dimanche 26 mai 2019

L'eau des fontes de Michel X Côté



Michel X Côté est poète, parolier, peintre. Il signe en mai 2019 un superbe recueil L’eau des fontes aux Éditions du Quartz, à Rouyn-Noranda. Il avait signé en 2014 avec cette maison, le recueil Rivière errante.

Le poète parcoure des paysages dans ce livre (forêts, mines, pinède aménagée, parcs, désert) à pied, en songes comme le font les Amérindiens qui causent avec les anciens ou avec un animal totem, au bout du pinceau sur une toile, à la pointe du stylo.

Il décrit l’Abitibi de sa jeunesse, voisine de l’Ontario. Il décrit ses promenades en bordure du Lac des Deux-Montagnes. Il montre des vieillards rebelles qui fuient la douleur et l’abandon dans les mouroirs de l’État vers le Nevada ou les Hautes-Laurentides.

Au segment Prodigue du recueil, son écriture m’a rappelé l'émouvante chanson Mon fils de Félix Leclerc.

À force de contemplation et de silence, il devient ces paysages. Il se les approprie et nous les rend très finement. En fait, je goûte la force de ses morts derrière l’apparente retenue du poète au quotidien. On aime de plus en plus !

Extraits :
« ta vie battue s’affale
dans des chambres de vent et de gel
je ne sais rien des poisons qui t’ensorcellent »

« des icebergs glissent devant ma porte
avec la lenteur appuyée
d’un char allégorique
qui se serait trompé de rue »

« un loup perdu dans le regard de sa proie
chanson d’errance et de faim charnelle
je ne me suis jamais couché sur le papier
dans la nuit des autres »

« je regarde un paysage
jusqu’à devenir
aussi pâle et ténu
que le dessin au crayon de ses ombres  »

© Photo, billet,
    sauf extraits du poète,
    Denis Morin, 2019





samedi 18 mai 2019

Vers Saint-Gétorix de Renaud Corbeil



Renaud Corbeil, architecte et aménagiste québécois, signe ici son premier roman en 2019 aux Éditions Sémaphore, Vers Saint-GétorixOui, on devine le clin d’œil à Vercingétorix, courageux adversaire de Rome.

Dans le roman qui nous intéresse, un jeune Gaulois (ou Québécois ou Acadien ou Belge par extension) quitte son village pour une grande ville de l’Empire afin d’accéder au savoir universitaire et à la promesse d’un avenir meilleur par rapport aux générations précédentes. Doit-il par solidarité familiale sacrifier son avenir pour prendre la relève dans la gestion de la ferme paternelle ? Pourquoi lui ? Pourquoi pas l’un des membres de la fratrie ? Pourquoi pas sa cousine ? Cette réflexion est légitime à l’heure des contestations estudiantines.

Par ce roman, on ne peut que dire : Vive la résilience des ruraux, le rugby et la cervoise versée.

Vers Saint-Gétorix, écrit par un écrivain sympathique, est une lecture agréable. Pas de prise de tête en vue. À lire. Je me demande bien ce qu’il concoctera comme deuxième opus.

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

dimanche 12 mai 2019

Entretien avec Hervé Richard


Par le passé, je vous ai déjà entretenu de ce poète, romancier et traducteur français vivant en Allemagne. Il est un de mes coups de foudre littéraires des dernières années. Voici.

Vous êtes traducteur de formation, un traducteur fera-t-il nécessairement un bon pédagogue et un écrivain parce qu’il connaît la mécanique des langues ?

Connaître les théories linguistiques, l’histoire et le développement des langues permet de proposer des explications plus fines aux faits de langue, et sans doute de mieux traduire, mais l’écriture, c’est différent. L’écriture, c’est à part.


Abordez-vous la poésie de la même manière que le roman ?

Il y a d’abord l’écriture, le besoin d’écrire, un besoin impérieux qui se fiche des codes. Sur son chemin, elle rencontre des modèles préétablis – roman, poésie -, mais l’écriture, c’est d’abord cette pulsion bizarre qui se saisit de tout.


Écrit-on pour se dévoiler ou se cacher ?

Les deux.

Peut-on être encore romantique au XXIe siècle ?

Le mot romantique est chargé de trop de significations. Je suis incapable de répondre à cette question.


Pourquoi écrivez-vous ?

Pour respirer.


Avez-vous déjà songé à traduire des auteurs étrangers ?

Oui, par exemple ce roman contemporain allemand que j’ai beaucoup aimé – Herr Jensen steigt aus, de Jakob Hein. Mais en fait, j’ai assez de mes 30 heures hebdomadaires de traduction dans une ONG. 


Vous sentez-vous français, allemand ou russe, lorsque vous écrivez ?

J’ai une passion sans bornes pour la langue russe, et j’adore la poésie de langue allemande – Rilke, Hofmannsthal, Trakl, Bachmann, Lasker-Schüler, Carossa -, mais quand j’écris, je me sens français. Les auteurs français m’habitent et m’accompagnent. 


Les états de grâce, vous les vivez à titre d’écrivain et/ou de lecteur ?

Les états de grâce, c’est Le Bateau ivre de Rimbaud, Le Voyage de Baudelaire, Le Monologue de Jeanette de Péguy, Le Mot “vie” d’Aragon, La Vie devant soi d’Émile Ajar. Les états de grâce, c’est quand le rythme rencontre exactement le sens.

Silence ou bruits ambiants, sédentarité ou voyage, dans quelles conditions écrivez-vous ?

Chez moi, dans le silence absolu.

Lisez-vous votre poésie devant public ?

Jamais.

Écrit-on pour soi ou pour les autres ?

Les deux. Et pour passer à autre chose aussi.

Vous sentez-vous apparenté à d’autres écrivains ?  Si oui, lesquels ?
Je les aime tous. Mais je dois faire mon chemin seul.

Des projets à venir…  Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Je travaille actuellement à une grammaire.

Comment pourriez-vous résumer votre écriture en cinq mots ?

Je ne sais pas.




© Entretien, Denis Morin, Hervé Richard, 2019
    Illustration d’Orénoque, Edilivre, 2019

dimanche 5 mai 2019

Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse




L’écrivaine Gaëlle Josse (poésie et roman) nous propose la biographie Une femme en contre-jour sur Vivian Maier publiée en 2019 chez Notabilia.

Qui fut Vivian Maier (1926-2009) ? Une femme de descendance française et autrichienne, née aux États-Unis, anonyme photographe de rue à New York et à Chicago, glanant ça et là des scènes de vie, capturant un enfant dans le landau ou les visages de citoyens déchus. Cette excentrique nanny ne fut reconnue qu’à titre posthume grâce aux efforts de John Maloof (qui acheta des cartons contenant photos et films laissés dans un entrepôt impayé) et à quelques journalistes curieux.

Je m’étonne toujours du parcours de ces artistes qui comme Modigliani, Van Gogh et Camille Claudel ne connaîtront la gloire que trop tard. Par cette biographie écrite finement, on se demande si l’œuvre se suffit à elle-même et que son créateur n’est finalement qu’un humble messager.

© Photo, texte, Denis Morin, 2019