samedi 22 décembre 2018

Encore et toujours... rien pantoute de Marcel Sabourin



Marcel Sabourin, quel bel artiste ! Acteur, scénariste, professeur de théâtre, parolier de Robert Charlebois, il s'est remis à l'écriture ces dernières années, une écriture plus poétique.  Encore et toujours... rien pantoute, recueil constitué de poèmes, de réflexions et de mini-monologues, publié chez Planète rebelle en 2018, est la suite de Petits carnets du rien-pantoute paru à l'automne 2017.

Sa plume est directe, vive, alerte, lumineuse, irrévérencieuse, sage et jeune, pleine d'expérience et d'encre, de sève. Un CD accompagne le recueil. Sa voix chaleureuse, émouvante et rieuse émet des réflexions sur la vie, la vieillesse, la mort, l'amour, le temps présent, la nécessité d'apprécier les jours, d'être là, vivant ! 

J'apprécie qu'un homme octogénaire conserve sa place sur la scène culturelle du Québec. À lire et à écouter !

Extraits : 
« Pas besoin de parler, pas besoin d'être poète à
l'imagination furibonde
Non
Juste aider à mettre un peu de
lumière et de chaleur dans la
vie de quelques personnes
autour. »

« Heille ! ça s'échappe de partout
Ben voyons donc !
Mais attention, voulant tout garder
Tu t'échappes toi-même.  »

« La vraie vie
Se déroule
Dans l'incomptable
Et même dans l'incontable. »


© Photo, texte, sauf les extraits,
    Denis Morin, 2018


jeudi 20 décembre 2018

C'est quoi être poète ? Entretiens d'Émile et de Julos Beaucarne



J'aime lire des bouquins qui me sortent des sentiers battus, qui me font sourire et réfléchir, qui permettent des rencontres culturelles, créant ainsi une certaine magie.  J'entre à la librairie la Maison de l'Éducation, à Montréal, et je tombe sur ce petit livre sympathique.

Dans C'est quoi être poète, les Éditions de l'Aube publiaient en 2015 des entretiens entre Émile, élève du collège jouxtant l'Abbaye bénédictine du Jouïr, à Corbigny, en Bourgogne, et Julos Beaucarne, artiste wallon multi-disciplinaire (conteur, poète, écrivain, chanteur, sculpteur). Ces entrevues sont illustrées avec un zeste d'humour par Pascal Lemaître.

Émile questionne l'artiste sur ce qu'est le poésie et la contribution de celle-ci dans la vie des gens. Julos Beaucarne établit une comparaison intéressante entre le poète et le peintre et l'activiste politique.  Cela donne aussi droit à des échanges amusants et inspirés. Le garçon est sérieux, tandis que le poète se livre spontanément comme un enfant.

Bref, on a mis de la couleur et de la joie dans mon cœur le temps de deux trajets bus-métro entre ma cité-dortoir et la ville.  En outre, je sais pertinemment que je présenterai ce livre à des poètes en herbe.

Extraits :

« Émile - Il faut quand même avoir des compétences ?
« Julos Beaucarne - Oh ! des compétences... Oui.  Savoir faire danser les mots en équilibre sur la ligne.  Jongler avec les mots. Les goûter. Les embrasser. Les caresser. Les mastiquer. Les cuisiner. Les habiller. Les semer. Les récolter. Les faire résonner. Les réveiller.  »

« Émile - Vous pensez qu'on n'enseigne pas assez la poésie à l'école ?
« Julos Beaucarne - On ne peut pas forcer quelqu'un à aimer la poésie. Si on fait ça, on se trompe. Pourtant, c'est quand même à l'école que l'on entend le plus parler de poésie, surtout dans les petites classes. Et à mesure que l'on grandit et que l'on met le pied dans le sérieux du monde, cela paraît de plus en plus dérisoire. » 

« Émile - Il y a quand même des techniques d'écriture en poésie ?
« Julos Beaucarne - Chez moi, non !  Il faut que cela sonne, que cela te parle, te mette en émotion. Cela donne un petit tout fait de mots et de phrases que tu as créées et qui t'encourage à écrire encore, à inventer autre chose. Mon père était inventeur de machines. Moi, je suis un inventeur de phrases. »

© Photo, texte, sauf les extraits,
    Denis Morin, 2018


mardi 18 décembre 2018

Ravel de Jean Echenoz


Pour me déstabiliser un peu par rapport à mes dernières lectures, je décide d'ouvrir Ravel de Jean Echenoz, roman biographique minimaliste paru en 2006 aux Éditions de Minuit (maison ayant publié maintes fois Duras). 

De Ravel, je ne connais à vrai dire que son Bolero entendu une première fois vers 1980, lors de la sortie du film Les uns et les autres de Claude Lelouch.  J'ai vu le film dix fois en six mois. Donc, j'eus le Bolero en tête pendant un bout de temps tel un vers d'oreille. Quant à Jean Echenoz,  j'avais déjà vu ses livres en librairie sans m'y intéresser.  Maintenant, j'apprends sur le web qu'il se mérita le prix Médicis en 1983 avec Cherokee, puis le prix Goncourt en 1999 avec Je m'en vais.  Bon, j'ai affaire à deux hommes solides. 

J'avoue qu'on peut posséder une bonne culture générale sans avoir tout lu. Pas besoin de se justifier outre mesure.  Par contre, il me plaît de semer sur mon blogue des livres plus ou moins récents, sans aucune gêne.  Un bon livre reste un bon livre, peu importe le moment où il fut écrit. Pas d’âgisme ni pour les écrivains, ni pour leurs œuvres. 

Ce livre porte sur les dix dernières années de vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937). L'intérêt réside dans l'esprit de synthèse du romancier qui décrit la vie superficielle de l'artiste, son maniérisme, la solitude du pianiste, la vie mondaine après les concerts, les tournées, l'émulation, l'envie, le triomphe, la tristesse, la nécessité de marcher en silence dans la forêt de Rambouillet ou de se réfugier en Provence pour entendre sa petite musique intérieure, la mémoire qui file comme une envolée de notes une fois le public parti et le rideau de scène tiré.

Bref, j'aime et je vous reparlerai à nouveau de cet écrivain.

Extrait concernant la création du fameux Bolero :
« Peut-être a-t-il de qui tenir quant à ce goût pour la mécanique, son père ayant sacrifié la trompette et la flûte à une carrière d'ingénieur qui lui a fait inventer entre autres choses un générateur à vapeur chauffé par des huiles minérales et appliqué à la locomotion, puis un moteur surcomprimé à deux temps, une mitrailleuse, une machine à fabriquer des sacs en papier et une voiture avec laquelle il a conçu un numéro d'acrobatie nommé Tourbillon de la Mort. Il y a en tout cas une fabrique qu'en ce moment Ravel aime bien regarder, sur le chemin du Vézinet, juste après le pont de Rueil, elle lui donne des idées. Voilà : il est en train de composer quelque chose qui relève du travail à la chaîne.  »

© Photo, texte de ce billet,
    sauf l'extrait, Denis Morin, 2018 

samedi 15 décembre 2018

Brunantes d'André Ledoux


André Ledoux est un universitaire et enseignant diplômé maintenant retraité, mais combien occupé à embellir la vie des autres.  Au-delà de l'image d'un homme un brin austère, je retiens de lui l'homme de cœur et d'esprit.  Il écrit depuis des lunes et ses champs d'écriture vont des essais sur la santé, le mieux-être au roman policier et à la poésie.

Cette fois-ci, notre auteur ose Brunantes où il se permet une originalité dans le titre, puisqu'on dit une brunante au Québec (ce qui correspond à l'heure bleue du côté de l'Europe francophone). Dans ce recueil publié par l'éditeur Textes et contextes de Ste-Adèle dans les Laurentides, il alterne en douceur les textes et les images, comme si nous nous promenions dans une galerie d'art, voire dans l'imaginaire du poète. Des rêves, des souvenirs de voyage, des aveux amoureux s'étalent tout au long de cette galerie intimiste.

Certains poèmes sont traités aussi à la manière de nouvelles avec des chutes inattendues.  Effet de surprise assuré.

Bien humblement, j'ai accepté de signer la préface de ce recueil pour marquer mon appui à ce poète qui fréquente aussi le Café littéraire que j'anime pour l'association Toulèsarts de Saint-Eustache, près de Montréal.

À son tour, André Ledoux place à la fin de son recueil quelques activités de création littéraire pour stimuler l'inspiration.

André Ledoux est un écrivain que je vous recommande.

Extraits :

« Neige sans tache
Les arbres portant dentelles
Hymne à l'enchantement
Silence feutré
Paix et sérénité
Dans un décor qui me comble.  »

« Dans le cosmos
De la vie en circulation
Depuis toujours
Sans interruption
Permanence de la durée
Un jour
Jeu du hasard et de l'existence
L'étincelle s'actualise
Prend une forme matérielle
Incarnation.  »

« Il s'en est souvenu
Dans les draps lilas
Une femme amoureuse
Se penchait vers lui
Pour l'embrasser
Inoubliable couleur.  »

© Photo, texte du billet, 
    sauf extraits du poète,
    Denis Morin, 2018

mardi 11 décembre 2018

Neige de Maxence Fermine



En littérature, je m'intéresse pas uniquement aux dernières parutions, même si c'est bien excitant d'avoir l'illusion d'être l'un des premiers à ouvrir un livre.  Les parutions antérieures méritent aussi qu'on s'intéresse.  Un livre bien ficelé, ça demeure une oeuvre intéressante à lire et ce, peu importe l'époque à laquelle on la vit. 

Dans ce cas-ci, le nom de Maxence Fermine était passé à maintes reprises devant mon iris via la lecture d'articles divers, surtout du côté européen. On compare son écriture à celle du romancier italien Alessandro Baricco. Je peux affirmer que c'est le cas.  Ainsi, le roman Neige paru en 1999 aux Éditions Arléa est le cousin de Soie d'Alessandro Baricco au niveau de la petite musique poétique contenue dans le texte.

Yuko, un jeune Japonais du 19e siècle  se voit destiné par son père à deux professions honorables : samouraï ou prêtre shinto.  Yuko décide de suivre les élans de son cœur.  Il veut devenir poète spécialisé dans les haïkus. Il quitte les hivers de l'île d'Hokkaido pour descendre vers l'île d'Honshu, avant de retourner vivre chez son père résigné dans le choix de son fils jusqu'au jour où Yuko attire l'attention d'un poète de la cour impériale fasciné par ce jeune homme qui ne décrit que la neige en poésie.  Yuko est envoyé étudier auprès de Soseki, un maître aveugle qui lui n'écrit qu'en décrivant les fleurs colorées du jardin.  Ce dernier a perdu la façon de décrire le blanc dans sa propre poésie.  Cette rencontre sera providentielle, puisque les deux hommes sont obsédés par une femme nommée Neige.  Je ne peux en dévoiler davantage au risque de livrer les secrets de ce petit bijou de livre.

Je conclus ce billet par cette belle métaphore de Soseki sur la poésie, sans aucun doute la définition la plus juste de l'écriture poétique, voire de l'écriture : « En vérité, le poète, le vrai poète, possède l'art du funambule. Écrire, c'est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d'un poème, d'une oeuvre, d'une histoire couchée sur un papier de soie.  Écrire, c'est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n'est pas de s'élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de la plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe. »

© Photo, billet,
    sauf l'extrait de Fermine, 
    Denis Morin, 2018

lundi 10 décembre 2018

Le chemin montant de Gilles Vigneault



Au Québec, il y eut des pionniers en chanson et dans les arts en général : Félix Leclerc, Gilles Vigneault chez les hommes; Emma Albani (née Marie-Emma Lajeunesse), cantatrice, et Mary Travers dite ''La Bolduc'' qui dépeignit la condition ouvrière.

D'ailleurs, c'est en parlant avec le troubadour de l'île d'Orléans après un tour de chant que celui-ci suggéra au jeune poète Vigneault de se faire confiance et de chanter lui-même son propre matériel.  Même si de grands interprètes tels que Monique Leyrac, Pauline Julien, Fabienne Thibeault, Michel Rivard livrèrent sur scène et sur disque d'honorables prestations, il n'en demeure pas moins que  Gilles Vigneault avait appris plus tôt à voler de ses propres ailes.

En 2018, notre nonagénaire bien-aimé nous revient chez Boréal avec Le chemin montant, un journal intime où il glisse des poèmes écrits à différentes époques.  Il donne par exemple un poème à son petit-fils qui, à son tour, lui dessine un oiseau.  Il s'émerveille du temps du passe, du cycle des saisons. Il s'interroge sur son vieillissement et sur la mort qui l'attend sournoise à l'orée du bois. Au premier segment de textes s'ajoute une section sur les arbres où eux-mêmes prennent la parole en vers ou en prose.

Somme toute, Gilles Vigneault écrit, chante et raconte depuis si longtemps qu'il se fond dans l'ADN de ce coin d'Amérique du Nord.  À lire évidemment. 

Extraits :

« La poésie me semble
Essentielle à l'âme
Comme l'eau l'est au corps
Je dirais même d'elle :
C'est l'eau de l'au-delà. »

« En forêt,
Le silence,
C'est du
Savoir-vivre !
Ce qui laisse
Enfin, la
parole
aux arbres. »

« Avec des mots d'amour
D'eau, de fer et de soie
Et parler sans détour
De la vie, de la mort
De la mer et du jour
Et de l'éternité.
Je vois toute en blanc
Et nous prenons le thé... »

« Le vent n'est pas plus le capitaine que la mer n'est le voyage. »


© Photo, texte du billet, sauf les extraits,
    Denis Morin, 2018

samedi 8 décembre 2018

Camisole-moi de Martine Roffinella


Martine Roffinella est une écrivaine (oui, je féminise à la Québécoise), une photographe aux photos impressionnistes et une blogueuse.

En 1988, elle attira l'attention de Bernard Pivot à l'émission Apostrophes avec son roman Elle.  Avouons-le, on ne saurait trouver mieux pour faire son entrée dans le monde si féroce du livre et de la littérature.  Son aventure littéraire se poursuit jusqu'à ce jour.

Son roman L'Impersonne publié en 2017 aux Éditions François Bourin a figuré parmi les finalistes du prix Marie-Claire du roman féminin 2017.

Ici, la romancière nous propose en 2018 toujours aux Éditions François Bourin Camisole-moi, un tango sensuel et tordu entre deux femmes du monde des arts.  Joute étrange et combien fascinante !  

D'une part, nous sommes en présence de FE58, femme éditrice de 58 ans, dominatrice, qui se plaît à construire ou à détruire les écrivains et à faire courir les journalistes littéraires et people parisiens. D'autre part, il y a AT48, auteur tardif de 48 ans, écrivaine vivant dans le Midi.  

Lors d'un rendez-vous au restaurant, la première effleure le bras de l'autre, lui replace une mèche de cheveux, tout en ne voulant pas succomber à la beauté de son invitée.  On s'offre un langoureux baiser par la pensée. En cas d'un trop-plein de désir, on détourne le regard. On joue les conventions. L'éditrice ne couche pas ''dans le diocèse'', pas dans son écurie de scribes. La romancière souhaite se soumettre au désir de son éditrice jusqu'à l'estompement de sa volonté propre.  Fait à noter que l'éditrice narcissique est fascinée par un chanteur ayant assassiné son ancienne conjointe, actrice.  Cela vous en dit sur les pulsions violentes qui hantent l'esprit de l'éditrice.  Elles correspondent par courriel jusqu'au moment où l'éditrice ordonne un arrêt de cet échange de messages pour mettre son auteur en sevrage.  L'éditrice croit marquer de son sceau sa soumise, puis elle décide quand reprendre la correspondance toute anodine avant de verser dans les tourments du cœur et du corps.  

On tourne les pages de ce roman psychologique, on se demande qui conduit vraiment la danse, qui tombera tôt ou tard à la renverse.  Un roman à lire pour les jeux de séduction menés fort habilement par Martine Roffinella, femme de lettres et artiste à découvrir. J'adore !

samedi 1 décembre 2018

Poèmes naïfs d'Hervé Richard



Je reviens toujours vers Hervé Richard, un poète nomade, dont la vie lui a donné des liens historiques et langagiers (traducteur de métier) de Paris à Odessa. Cette fois-ci, le poète nous propose chez Edilivre, le doux recueil Poèmes naïfs.

On écrit parce qu’on aime, qu’on guérit des blessures de l’enfance, parce que manier les mots s’avère une façon de respirer.  L’écriture étant envoûtement et nécessité.  On ne cherche pas à plaire, ni à se complaire.  Ce poète se révèle dans l’acte d’écrire et s’exhibe subtilement comme une ombre chinoise, jamais en coups de gueule, toujours en douceur.  Il nous invite à décoder ces parcelles d’existence, reflets des nôtres.

« Confier au fil des heures le soleil qui se pose
Insouciant volatile à la faveur de l’eau
Imperceptible quand chacun se repose
Le désir est un songe où les volets sont clos. »

« Je n’écris pas pour vous
Mais c’est l’enfant en moi
Que me dicte des choses
Que je ne comprends pas. »

« Partis sans une adresse
Sans même nous regarder
Ce qui nous éloignait
Nous éloigne à jamais. »

« Je ne veux rien de plus que ce tu me donnes
Ce grand arbre d’automne au milieu de la cour
Ce ciel un peu fâché qui s’attriste ou s’étonne
Je ne veux rien de plus que les nuits et les jours. »

© Photo, texte du billet autres que les extraits,
Denis Morin, 2018