samedi 25 février 2023

Brun de Kamal Al-Solaylee

 

Le journaliste et auteur Kamal Al-Solaylee s’est questionné sur la discrimination raciale dans la vie courante. Il a mené une enquête pour écrire Brown qui a été finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général comme non-fiction.

Cet essai a été traduit brillamment par Felicia Mihali, éditrice et romancière, en 2022 chez Hashtag. Sa version française s’intitule Brun, ce que cela signifie d’être brun aujourd’hui.

Le journaliste a visité Trinidad-et-Tobago, les Philippines, Hong Kong, le Sri Lanka, le Qatar, la Grande-Bretagne, les États-Unis, Paris, Toronto.

Selon les standards de beauté, quelle couleur est perçue comme la plus belle ? Pourquoi veut-on pâlir son teint ? Et à quel prix ? Dans ces divers lieux, le citoyen brun ne bénéficie pas des privilèges des blancs, mais n’est pas discriminé autant que les noirs. Ce citoyen brun est en quelque sorte un trait d'union interracial, exploité par les uns et méprisé par les autres. Il est l’employé sous-payé, la domestique qui confie ses enfants aux grands-parents pour s’occuper des enfants à l'étranger, le croupier du bateau qui égaie votre croisière, l’ouvrier qui bâtit des stades en plein désert au péril de sa vie, le travailleur agricole qui récolte les fruits et légumes que vous achetez au supermarché, le fervent dévot croisé dans les transport public regardé de travers et que l’on suspecte de fomenter un attentat.

Bref, c’est un essai à lire pour réfléchir sur ces préjugés insidieux qui sont entretenus face à une portion importante de l'humanité.

 

© Photo, texte du billet, Denis Morin, 2023


dimanche 12 février 2023

Dossiers froids de Patrick Fouillard

 

L’internet recèle de trouvailles en autant qu’on s’en donne la peine. Je suis le blogue Jours d’humeur. En médaillon, le blogueur breton voulant demeurer anonyme arbore son minois de garçon espiègle. Quant à lui, il me lit fréquemment. J’aime son humour décomplexé, ses réflexions sur la vie, la littérature, la société.

Puis, un jour, j’ai poussé ma curiosité un peu plus loin en lui demandant quel homme mature se cachait derrière ces billets un brin cyniques et déjantés. Il s’est pris au jeu et m’a confié son identité. Le fouineur en moi effectue une recherche pour tomber ô félicité ! sur le polar Dossiers froids de Patrick Fouillard, collection Empreintes, paru en 2020 chez Éditions Ouest France.  

Imaginez-vous un bled tranquille du littéral nord de la Bretagne. Un brigadier à la retraite, Isidore Lune, s’entête à rouvrir bénévolement trois dossiers froids, soit la disparition successive de trois fillettes, au grand déplaisir de son milieu. Il s’en veut de ne pas avoir solutionné ce triple drame à une autre époque. Les habitants sont des taiseux hostiles à la présence policière. Mieux vaut parler aux choux du potager ou au poisson que l’on s’apprête à frire plutôt qu’aux flics. À quoi bon leur parler puisqu’ils arrivent trop tard et qu’ils ne font que semer la zizanie dans leur milieu ?

Est-ce qu’Isidore Lune parviendra à résoudre ces énigmes ? Les fillettes sont-elles mortes ou vivantes ? Qui est le coupable ? Faut-il toujours pointer du doigt l’étranger de passage ?

L’auteur de ce livre manie habilement l’intrigue. La psychologie des personnages est cohérente. Il y a ce que l’on sait des autres et il y a les secrets portés en soi comme des blessures. On enquête avec Isidore Lune, on hésite et on fait cent fois des allées et venues pour un dénouement insoupçonné. Bref, c’est du grand art !

À découvrir.

 

© Photo, texte du billet, Denis Morin, 2023


mercredi 8 février 2023

Des fleurs qui n'ont pas de nom de Rowan Mercille

 

La vie met des gens intéressants sur notre route, si l’on y prête bien attention. Je croise Rowan Mercille au salon de la Fierté littéraire. Je remarque le port altier du danseur qui s’intéresse maintenant à l’écriture et à la musique. Nous sommes en cette époque où les artistes s’expriment de bien des manières.

Devant lui, posé sur une table, ce superbe recueil de poésie Des fleurs qui n’ont pas de nom publié en 2022 à Montréal chez Hurlantes éditrices.

Le recueil est doté de photographies douces et chargées de sens, tout comme ses poèmes qui contiennent le désir qui vous jette sur l’autre pendant que le repas tiédit et la (dé)construction de l’amour. Ce livre fut écrit pour un amour perdu, retrouvé, égaré. Il y a un peu de chacun, chacune de nous via ces lignes qui suggèrent des ambiances et livrent des états d’âme.

Je termine ce recueil avec de la tendresse pour son auteur. En lisant, j’imaginais une voix qui récite sensiblement, les sons chauds d’un violoncelle et un homme qui danse pour nous raconter l’émoi des étreintes.

Extrait :

« J’aurais voulu t’aimer plus fort

en marées distinctes et audibles

d’un amour qui n’est pas gris

qui ne fait pas de victime

mais il n’y a eu que des lendemains froids

des éveils pressés et fiévreux

et l’air qui passe et siffle

à travers nos corps troués

criblés des mots qu’on aura jamais osé prononcer »

 

© Photo, texte du billet, sauf l’extrait de Rowan Mercille, Denis Morin, 2023