages avec cette violence ciselée dans  Kamouraska et Les Fous de Bassan.

La maison d’édition Fides crut bon et avec raison de nous proposer en 2016 un Album Anne Hébert dont le travail d’écriture et de conception fut confié à Bernard Chassé et Nathalie Watteyne.  La famille Hébert a collaboré en montrant des lettres et des photos anciennes qui y sont reproduites.  On y voit la jeune Anne pleurant son cousin, le poète Hector de Saint-Denys Garneau, puis travaillant à l’ONF, allant de s’installer à Paris, puis se reposant à Menton, avant de venir terminer ses jours au Québec.

Cet album possède le mérite de nous situer l’écrivaine en son époque et de lire ses propos sur l’écriture.  Elle se voulait discrète et solitaire, s’aménageant du temps pour sa raison de vivre, l’écriture.  Un livre à avoir dans votre bibliothèque si les lettres et les archives récentes vous intéressent.  Somme toute, je compte bien relire ses œuvres.

© texte et photo, Denis Morin, 2018

vendredi 17 août 2018

La partition de Suzanne de Danielle Dussault






Les femmes au Québec sont souveraines dans les arts et les lettres, héritage des Filles du Roy, des religieuses, des femmes autochtones et métisses, qui ont fondé la Nouvelle-France.  Hier, il y avait Gabrielle Roy, Anne Hébert et Claire Martin.  Aujourd’hui, il y a Hélène Dorion, Suzanne Myre, Yolande Villemaire, Danielle Dussault et bien d’autres encore…

J’ai choisi de vous parler du roman La partition de Suzanne de Danielle Dussault, paru chez Lévesque éditeur en 2012, parce que fasciné par le titre et la belle illustration abstraite de Suzanne Cohu.  Je savais d’emblée qu’on y parlerait de musique et surtout de musiques intérieures, lancinantes, envoûtantes, dont on n’arrive pas à faire taire.  Ce serait trop facile si l’on pouvait éteindre cette envolée lyrique, pour ne pas dire cette vague sonore comme on accroche un vêtement à la patère.

Peut-on choisir sa mort, surtout par un soir de Noëau moment où l’on chante à pleins poumons le Minuit, chrétiens ?  Peut-on décider de blesser les êtres chers ?  À qui doit-on laisser des souvenirs ?  En fait, qui les mérite ?  La mère étouffante, la sœur qui a plus de talent que soi, un camarade de classe.

Dans La partition de Suzanne, l’écrivaine Danielle Dussault orchestre bien les voix avec des narrations multiples : Suzanne, Étienne (élève et future musicien), Myriam (qui cherche un sens et qui prend un pseudonyme de chanteuse pour se libérer du drame), Janie (enseignante, pianiste, fille qui fait livrer des oranges à son père en prison), Benoît Eicher (professeur de musique, admiré de tous, détenu), Suzanne.

Somme toute, ce roman psychologique nous questionne sur le talent, les femmes qui cherchent à s’exprimer par les arts et sur la rédemption par la musique.  Émouvant et brillant roman !  À lire absolument !

© texte et photo, Denis Morin, 2018

dimanche 12 août 2018

Le rêve bleu de Serge Dérès



Serge Dérès et moi, nous sommes des potes de Twitter.  Nous nous suivons depuis un certain temps.  J’apprécie la gentillesse et le savoir de ce professeur à la retraité né en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en Charente-Maritime.

C’est justement dans les Deux-Sèvres et en Charente-Inférieure que le romancier nous mène en 1941-1943 pour nous présenter Germaine, la tenancière d’un café-tabac, le pasteur Jospin qui sauve des Juifs, Julien le doux instituteur du village qui est amoureux de Solange, une jeune juive allemande réfugiée dans ce coin tranquille de la France. Ces deux-là deviennent résistants, tandis qu’Alfred, le trouble-fête des environs s’enrôle dans la milice.

Le rêve bleu, roman paru en 2016 chez Edilivre, correspond à l’enfance et à l’adolescence que la guerre nous vole avec cette perte des illusions, à ces destinées chamboulées, aux morts que l’on pleure, aux départs sur le quai d’une gare pour les combats ou pour un camp, au souhait d’un lendemain meilleur, si on peut se tenir jusqu’à l’aube, si le destin nous laisse filer par-delà les contrôles routiers et nous épargne les griffes de la Gestapo.

Je reste fasciné par la couverture magnifique de ce fascinant roman comme une troublante leçon d’histoire régionale.  D’ailleurs, je soupçonne l’auteur d’être apparenté avec certains de ces personnages attachants.  Je vous invite à entrer à votre tour dans cette nuit bleue.  Ce roman fut une agréable surprise.  À lire !

© texte et photo, Denis Morin, 2018

vendredi 3 août 2018

Pleurer ne sauvera pas les étoiles de François Guerrette





Voici un autre superbe recueil du poète québécois François Guerrette intitulé Pleurer ne sauvera pas les étoiles paru en 2014, à Montréal, aux Éditions Poètes de Brousse.

On marche dans cet ouvrage dans la nuit à tâtons, guidé uniquement par la blancheur de la lune et le miroitement des étoiles.  L’intuition en fait nous mène par les sentes et les chemins de traverse.

Des photos d’archives familiales ou régionales en noir et blanc nous montrent des gens d’une autre époque où les jours coulaient si paisiblement dans un moule normatif rassurant.

En contrepartie, le poète tient un discours alarmiste, sombre, comme s’il attendait une fatalité personnelle et collective à laquelle on ne pouvait échapper.  Se résout-il à son sort ?

« Prononcer des mots qui percent les murs
me redonne la force de croire
que je ne suis jamais seul. »

« Accusez-moi d’avoir volé
à la foudre un peu de lumière
pour la rendre aux fous. »

« Aujourd’hui je rôde en colère comme un ange autour de la fin du monde. 
Je ne sais plus ce que je cherche, ni si je veux le trouver. 
J’apprends de nouveaux mots quand le tonnerre fait avorter les oiseaux. »

Ce poète est une fascinante bête dont je veux continuer à suivre les pistes dans la neige tant que les flocons virevolteront et tomberont sur le sol…

© texte et photo, Denis Morin, 2018

mercredi 1 août 2018

Constellation des grands brûlés de François Guerrette




L’autre jour, je parcours sur le site de Radio-Canada l’article concernant les cinq finalistes du Concours de poésie 2018.  Je tombe alors sur François Guerrette, ce jeune poète.  Nous avons trois points en commun : le Bas Saint-Laurent (région d’origine commune), la poésie (il en manque puisqu’il écrit au quotidien) et les cheveux (tignasse d’un noir jais dans son cas et absence dans mon cas). 

Allons voir ce qu'il nous propose.  Paru en 2017, le recueil Constellation des grands brûlés est son cinquième titre aux Éditions Poètes de brousse, à Montréal.  « Ça sent l’Apocalypse », me suis-je dit en feuilletant le livre, au moment où le métro Azur arrivait à la station de métro Henri-Bourassa.  Je ne m’étais pas trompé.  L’amour dépeint entre ces pages relèvent du sado-maso.  On mord les mots qui émanent et on reçoit une gifle parfois pour nous sortir de la torpeur du lecteur avachi trop longtemps dans un fauteuil.

Les extraits ci-dessous vous permettront de mieux goûter ces vers qui vous laissent un dépôt acidulé aux lèvres…
« Laisse ta colère éclore, je récolterai
les cerfs-volants sauvés par la foudre. »

« Dans deux mille ans je n’aurai pas fini de raconter
comment nous sommes devenus fous
figurants qui contemplent
trop longtemps les étoiles. »

« Notre cellule sans murs
a besoin de séismes
chaque secousse écourte
nos peines d’emprisonnement. »

Courez donc chez votre librairie, si les électro-chocs poétiques ne vous font pas peur.  Un poète à suivre.


© texte et photo, Denis Morin, 2018