samedi 9 septembre 2023

La marque de Zïlon de Jean-Marc Beausoleil

 

Ces derniers jours, j’eus le plaisir de lire La marque de Zïlon de Jean-Marc Beausoleil. Quelle délicieuse et pertinente lecture ! Je me suis revu dans les années ’80 lorsque je me rendais au Lux sur le boulevard Saint-Laurent et que mon iris était happé par un visage androgyne énigmatique peint à l’aérosol par cet artiste, pionnier du street art à Montréal. Je me disais alors que David Bowie aurait certainement demandé à l’artiste de lui concevoir une pochette de disque.

C’était l’époque aussi où Montréal était en pleine fébrilité créatrice avec la troupe de danse La La La Human Steps et la troupe de théâtre Carbone 14. Michel Lemieux chantait Romantic Complications, pendant que Diane Dufresne montait sur scène avec son album Magie rose. Bref, ce fut une époque exaltante au maximum.

Pour l’élaboration de cette biographie, l’auteur a consulté bien du monde : l’artiste lui-même, des proches, des intervenants divers, l’animatrice Geneviève Borne. L’écriture de Beausoleil possède la fluidité du littéraire et la rigueur du journaliste. C’est exquis et brillant. Bravo !

Cette biographie incontournable parue en 2022 aux Éditions Somme toute nous présente Zïlon (né Raymond Pilon, 1956-2023) un concepteur parti trop tôt. Je rêve, mais mon souhait serait qu’un musée montréalais lui consacre des salles entières en permanence.

© Photo, billet, Denis Morin, 2023

 

 


dimanche 20 août 2023

Nous sommes des énigmes de Philippe Haeck

 


Philippe Haeck a écrit des essais, des carnets de notes et des recueils de poésie. Cet ex-professeur, époux, père et grand-père, nous arrive ici avec Nous sommes des énigmes paru en 2023 aux Éditions Sémaphore.

Ce carnet de notes avec comme couverture un beau hibou, œuvre de sa petite-fille Stella, ressemble à un journal intime où l’auteur livre ses états d’âme, ses réflexions philosophiques, le tout truffé d’extraits de lectures.

Une fois, l’éclectisme accepté comme manière de percevoir le monde, j’ai goûté l’érudition et le foisonnement d’idées de l’auteur. Ses longs paragraphes tiennent lieu de labyrinthes où l’on se perd et se retrouve. On se laisse bercer par une sorte d’envoûtement. Il se livre à l’iris du lecteur en toute spontanéité. C’est une longue confidence d’un homme avec ses coups de cœur, sa nostalgie, son goût de la solitude, son amour profond pour sa famille, sa compassion.

Bref, voici un livre à découvrir si vous aimez la littérature et la philosophie. 

Extrait :

« Entrer dans un livre-souffle, aller de phrase en phrase, parfois s’arrêter, quelque chose bouge dans le coresprit, tenter de le dire, continuer à avancer, écouter sa musique, sentir son air, chaque fois une aventure. Les livres m’attirant, une invitation à parler avec une femme un homme que je sens tout près, un échange plein de bifurcations… »

© Photo, texte, sauf l’extrait de Philippe Haeck, Denis Morin, 2023


vendredi 7 juillet 2023

UNE de Franck Antunes

 

Franck Antunes avait commis auparavant Trois, D(i)eux avant de passer à UNE toujours dans la collection Magnitudes chez JDH Éditions.

Qu’avait ce brillant et bel écrivain à m’apprendre à titre de lecteur ? Je dirais les jeux de l’amour et du désir ou bien du désamour. Léo, mature, marié, veut bosser de son mieux dans un boulot de directeur des achats où il excelle. Il séduit Carmen, une secrétaire plus jeune que lui et surtout plus tourmentée, coincée entre d’anciens amants violents et une quête de sens à sa vie.

Cette histoire de cœur est-elle viable à long terme ? Qui aime qui ? Qui abuse, qui séduit, qui part et revient, qui succombe, se relève, met des restrictions comme si les sentiments avaient besoin de balises et de panneaux de circulation ?

Je sorti de la lecture de cette trilogie sous le charme de cette plume, ponctuant le tout de réflexions philosophiques, de citations littéraires. Bref, je me suis diverti et il m’a permis de réfléchir sur les rapports amoureux. À découvrir.

Extraits : 

« Léo a décidé d’écrire. Enfin, pour ce qui est de décider, pas vraiment… Ça peut être une ambition de prendre son stylo, c’est plus souvent une nécessité. Il est déjà la cible d’une première incohérence : Comment se faire l’historien de ce qui n’a pas d’histoire ? Officielle, j’entends. »

« Une jolie lettre, alors que je n’aime pas écrire. Écrire, ça fige une pensée, et puis les mots deviennent engagements. Et je n’aime pas m’engager. Je n’ai jamais su. Je ne sais pas choisir, mais j’aime avoir le choix. »


© Photo, billet, sauf les extraits de F. Antunes, Denis Morin, 2023


dimanche 14 mai 2023

D(i)eux de Franck Antunes

 


Tenant ma promesse en différé faite à l’auteur Franck Antunes, me voici avec D(i)eux, soit le deuxième tome de sa trilogie publiée chez JDH Éditions.

Quel délicieux délire que cette longue réflexion de l’écrivain alias le narrateur Léo Giraux faite sans censure sur tout et rien, l’économie, les rapports sociaux, la religion, l’écriture ! Tout au long de la lecture, je me suis dit : Sur quelle galère suis-je embarqué ? D’ailleurs, c’est ce qui fait le charme de ce livre indéfinissable à quelque part entre roman, conte philosophique et essai. Perdre ses repères et s’abandonner en toute confiance, le sourire aux lèvres.

Je vous parlerai d’Une d’ici trois semaines, soit le temps de me remettre en douce de cette lecture déstabilisante, mais ô combien pertinente !

Extrait :

« Non, un livre ce n’est pas facile, ce n’est pas du tout cuit, de l’instantané, c’est un objet âpre, presque moche, à la présentation aride… mais avec la richesse d’un Nouveau Monde pour ceux qui veulent, pour les lecteurs… »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de F. Antunes, Denis Morin, 2023


samedi 6 mai 2023

La minute passe sur les épaules de ta voix de Geneviève Catta

 


Geneviève Catta possède la discrétion de la tourterelle au sous-bois. J’avais bien apprécié son recueil de nouvelles Souffles paru en 2021 chez Le Lys Bleu.

Animatrice d’ateliers Les mots, la vie. Elle tient un blogue du même nom. 

La revoici en 2022 chez Pierre Turcotte Éditeur dans la collection Magma Poésie avec le très beau recueil intitulé La minute passe sur les épaules de ta voix où la perte amoureuse s’exprime finement en quatre chants.

On est ici en présence d’une femme seule, à la suite d’une rupture ou d’un deuil. Toutes les options sont de l’ordre du possible. Tout est en demi teintes. On marche avec elle. À la lecture, il me venait à l’esprit des chansons piano-voix de Véronique Sanson et de Juliette Armanet. « Ce que j’ignore – réparer l’amour » donne le ton du recueil entre attente et réminiscences du passé par les objets, quand le souvenir creuse l’absence au cœur et dans les plis des draps. Le spleen prend toute la place en bordure de plage ou de clairière.

L’écriture de Geneviève est un rideau de dentelle traversé par la lumière. Je vous souhaite ce rendez-vous avec ses mots.

Extraits : 

« le chagrin pointait l’entaille infime

douleur drue

mon sang perlait

et

goutte à goutte

bocal renversé

image fracturée

le cœur a fuit »

 

« il suffit de se que

le vide effarouche la lente sente

petits crocs de verdure

à la base du corps

cordons de feuilles

et de fleurs aveugles »

 

© Billet, photo, sauf les extraits de Geneviève Catta, Denis Morin, 2023

 

 


samedi 29 avril 2023

Tu me rappelles un souffle de Robert Lalonde et Jonathan Harnois

 


Quand un homme de lettres arpente depuis si longtemps les planches et les fibres du bois communique avec un jeune prodige en soif de reconnaissance, ça donne inévitablement une rencontre inoubliable.

Le premier rassure le deuxième sur son don et le deuxième stimule le verbe du premier. On est dans le partage en toute authenticité où les egos sont remisés au vestiaire. Tout se dit, se vit ouvertement.

Tu me rappelles un souffle, correspondance en quatre saisons de Robert Lalonde et Jonathan Harnois chez Boréal, est de l’ordre de Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. Si j’étais professeur de littérature, je glisserais ces deux ouvrages comme lectures obligatoires.

On cherche toujours à comprendre la nature de l’écriture, les raisons qui nous poussent à nous exprimer et à révéler les notes de notre musique intérieure à l’écoute et au regard des autres. 

Un délice, cette correspondance ! Invitez ces deux auteurs au salon ou à votre table. 

Extraits : 

« Les mots dardent des confins. Grâce à eux nous savons honorer la complexité. Grâce à eux nous avons des mains capables de casser le cou de l’aliénation. Et alors la solitude devient vents d’aube et nuits d’or liquide. » JH

« L’habitude d’écrire peut empêcher d’écrire – tout comme l’habitude de s’y risquer, tu le sais. Eh bien, sache que, depuis toi, je ne compose plus de la même manière, ne rédige plus de la même façon, me fie davantage à ma mémoire imaginante... » RL


© Photo, billet sauf les extraits de JH et de RL, Denis Morin, 2023

 


samedi 22 avril 2023

La poésie m'inspire de Ginette Bernard St-Pierre

 

Ginette Bernard St-Pierre alias Fleur de mer mène sa vie sans tambour ni trompette. Autrice des Basses-Laurentides, elle vient de faire paraître aux Éditions Le Baladin, un recueil de biopoésie intitulé La poésie m’inspire. J’ouvre la couverture comme on débute un parcours en poésie et en prose avec une préface de la poète Diane Boudreau. 

Ce livre se divise en différents segments, selon les étapes de son existence. On y découvre une enfant espiègle et attentive aux autres, dès un jeune âge.

En fait, tout l’enchante. Elle possède une grande capacité d’émerveillement et une candeur dès l’enfance. Son style est agréable à lire, accessible, plein d’espérance en la vie. Dotée d’une saine curiosité, tout l’intéresse. Elle voit le côté lumineux des choses et des êtres. Cette attitude au bonheur se perçoit tout au long du livre.

À un certain poème, Un cœur à l’endroit, un cœur à l’envers, j’entendais marmonner ma mère et ma grand-mère paternelle, lorsqu’elles tricotaient et comme je les trouvais habiles de pouvoir retourner les mailles dans un sens comme dans l’autre.

Ginette Bernard St-Pierre tourne justement les événements et les mots sous un jour lumineux.

On peut se procurer ce recueil aux Éditions Le Baladin. Je vous encourage à le lire.


Extrait :

« Des instants de joie

Lors d’une jolie promenade

Souvenir d’enfant

Rêverie heureuse

La réjouissance m’a comblée

Dans le temps présent

Des petits pas sourds

Voyageant tranquillement

Feront de grands pas. »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de Ginette Bernard St-Pierre, Denis Morin, 2023


dimanche 16 avril 2023

3 de Franck Antunes

 

Franck Antunes, je l’ai repéré depuis un certain temps chez JDH Éditions, ce confrère d’écriture, logeant à la même enseigne, beau gosse qui joue du mystère.

En 2021, j’ai commandé sa trilogie 3, D(i)eux, Une. Souffrant d’une légère procrastination et d’une contemplation de mes piles à lire, je me suis dit qu’il me faudrait tôt ou tard amorcer la lecture de cette trilogie à rebours.

Ainsi, j’ai plongé dans l’opus 3 ! J’en suis encore soufflé par l’érudition de l’auteur au style inclassable. Ici, il nous présente Léo Giraux, cadre dans une société dont le principal dirigeant narcissique souhaite le virer. Léo use de ruse et s’en tire plutôt bien pour éloigner l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de sa tête. Le narrateur entrecroise des réflexions sur le monde des affaires et la présentation de ses auteurs préférés.

Constat et verdict : ouvrage brillant mené par un maître pédagogue ! 

Franck Antunes me donne une double envie : le lire pour savourer sa fougue créatrice et replonger dans le corpus littéraire des auteurs proposés.

Vivement Antunes !

Extrait :

« J’aimerais écrire comme on crée une autre réalité, plus probable que le quotidien, une réalité qui nous concernerait plus. Écrire dans une urgence, comme une nécessité, comme un coup de pied au temps qui passe, une bourrade à la grande faucheuse. »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de F. Antunes, Denis Morin, 2023


samedi 8 avril 2023

Voyage le long du crépuscule de Christian Legault

 

Ouvrir un livre, c’est toujours s’exposer à de nouveaux univers et connaître la créativité d’une nouvelle plume. Je termine la lecture du roman Voyage le long du crépuscule de Christian Legault publié en 2022 aux Éditions Hello.

Les hasards de la vie font en sorte que je fus informé du fait qu’il réside dans ma région. Nous sommes presque voisins. Il a pris le beau risque d’être édité en France plutôt qu’au Québec.  

Un chargé de cours au Québec subit les foudres de l’administration de l’université pour son humour qui déplaît en cette ère de wokisme. Il décide de se rendre à Paris pour rencontrer d’anciens collègues d’études et présenter des conférences.

Durant son séjour parisien, il rencontrera furtivement l’amour au Café de Flore où rode encore le souvenir de Sartre et de Beauvoir.

Ce roman atypique fait bien des clins d’œil et est pourvu de moultes pistes de réflexion sur le savoir à haut niveau, Paris, la mort, le Québec coincé par un rythme trop lent, l’histoire, la mythologie et à la Grèce.

J’ai aimé l’écriture raffinée, l’érudition et le cynisme de l’écrivain. C’est intense et dense. Je ne voulais pas refermer ce livre. Voyons de quelle nature sera le prochain opus. Christian Legault n’a pas dit son dernier fort heureusement.

À découvrir.

Extrait :

« Nous allons à Delphes, même si ce n’est plus le centre du monde. Nous visitons son site archéologique, parlons à sa pythie à la langue coupée, puis nous finissons cette journée en escaladant les chemins vallonnés du mont Parnasse, des chemins où l’herbe drue a été broutée par les béliers des montagnes. »

 

© Texte du billet, sauf l’extrait de C. Legault, Denis Morin, 2023; photo, Éditions Hello, 2022.

 

 

 

 

 

 

 


samedi 1 avril 2023

Cailloux et perles de Diane Boudreau

 

Chaque livre de Diane Boudreau est un événement en soi. Issue du monde des arts et de celui de l’enseignement, elle est aussi conférencière sur Félix Leclerc. Cette fois-ci, elle nous arrive avec Cailloux et perles avec une sympathique narratrice Marie Cadet-Soucy.

Les cailloux sont les pépins, les ennuis, les échecs rencontrés sur le parcours de la narratrice. Vous aurez deviné que les perles sont les réussites, les moments de grâce et de magie qui se pointent le bout du nez à l’occasion.

Ce livre se lit le temps d’une soirée, mais quel délice ! C'est comme un partage de confidences. J’ai été porté par le souffle de l’autrice qui, soit dit en passant, est l’une des plus belles plumes au Québec, même si elle est d’une discrétion et d’une humilité.

À lire pour la beauté des faits et des gestes. J’en recommande la lecture à ceux et celles qui doutent et qui sont à la croisée des chemins dans leur vie. Des citations bien choisies appuient les propos de la narratrice.

Pour vous procurer ce livre, on peut joindre Diane Boudreau via Facebook.

Pour l’instant, je lui offre ce billet, cette bille et ces boutons de nacre en périphérie des perles.

Extrait :

« Le dimanche suivant, dès les premières lueurs de l’aube, Marie s’installe seule dans le silence de sa demeure. Elle griffonne, rature, laisse monter en elle, ligne après ligne, ce qu’elle vit chaque mercredi soir, après sa journée d’enseignante, lorsqu’elle retrouve les choristes. »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de Diane Boudreau, Denis Morin, 2023

 


vendredi 31 mars 2023

Ce que je sais de toi d'Éric Chacour

 

Ce que je sais de toi est le premier roman écrit par Éric Chacour et publié en 2023 chez Alto à Québec.

Au Caire, Tarek suit les traces de son père. Il sera médecin. Il soigne autant les citoyens à l’aise que les pauvres. Son empathie l’y pousse. Il se mariera comme bien d’autres le font par tradition et amour.

Mais qu’en est-il lorsqu’un être nous trouble, nous séduit, provoque des rumeurs à notre endroit au point de fuir vers Montréal ? Et même en exil, reste-t-on au fond toujours le fils, le frère, l’amoureux, le toubib de quelqu’un, celui dont on tait le nom lors d'un repas ?

Durant une bonne partie de la lecture, j’ai voulu deviner l’identité de la voix narratrice qui explique les tourments de Tarek le proche intime égaré dans quelques arpents de neige, sans toutefois y parvenir. Cela fait partie du charme de ce livre.

Et j’ose humblement vous dire que quand un bouquin déclenche mon envie d’écrire et m’embue le regard, c’est vraiment un excellent signe. Ce fut le cas.

Un écrivain est né. Mektoub.

Extrait :

« Je te vis dans l’embrasure de la porte. Tu sortis. Je m’approchai de toi pour te demander mon chemin. Les mots se bousculèrent dans mon esprit. Tous voulaient t’atteindre mais aucun ne sortit. Tu me repoussas violemment. Tu courais presque. Tu ne te retournas pas. Tu disparus. »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait d’Éric Chacour, Denis Morin, 2023