samedi 26 décembre 2020

Dépression, nouvelles du fond du baril, collectif

 

La revue XYZ fondée en 1985 et spécialisée dans la nouvelle nous propose au no 144 de l’hiver 2020 le thème Dépression, nouvelles du fond de baril.

Explorons-en le contenu…

Les chips et le cantaloup de Maude Deschênes-Pradet : Une femme qui croise une amie à l’épicerie feint d’être bien.

Entre parenthèses de Louise Cotnoir : Un homme mature n’a plus envie de rien et se demande de quoi sera fait demain. Seule la mort l’obsède.

Thérapeute isométrique de Pierre-Marc Grenier : Un homme épuisé avec la neige qui tombe sur ses joues. Il pense à son thérapeute et à un ami qui se drogue et veut se perdre dans une toile.

Montréal fantôme de Perrine Leblan : Une femme se laisse aimer par sa conjointe, mais le cœur n’y est pas vraiment. À l’aube, la porte de l’immeuble se referme derrière elle. Tout est paisible.

Méandres de Mélanie Boilard : Histoire d’une jeune femme qui se sent prisonnière, coincée. Elle tentera de se suicider. Elle retournera vivre en société, même si ça ne va pas.

L’entre-deux, la fissure de Hugues Corriveau : C’est ma nouvelle préférée avec un homme qui frotte une gomme à effacer contre le papier, puis en amalgame les parcelles caoutchouteuses obsessionnellement pour en former une boule. Métaphore de son propre effacement.

Miroir de poche de Kari Guillemette : Une femme est prostrée dans son lit, pendant que s’agite la vie tout autour, à savoir ses deux enfants.

Embrassés de David Bélanger : Un homme écrit à sa conjointe ‘’Je suis désolé’’. Reviendra-t-elle à temps pour le sauver de lui-même ? Autre très belle nouvelle, très prenante.

L’assassin de la 2e Avenue de Claude La Charité : Une ombre rôde. Une famille se voit décimer par un assassin. Le dernier survivant s’interroge sur le modus operandi du meurtrier pour l’atteindre. Cela lui empoisonne la vie.

Leçon de ténèbres de Marc-André Boisvert : Le titre nous ramène aux Leçons de ténèbres de François Couperin composées en 1714 pour le Mercredi Saint. Cela donne le ton à cette nouvelle où un travailleur est littéralement épuisé, lessivé.

Un mot de présentation de David Dorais, un intertexte intitulé La psychanalyse : un art de la nouvelle, trois nouvelles à thème libre et des comptes rendus compte rendus complètent le présent opus. 

Personnellement, je suis enclin au spleen. Il n’y a pas si longtemps quelqu’un pouvait parler ouvertement du cancer, des blessures sportives, de chirurgies esthétiques, mais surtout pas du mal de vivre. Oui, je sais, il y eut le poète Baudelaire puis plus près de nous Barbara pour nous en entretenir via la chanson. Néanmoins, les gens compatissent pour une blessure du corps et détournent le regard pour une nébulosité de l’esprit. Dommage.

Donc, pour les plus curieux et les plus curieuses d’entre vous, voici un numéro à vous procurer, si la question de la santé mentale vous interpelle. 

Extraits :

« Amour vient m’enlacer et je réponds machinalement à ses gestes, qui n’ont rien de réconfortant, car ce sont eux qui me font réellement prendre la mesure du vide. Même blottie entre ses bras, je perçois le néant qui s’est creusé dans ma poitrine. » Perrine Leblan

« Ma tête me tient captive depuis longtemps. Une petite prison. Une pièce minuscule où je peux tout juste allonger les jambes. Sur le béton froid de mon crâne, je reste assise des journées entières à observer la vie qui roule, les jours répétés, les mouvements de masse qui sont toujours les mêmes, comme un banc de poissons. » Mélanie Boilard

« Reprend la gomme, la feuille, le mouvement de frotter, frotter et frotter pour amenuiser l’emprise, la séduction des choses friables qui ne tiennent à rien, qui le tiennent encore aux aguets. Se perd alors en lui, avec la certitude bien maigre du crépuscule, soumis au mécanisme de la vie qui le pousse à vouloir ainsi efface le rien blanc de la feuille, à s’effacer devant les autres et le monde et la lumière. » Hugues Corriveau

© Photo, texte, sauf les extraits de trois nouvellistes, Denis Morin, 2020


jeudi 10 décembre 2020

Nos silences ne sont pas des chansons d'amour de Tom Noti

 

Tom Noti en est à son cinquième opus avec ce roman intitulé Nos silences ne sont pas des chansons d’amour publié en 2020 aux Éditions La Trace. Comment vous parlez de ce roman écrit par un homme charmant et cordial au quotidien?

L’auteur dresse la table pour un banquet où sont conviés Aldino, un ouvrier gauche, dont le sang qui ruisselle de son nez tache la moquette d’un ex-amoureuse et son frère Primo, joueur de foot professionnel exilé en Angleterre. Le copain Ludo s'invite et tourne tout à la blague avec philosophie en prétendant que la vie est une vaste comédie. D'ailleurs, ce dernier vit avec une taxidermiste. Il y a aussi une dame mystérieuse qui envoie des messages-textes inattendus à Aldino comme si elle cherchait désespérément son fils, alors que la mama Varese alternait entre les cris et le mutisme le plus complet. S’établit alors un dialogue entre l'inconnu et Aldino qui leur sera bénéfique, voire thérapeutique.

Dans ce livre, chaque chapitre porte le titre d’une chanson, ce qui confère une couleur et habille sonorement le texte. À la limite, vous pourriez vous constituer une playlist à partir des suggestions de l’écrivain pour vous accompagner au fur et à mesure.

Posons-nous des questions sur la nature des silences. Doit-on s’attrister du dit ou non-dit dans une même famille ou dans un couple ? Peut-on gommer des histoires du passé appartenant à nos prédécesseurs ? Qui a réussi entre celui-ci qui subit l’admiration de tous et celui-là à la trajectoire plus ordinaire qui déçoit vraisemblablement ? Faut-il blesser les êtres aimés ou s’en éloigner, les confiant justement aux longues heures d’attente pour mieux être soi ? Vous aurez sans aucun doute des réponses ou des pistes de solution par la lecture de ce très beau roman.

Extrait :

« Les paradis perdus (Christophe)

« Mais entre la vanille et le chocolat, quelle était la couleur, quel était le goût de cette enfance envolée ? Avait-elle été heureuse, en fin de compte ? Évidemment, il n’y avait pas eu de gros traumas, pas les torrents de larmes qui peuvent ravager un paysage colorié à la craie. Évidemment, en apparence, tous les éléments requis avaient été présents pour un bonheur d’enfant. Alors pourquoi les pièces de mon puzzle ne s’imbriquaient-elles pas ? Pourquoi ne laissaient-elles apparaître, en surface, qu’une image lisse, une mer calme qui ne correspondait pas à mon chaos sous-marin ? Qu’est-ce qui clochait chez moi ? Les grains de sable du spleen ont roulé sous mes pieds et ont frotté ma peau. »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de Tom Noti, Denis Morin, 2020