Marc-André Moutquin, né en
Nouvelle-Zélande en 1977, infirmier praticien spécialisé et étudiant à temps
partiel en littérature, a remporté le Prix de poésie Radio-Canada, édition
2014, avec sa suite poétique L’appétit des astres. Il nous
revient avec le superbe livre Territoires paru en 2017, à
Montréal, aux Éditions de l’Hexagone.
La couverture du livre présente
des traits noirs comme autant de frontières et de barrières qui éclatent, la
liberté étant celle de l’écrivain qui écrit avec une prose arborant des éclats
poétiques et lumineux sa rencontre avec trois guides.
Le recueil se fragmente en trois
sections au gré des guides et s’intitulent L’immobile, Les paroles du Prophète, L’éclat
disparu de la formation des mondes.
Qiarngatuk, le premier guide est
un vieil inuit devenu un ami malgré ses réticences face à l’homme blanc. Le
vieil homme traite des temps d’avant, des déportations, de chasse au caribou
qui se voit traquer par les loups, de la colère du petit-fils connecté au monde
via internet, du souhait du vieil homme de se fondre dans l’immensité faite de
toundra et de neige.
L’auteur insère dans les confidences
entendues des données anthropologiques sur les vagues de peuplement de l’Arctique
et sur l’aire de déplacement du nanuk,
l’ours blanc.
Au sujet d’un adolescent s’étant
égaré de nuit, retrouvé gelé au petit matin, le vieil inuit dit tout simplement
que le jeune ne savait pas lire, signifiant par là qu’il ne savait plus lire
les repères donnés par la nature, y voyant là une perte de la culture inuite.
Le deuxième guide Minyane est un iman
de l’ethnie sérère qui cause du temps qui passe selon les vents de l’Harmattan
et du Sahel qui cherche à gagner du terrain. Minyane parle des griots décédés
que l’on inhume dans les troncs des baobabs et de son souhait de visiter la Mecque,
mais du désintéressement à visiter Dakar, la capitale du Sénégal. À son tour, l’auteur
nous parle de l’île de Gorée par où transitaient les esclaves. Minyane craint les esprits qui rôdent la nuit
et préfère la quiétude apportée par la récitation des sourates. La paix émane du cœur.
Antoine, le grand-père de l’auteur,
fut le troisième guide. Il habitait la Gaspésie et l’été venu lui faisait visiter
les sites fossilifères de Cap-aux-Os et de l’Anse-à-Brillant pour « arracher
des mémoires à la Terre ».
L’aïeul lui raconte comment la
mer a englouti le bateau de son frère Jacques parti à la pêche et des parents interdirent
à Antoine et à Jacques de traverser le ponceau au-dessus de la rivière et de
jouer dans la forêt pour se prémunir du danger.
Faut-il se limiter au monde rassurant
et connu ? Voyons ce qu’en pense l’auteur : « Qu’aurais-je fait, moi ? Aurais-je désobéi et avancé ? Aurais-je atteint les frontières d’un nouveau
territoire à cartographier ?
Aurais-je découvert cette limite au-delà de laquelle il nous est seulement
permis de nous perdre ? »
Somme toute, si le Grand Nord et
le soleil brûlant du Sénégal vous fascinent et la nostalgie de l’enfance fait vibrer
votre être, voici le livre qu’il vous faut voyager.
© texte et photo, Denis Morin, 2018