samedi 30 janvier 2021

Le monde des fous est infini de Poli Gyronnase

 

Les réseaux sociaux nous apportent de tout, des gens sympa et des trolls, mais souvent des artistes talentueux qui méritent une sortie de l’ombre. Un bon jour, mes déambulations virtuelles me font croiser Poli Gyronnase, un ex-policier devenu conseiller financier. Il se voyait écrivain et il l'est devenu.

En 2019, il publiait chez Librinova le roman Le monde des fous est infini, après des années d’enfouissement du tapuscrit dans un tiroir.

L’auteur se met en scène. Il y décrit sommairement ses 18 années de service à titre de policier dans une banlieue française en utilisant le procédé de la mise en abyme par le biais d’un recueil de nouvelles (ou chapitres du roman en cours) qu’il fait lire à sa flamboyante conjointe Ornella.

Selon moi, le moment le plus délicieux est la scène de braquage mené par un musicien de rue déguisé en Joker et une superbe Brésilienne complètement disjonctée.

En outre, la fin du roman m’a laissé complètement bouche bée. Je ne m’y attendais pas. D’habitude, mon flair me dévoile la fin bien avant les dernières pages, mais pas cette fois-ci.

Vous comprendrez bien que j’ai goûté les réflexions existentielles du flic narrateur et l’humour étonnant de l’écrivain qui n’est pas trop loin de celui du romancier David Zaoui. Je n'en dirai pas davantage au risque d'en dévoiler trop quant au contenu de l'histoire.

Donc, un nouvel auteur à découvrir ! Vivement le prochain opus !

Extraits :

« Ils roulèrent très vite et sortirent rapidement de la ville. C’était extraordinaire de voir un Joker portant un masque et un chapeau avec des grelots au vent ainsi qu’une Brésilienne tenant toujours son large chapeau noir, rouler à fond les gamelles. Ils se faufilaient entre les files de voitures. Un agent de la circulation sourit quand il les vit passer. Les deux voleurs lui gratifièrent du signe V de victoire de leur index et de leur majeur. » 

« J’ai préféré partir avant de finir ma carrière avec de jeunes collègues trentenaires bien polis. De jeunes flics « pisse-froid » élevés dans l’univers du politiquement correct, de bons buveurs d’eau minérale sans humour, de bons sportifs bien coiffés aux abdos en béton, qui pourtant, s’affaleraient à la simple annonce de leur placement en garde à vue à l’IGPN. Tu vois, j’ai privilégié ma liberté. »

« La liberté, c’est un mot qui revient souvent dans ta bouche !  Oui, on ne peut rien faire dans la vie si on se trouve sous l’emprise de quelque chose, ou de quelqu’un. » 

« Quand on tombe sur une affaire sérieuse avec une belle crapule, la finalité est toujours la même : on est emmerdé par le système et la crapule est protégée. La victime, elle, est toujours oubliée. Je n’ai plus confiance non plus en la justice. J’ai vu trop d’incohérences. Pour résumer, quand le policier agit, on lui reproche de trop agir et quand il n’agit pas, on lui reproche de ne rien faire. C’est kafkaïen. »

© Billet de blog, sauf la photo et les extraits de P. Gyronnase, Denis Morin, 2021

 

 


samedi 23 janvier 2021

Vocalises sur un sanglot de Francine Allard

 

Francine Allard est une artiste polyvalente des Laurentides au Québec : écrivaine, peintre, chroniqueuse.  En littérature, elle s’adresse autant aux adultes qu'aux petits. 

Cette épicurienne d’une grande sensibilité signait en 2003 le recueil de poésie Vocalises sur un sanglot dans la collection Opale aux Éditions 3.

Ne venez surtout pas me dire que le blogueur ne doit causer que des nouvelles parutions. Faux. Un très bon livre est indémodable, ce qui est le cas du présent ouvrage. Les bouts de post-it qui apparaissent sur la photo vous prouvent hors de tout doute mon intérêt.

Le recueil est finement illustré en couverture par la peinture Lettre sans réponse de Denys Matte. Des gouaches du même peintre jalonnent notre parcours de lecture. 

Les poèmes se divisent en quatre mouvements musicaux qui donnent le ton à l’émotion : Diminuendo, Staccato, Lamentabile, Coda.

Cette femme de lettres aborde les notes discordantes entre une mère et sa fille, la peinture et l’écriture, sa foi éteinte, les plaisirs furtifs de la chair et les émois causés par un bel amant devenu malheureusement infidèle.

Bref, je referme ce livre agréablement surpris ! Le style et les émotions sont au rendez-vous !

Extraits : 

« Je ressens la vacuité du silence

et les mots     comme les bulles d’une eau     effervescente

montent un à un

s’inscrivent d’abord dans la pensée

gagnent aussitôt le bout des doigts

s’agitent

et écrivent l’amour perdu »

 

« La lettre de ma mère

n’est pas signée

c’est l’habitude de la filiation

désaveu qui me poignarde

à chaque mot saisi

à chaque remords qui tenaille »

 

« Mes anciens voyages en mer

ne sont que de vagues souvenances

lorsque je pose enfin le pied

sur le sol gelé

la lavande renaîtra d’entre les deux pierres

et la clématite reprendra son ascension

sur les minces treillis

nous verrons éclore le narcisse d’entre les euphorbes

défleuries »

 

© Texte et photo, sauf les extraits de Francine Allard, Denis Morin, 2021