Cette chronique concerne le roman Mille ans après d’Hervé
Richard, publié en 2016, à St-Denis, en banlieue de Paris, chez Mon Petit
Éditeur.
L’auteur est français, vivant en Allemagne. C’est un traducteur et un auteur chevronné
croisé sur Facebook.
Ce présent roman me rappelle le roman Vipère
au poing d’Hervé Bazin publié en 1948. Roman sur l’enfance, la maltraitance et sur la
résilience. On a affaire ici à un érudit
et à un homme à la plume alerte. Merci
mille fois Monsieur Richard. Je vous
souhaite de récidiver mille et une fois.
Le 4e de couverture donne le ton du
roman : « Les enfances, comme les grammaires, s’ouvrent sur le présent, et
mon présent à moi n’est pas beau à voir.
La maison, c’est sauve qui peut, Maman hurle, Papa n’est pas là. J’ai
l’aspirateur à passer et la vaisselle à faire.
Les coups de ma mère partent, automatiques… »
La mère est infirmière, étudiante en droit, belle
figure en société, monstre à la maison.
« Depuis toujours, je n’existe pas. Ma sœur exprime sa passion pour la danse, mon
frère sa passion pour la politique, les questions fussent, admiratives, la
danse ? la politique ?, mais que moi je parle de ma passion pour le russe,
l’auditoire est ailleurs. » p.12
L’enfant, le narrateur de ce roman se questionne sur
ses origines. Son grand-père maternel noyé dans la Seine, puis ce journal russe
intitulé Odessa 1905-1912 trouvé dans un placard. Le narrateur enfant confond
tout.
Dépression postnatale de la mère à la suite de sa
naissance.
L’enfant devenu adolescent se réfugie dans l’étudie et
fantasme du tuer sa mère.
« Les grammaires me tiendraient lieu de famille. (…)
Ici pas de cris, de coups, pas de sang, une famille fidèle et calme, une
histoire retracée et reconstruite. Le contraire de mon histoire. » p. 14
Roman thérapeutique pour l’auteur.
« Les mots tour à tour vengeurs, omniscients,
guérisseurs seront investis de tous les pouvoirs, leur juxtaposition
constituera un roman insolite… » p. 15
Intérêt pour l’allemand et le russe.
« Timide, craintif, incapable d’aller vers les autres,
j’attends des langues qu’elles m’expliquent la communication tout en m’en dispensant…
» p. 16
Les langues sont une barrière à son désir de
vengeance, de tuer sa mère.
Le jeune adulte enseigne, ambiance et milieu qu’il
maîtrise, savoir codifié. À ses retours en France, il se réfugie en
bibliothèque pour y lire du Bellay, Péguy, Mauriac.
« L’Écriture n’est pas dénouement, mais dénuement. »
Dans le roman, on y trouve des extraits de grammaire,
comme un chassé-croisé entre le passé et le présent, puisque les grammaires et
les langues étaient ses planches de salut.
« Les types de phrases, les formes de phrases, ce
seront mille et huit manières de dire le mal que j’ai de vous. » p. 29
Séparation des parents, la mère cesse de le frapper,
le beau-père est sympathique, plaies non cicatrisées du narrateur.
Le narrateur enseigne à Hambourg, fait l’objet de
railleries de la part d’un collègue, puis démissionne, le tout suivi par le
suicide d’un cousin.
« Les gens qui vous ont fait du mal préféreront
s’écarter de vous plutôt que d’avouer leurs erreurs. » p. 32
Livres de russe et de chinois donnés par son père.
« Je n’ai pas parlé de mon père. Je n’ai fait que
parler de moi à travers lui… C’est au
travers d’autres personnes que j’ai appris le peu que je sais de lui. » p. 36
Chargé de cours dans un autre lycée.
Sortie d’un livre signé par lui sur la Première Guerre
mondiale qui passe inaperçu auprès de la famille immédiate.
« De cette ombre dans laquelle on me tint hier, je
tiens le caractère ombrageux d’aujourd’hui. » p. 54
Début de sclérose en plaques.
« Les grammaires étaient ce dont je disposais de plus
efficace pour faire, défaire et refaire le monde. » p. 72
« Reste cette écriture décentrée, kaléidoscopique,
répétitive, impression des cris et des coups dans le corps même du texte. »
p.73
Entrée comme chargé de cours à l’université.
En 2009, poursuite contre une collègue.
« Ulysse peut croiser mille ans, il ne reverra pas
Ithaque. »
« Mille ans ont passé.
Je m’étonne de tant de paix. Je
m’étonne que tant d’être qui m’ont volé tant de choses ne me volent plus
rien. Ils sont là quelque part, mais je
ne cherche pas à les rejoindre. Ils ne
savent pas que j’ai gagné, ils ne savent pas mon bonheur, ils ne savent pas ma
guérison, ils ne savent pas mon équilibre… » p. 106