dimanche 28 janvier 2018

Montrez-moi vos mains d'Alexandre Tharaud


Avant de lire ce livre, je ne connaissais vaguement de lui que son admiration pour la chanteuse française Barbara.  Nous avons cette même fascination.  Un ami sur Facebook m’avait suggéré de m’intéresser au pianiste. Ainsi, quelques jours plus tard, je poussais la porte d’une librairie où j’y découvris par hasard le bouquin dont il est question aujourd’hui.  J’aime la rigueur des musiciens.  La photo nous montre un Alexandre Tharaud concentré, visage blême sur fond noir. Je fus tout de suite intrigué par ce portrait à la Rembrandt.

Dans le train du retour vers la maison, je lis les premières pages de ce récit biographique qui coule comme de l’eau de source. 

Les pianistes nous fascinent par l’apparente aisance avec laquelle le clavier est parcouru par leurs mains agiles.  Par contre, Il leur faut tant de discipline pour atteindre cette grâce.  Je découvre qu’enfant, le pianiste Alexandre Tharaud fabriquait des théâtres, des salles de spectacles.  Il découpait sans trop le savoir son avenir d’artiste dans le carton et le papier, dessinait, pliait, collait...  Il se faisait en quelques sorte le metteur en scène de son imaginaire.

« Montrez-moi vos mains ! », c’est la phrase maintes fois entendues tant par l’étudiant qui cherche à maîtriser son instrument que par le concertiste solitaire, lors d’une soirée mondaine après le service du champagne. C’est aussi le titre de ce livre publié en 2017 chez Grasset.

L’auteur se confie dans cet ouvrage sur le métier singulier de pianiste, sur sa vie d’artiste entre deux valises et entre deux aéroports cherchant d’arriver à bon port, c’est-à-dire sur scène vêtu de noir avec la partition posée sur le piano pour contrer les blancs de mémoire.  Il livre aussi des commentaires historiques sur l’instrument et sa disposition sur scène. 

Le silence et l’apparent retrait du monde sont choses communes à bien des musiciens, aux écrivains tout comme aux moines.  Somme toute, la quiétude et le silence sont le prix à payer pour jouer une petite cantate du bout des doigts.

samedi 20 janvier 2018

Johnny de Catherine Eve Groleau


L’auteure enseigne la littérature au Cégep Bois-de-Boulogne, à Montréal.  Elle a fait publier des nouvelles dans des revues.  Johnny est son premier roman publié en 2017 chez Boréal.

Ce roman couvre débute dans les années 1950 pour se terminer dans les années 1990. Les personnages se parlent peu entre eux.  Aucun mot n’est superflu dans le texte qui nous rend spectateur du mal-être des personnages.

Il y a tout d’abord Thérèse, femme au foyer, et son époux Paul-Émile, ouvrier de Ville-Émard qui, au fil des années, se mettra à battre sa femme.  S’ensuit une nouvelle génération qui pense faire mieux que la précédente… Leur fille Valentine se maquille, enfile des bas sur ses jambes fines pour participer à des concours de beauté, puis rencontre Johnny, un beau ténébreux qui cache son identité d’Abénaki sous un masque d’Italien.  En fait, chaque individu de ce roman veut fuir son milieu et son destin.  Valentine se réfugiera dans les bras de Johnny et le confort de la vie en banlieue, tandis que Johnny cherche à oublier les suicides dans sa fratrie et travaille à titre de chauffeur pour la petite pègre. Un jour, Valentine en aura assez, irritée par les infidélités de son conjoint.  Les enfants se promèneront entre le père parti dans les Laurentides et la mère installée à Sainte-Foy, près de Québec, puis dans le Bas Saint-Laurent.

De prime abord, j’ai pensé au roman Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy pour cette quête de la promotion sociale.  Ma lecture avançant, j’ai fini par m’intéresser à ces personnages qui ne feront ni mieux ni pire que leurs devanciers.  On se met à penser que leurs jours sont écrits d’avance et ont le goût d’un fruit acidulé.

Johnny dépeint sans aucun mépris les gens de condition modeste, blancs et autochtones.  Somme toute, il semblerait que certains êtres n’ont pas été conviés au banquet du bonheur. 

samedi 6 janvier 2018

Le rose des temps de Yolande Villemaire


La romancière et poétesse Yolande Villemaire a écrit plus de 25 titres depuis 1974 dont certains furent traduits en anglais, en italien et en espagnol.

Qu’elle ait mérité des prix littéraires, cela va de soi.

En 2017, la maison Druide a fait paraître le roman Le rose des temps.  Je me suis procuré ce livre comme gâterie par un jeudi soir de novembre.  J’aimais le titre et j’étais intrigué par la couverture.

Dès les premières pages, j’ai été soufflé par ce roman du XXIe siècle. Yolande Villemaire fait œuvre de pionnière en littérature en explorant allègrement le passé, le présent techno et le futur.  Son double narrateur, le personnage de Viviane, se promène de la Nouvelle-France au métavers.  Je suis fasciné par l’amour voué à la famille, surtout aux femmes apparentées, aux ancêtres blancs et autochtones, de même qu’à la façon de traiter des visions qu’ont souvent les artistes...  On sourit quand la narratrice se questionne sur la façon de revêtir son avatar.

Les décès des parents de Viviane la mèneront à une réflexion sur le temps, la vie de femmes ayant vécu à des époques différentes, aux vies antérieures, aux arts, à son envie de dire et de créer poétiquement sa vie.

J’entends la gamine dans l’échelle et ses aïeules fredonner ce vieil air français À la claire fontaine

Viviane est connectée par ses fractales à elle-même, solitaire et solidaire, au cœur du monde.  Ce roman se présente comme un joli kaléidoscope lumineux avec ses éclats d’or, de rose, de mauve, de vert émeraude.

Somme toute, un superbe exemple de littérature au féminin !  On en redemande !