mardi 26 février 2019

Le syndrome de takotsubo de Mireille Gagné



Mireille Gagné est une poète publiée aux Éditions l'Hexagone et nouvelliste aux Éditions Trampoline et aux Éditions Sémaphore.

Tout récemment, j'ai eu la joie de l'entendre lors d'un Dimanche en poésie organisé par l'organisme de Saint-Eustache Toulèsarts. Les participants de l'événement ont pu noter l'assurance de cette jeune écrivaine native de l'Isle-aux-Grues qui vit à présent à Québec.

Je dois avouer que ses livres font partie des quatre rayons de bouquins en réserve. Je souffre de boulimie littéraire. Une amie m'envoie un courriel pour me partager son bonheur livresque du moment, soit Le syndrome de takotsubo.  C'était le signe attendu pour en ouvrir la couverture. Je n'en suis pas déçu, loin de là. Ce magnifique recueil paru chez Les Éditions Sémaphore en 2018 se compose de 17 nouvelles de destins où la vie et la mort se défilent comme en un tango d'Astor Piazzolla avec des soubresauts, des chutes pour nous surprendre, nous ravir, nous laisser bouche bée. On pourrait dire qu'il s'agit du syndrome du cœur brisé. Ce thème est le fil conducteur de ce recueil de nouvelles.

La plume est précise, habile. Aucun mot n'est en trop. Tout se tient et on retient son souffle à certains paragraphes. On y traitera de l'obsession du temps, d'un secret de famille, du fait de se choisir soi-même, des bonsaïs, des temples japonais où l'on y attend l'apaisement, des oies qui tournoient dans le ciel, du désespoir de l'autre qu'on ne sait pas toujours cerner au bon moment.

Cette jeune écrivaine travaille en orfèvre.  Je vous reviendrai plus tard avec sa poésie. Un nom à retenir.

© Photo, texte, Denis Morin, 2019


dimanche 24 février 2019

Les naufragés de la salle d'attente de Tom Noti



On choisit en général nos livres, mais il arrive parfois que certains livres viennent à nous comme des évidences, des rendez-vous. J'ai reçu par la poste Les naufragés de la salle d'attente de Tom Noti, roman publié en 2016 chez Paul & Mike, maison parisienne.

Ce roman est un huis-clos. À Grenoble, un tramway déraille et provoque une panne électrique dans une partie de la ville. Dans une salle d'attente d'un psychologue, trois inconnus sont coincés dans ce lieu, sans oublier un quatrième personnage terré dans un bureau de la clinique.

Construit à trois voix, le roman nous présente François, Hervé, Gabriela. Au fur et à mesure, l'image parfaite de François à qui tout réussit se fissure, Hervé cesse de jouer le comédien fanfaron et Gabriela voit des souvenirs argentins remonter en surface.

Tom Noti conduit de main de maître cette histoire. On sourit, on s'émeut et on ressent surtout de la compassion à l'égard des personnages qui laisseront tomber les masques.

Merci aussi pour le tendre clin d'oeil fait à Isabelle Adjani.

Merci à l'un des trois fils de l'écrivain qui, un jour, encouragea son père à prendre la plume, car il faut un certain courage pour s'exprimer par les arts.  

On souhaite avec impatience le prochain roman. De plus, je vais de ce pas me procurer les deux romans déjà parus.

© Photo, texte, Denis Morin, 2019


samedi 16 février 2019

Entretien avec David Zaoui



À quand remonte vos plus lointains souvenirs d’écriture ?
J’ai commencé à écrire assez tôt des scénarios que je réalisais dans la banlieue parisienne de Pantin où je vivais, avec les gamins du quartier ; nous réalisions des courts métrages d’action d’aventure, de science-fiction, des polars, puis après, vers l’âge de 13 ans, je me suis inscrit au Cours Florent. J’y ai appris le métier de comédien puis la mise en scène et j’ai écrit des pièces de théâtre aussi. Le roman, c’est arrivé bien plus tard. Aujourd’hui, je me consacre à l’écriture.

Qu’est-ce qui vous fascine dans l’acte d’écrire ?
Je dirai que c’est davantage une compulsion nécessaire. Un moyen d’expression après observation, une envie de transmettre quelque chose de mon vécu, d’une expérience, d’une analyse. Je zieute tout, attentif au moindre détail, parle sans arrêt à l’inconnu, d’abord parce que c’est ma nature, que j’aime l’autre, puis parce que c’est ma matière principale pour écrire. C’est assez jouissif, je dois dire.

Dans vos romans Je suis un tueur humaniste et Sois toi-même les autres sont déjà pris, on sent de l’agacement et de la tendresse envers l’humain. Comment vous situez-vous par rapport à la condition humaine ?
Je l’observe en toute humilité, j’essaye de comprendre des choses. La colère nous maintient éveillés, la tendresse envers les autres, je tiens ça de mes parents qui m’ont transmis cette merveilleuse phrase de Emmanuel Levinas qui résume bien des choses : « ‘’Après vous’’ : cette formule de politesse devrait être la plus belle définition de notre civilisation. »

Vos livres feraient de très bons films. Songez-vous à les adapter pour le cinéma, vous qui connaissez bien ce milieu ?
Il y a quelques pistes à ce sujet en effet, on y travaille. Les adaptations au cinéma “après roman” sont souvent longues à se réaliser, mais j’espère que ça va venir.

Avez-vous un rituel d’écrire ?  Vous faut-il absolument un modus operandi ?
Pas vraiment. Je peux écrire n’importe où. Sur la terrasse d’un café, dans un train, un avion, sur mon canapé, parfois même, si l’idée d’une phrase, d’un dialogue me vient, je stoppe ma voiture sur le bas-côté, mets mes warnings puis prends des notes.

Ressentez-vous ou vivez-vous des instants de grâce lorsque vous écrivez ?
Il m’arrive de me sentir bien, détendu, de rire parfois aussi tout seul, comme un idiot ! C’est un plaisir, plus qu’un moment de grâce car je retravaille beaucoup, je ne suis jamais satisfait de mes premiers jets qui sont assez compulsifs.

Quels sont vos auteurs préférés ?
J’aime beaucoup les littératures étrangères, américaine, japonaise, italienne, russe, anglaise, les grands classiques français aussi. Je vais citer : Albert Cohen, Romain Gary, Edgar Hilsenrath, Iceberg Slim, John Fante, Charles Bukowski, Edouardo Mendoza, Lao She, Alberto Moravia… J’en oublie évidemment, et il faut absolument me pardonner !

Y a-t-il des projets en vue ?
Oui, de prochains romans qui vont arriver, plein de belles choses. J’espère pouvoir venir rencontrer mon public au Québec !



© Photo, David Zaoui
© Entretien, Denis Morin, David Zaoui, 2019

jeudi 14 février 2019

Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris de David Zaoui


Je connais David Zaoui pour avoir auparavant écrit un billet sur son roman Je suis un tueur humaniste publié chez Paul & Mike.  Il récidive à nouveau chez JCLattès avec Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris. Non, détrompez-vous, il ne s'agit pas ici d'un ouvrage de croissance personnelle.J'ai souri à maintes reprises durant la lecture.  Je l'en remercie.

Dans ce deuxième roman, nous sommes en présence d'Alfredo Scali qui se fait offrir d'humbles boulots par un fonctionnaire du Pôle Emploi, alors que ce jeune homme résidant dans une HLM de Pantin ne veut que peindre l'inconscient des animaux à travers leurs rêves. Projet bien ambitieux et surréaliste, me direz-vous. Son père nourrit des bêtes dans un zoo, fréquente la synagogue et sa mère cuisine des pâtisseries de rêve pour exprimer son affection aux hommes de sa vie, son mari et son fils.   Alfredo voit quelques potes pour chasser l'ennui, désespère d'être (re)connu à titre de peintre. La vie personnelle et créatrice du jeune homme sera chamboulée quand Daisy, sa grand-mère maternelle, amatrice de reggae atteinte d'Alzheimer, tentera de faire bouillir sa guenon capucin, animal d'assistance.  Alfredo adoptera dès ce jour le petit primate amateur de Joe Dassin et fin dégustateur de beignets aux pistaches.  Certaines rencontres sont providentielles.  Pour le reste, je vous laisse découvrir par vous-même ce délicieux roman.

Somme toute, il existe de rares écrivains qui vous procurent de la joie, voire du bonheur, en les lisant. C'est le cas de David Zaoui. 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

mardi 12 février 2019

Une cathédrale de chair de Pascale Cormier






Lors d’une soirée Solovox, j’ai eu la chance d’entendre la poétesse Pascale Cormier lire ses poèmes.  Elle était juste dans son propos et dans l’émotion. Elle anime aussi régulièrement les soirées Transpoésie au Bistro Sainte-Cath dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal.

Son recueil Une cathédrale de chair paru en 2016 aux Éditions de l’étoile de mer fut l’un de mes achats de consommateur compulsif de littérature en novembre 2018. Voici que je viens de le terminer. J'en suis ravi.

Les textes sont en majeure partie de nature autobiographique. On y apprend comment une chenille est devenue chrysalide avant de se métamorphoser en papillon. La poétesse a laissé la femme émerger et cela donne des vers où elle nous parle de sa vie d’avant et de sa vie actuelle, de sa relation avec sa fille Jade, puis de son amoureuse. Elle ouvre la porte de sa maison.  On s’y sent accueilli.  C’est lumineux et les confidences sont authentiques.

Extraits :
« On m’incisera par le milieu
Je m’ouvrirai sans résistance
Me retournerai comme un gant
Ma revanche s’inscrira dans ma chair. »

« Elle m’apprend à ficher dans les cœurs
Des flèches
À taillader des murs d’épines
En équilibre sur un pied
Je règle mon pas sur le sien
Cravachée par les tiges et nimbée de pétales. »

« Tu n’es pas cette flamme éternelle
Qu’aucun vent ne peut fléchir
Je t’ai vue couchée presque morte
Chaque fois tu te relèves et tu flambes. »

Vous aurez sans aucun doute compris que la cathédrale de chair est une métaphore sur son propre cheminement personnel.  Pascale Cormier, un nom à retenir.

Ce livre est disponible à la boutique en ligne de Bouquinbec où je me le suis procuré.

© Photo, texte du billet,
    sauf les extraits, Denis Morin, 2019


samedi 9 février 2019

Mèche de Sébastien B Gagnon








Un article du journal Le Devoir me faisait découvrir Sébastien B. Gagnon, bête de scène utilisant la musique et les mots, cofondateur des éditions Le Cosmographe, d’abord et avant tout un très bon poète. Avec Mèche, recueil publié en 2016 aux éditions L’Oie de Cravan, il remportait le Prix des libraires en poésie 2017.  Ce recueil comprend aussi un texte en prose intitulé L’ombre.

La mèche, c’est pour l’amour, le feu, elle et lui. Le poète écrit ses textes au je, sans majuscule, sans ponctuation. Dénuement, nudité, étalement de la pensée et de l’émotion. Il dit son besoin d’espace pour vivre pour lui et pour les enfants de demain. Il veut partir et revenir tel le ressac de la mer. On le sent à la fois exhibitionniste et très pudique dans sa façon de se livrer. Ses mots débordent de tendresse. Il devient ivre par la beauté d’un corps. Ses textes tournent autour de l’attachement et du détachement.  J’aime beaucoup.

Jugez par vous-même :

« il y aura des sirènes du vent des meubles qui rattraperont les cadavres au vol il y aura des films de propagandes projetés sur les accalmies
tu perdras beaucoup d’amis à force de me perdre et de chercher ce que tu avais imaginé.
mais je les ferai te rencontrer parce que tu les aimes »

« j’offre une cour d’arbres qui rendent impossibles les constructions flagrantes
parce que les lois que j’y impose n’en sont pas
elles honorent les adages des hommes et femmes
qui appartiennent à la terre et non l’inverse
j’ai même des abricots
et des vieux livres de poèmes
que les anciens libraires comme les plus niais
jugent sans prix »

« tu m’écriras une longue lettre où tu décriras des gestes et des banalités pour me dire maintenant nous sommes ensemble pourquoi ai-je douté et je ferai volte-face pour la première fois »
tu tiendras la mèche et moi l’allumette mon amour
oui je dirai mon amour dans ces temps-là infinis
l’instant où nous fermerons les yeux pour vivre
l’instant où nous les ouvrirons
une autre fois les barbares… »


© Photo, texte, sauf les extraits,
     Denis Morin, 2019

lundi 4 février 2019

Prophéties d'Isabelle Larouche




Il était une fois une auteure jeunesse qui aime les fées et autres esprits magiques de la forêt croisée au Festival de la Galette et des saveurs du terroir de Saint-Eustache, dans les Basses-Laurentides, en septembre 2018.  Isabelle Larouche me vendit un exemplaire du roman pour adolescents Prophéties publié en 2017 aux Éditions du Phoenix.

Elle m’écrivit comme dédicace le message suivant : « Tes passions, rêves et talents ont le pouvoir de changer le monde. Laisse la magie entrer dans ta vie. » Or, c’est justement ce qui arrive dès que l’on ouvre ce petit roman qui saura autant émerveiller les adolescents que les adultes.

Toute l’histoire tourne autour d’une vieille itinérante qui déambule depuis très longtemps par les rues et les parcs de Montréal. À différentes époques, elle se lie d’amitié avec un futur écrivain, un architecte de demain, un musicien, un serrurier.  Les enfants sont à l’aise en sa présence et lui remettent par hasard des clefs minuscules qu’ils ont trouvées, pièces d’orfèvrerie de la longueur d’un cil ouvrant des portes sur un monde imaginaire.

Dans ce roman, on traite aussi de valeurs comme l’entraide, l’amitié, la famille, le respect de la nature.

Je ne vous en dirai pas davantage quant au reste de l’histoire.  Vous aurez deviné que j'ai beaucoup aimé ce roman et que je vous recommande chaleureusement de vous le procurer à votre librairie.  Laissez-le traîner au salon pour que votre adolescent (ou l’ancien adolescent que vous étiez) retrouve une touche de magie dans sa vie.

© Photo, texte, Denis Morin, 2019