samedi 31 octobre 2020

Le luth de carton de Paul Laurendeau

 


Je vous présente Paul Laurendeau, un ex-professeur de linguistique qui, dans un opus joliment illustré en couverture par Jeannine Taillefer, parsème sur des pages sa fascination pour la musique et les instruments de musique. Le luth de carton publié chez ÉLP Éditeur en 2020 est en fait un recueil de récits biographiques liés aux découvertes musicales et à une fascination de l'écrivain pour les instruments. On part des curiosités de l’enfance, puis des années de collège à ces dernières années. Nous avons droit à des éléments d’ethnomusicologie entremêlés à des confidences. C’est tout simplement savoureux.

Sur la photo, le livre trône à l'intérieur d'une enveloppe cartonnée éventrée, à l'instar du luth écrasé sur le bedon de l'auteur par une comédienne étudiante. Clin d'oeil du blogueur, rien de plus.

Je me suis amusé à maintes reprises comme par exemple quand Paul gamin en culottes courtes dit à sa cousine qui le garde au salon qu’un violon est une guitare et qu’une guitare se nomme un violon, au grand désespoir de sa parente ou bien quand un grand blond vêtu d’un kimono doré arrive au dojo sifflant de l’ocarina, sans oublier le son de la cornemuse lors d’une manifestation syndicale à Toronto. Les images et les sons nous restent en tête et à l’oreille une fois le livre refermé.

Bref, l’ensemble de ce livre est harmonieux. Aucune note discordante ne vient gâcher l’ensemble. Je recommande cet ouvrage à ceux et à celles qui aiment la musique et un humour fin. Cet ouvrage s'avère un excellent remède contre la morosité ''sanitaire'' qui prévaut ces derniers mois. On ne saurait dédaigner pareille médecine, soit celle de la culture et de la joie. On peut se procurer ce livre via http://www.elpediteur.com/

Bonne lecture. Bonne découverte.

 

© Photo, texte du billet, Denis Morin, 2020

 


dimanche 11 octobre 2020

La fenêtre au sud de Gyrdir Eliasson

 

Poète, romancier, traducteur, Gyrdir Eliasson nous offre en version française en 2020 aux Éditions La Peuplade, La fenêtre au sud. Ce roman avait été publié en Islande en 2012. 

Le personnage principal de ce livre est Jonas qui n’est pas dans le ventre de la baleine, mais qui vit sur le dos de celle-ci. Il possède un appartement à Reykjavik, mais il occupe la maisonnette noire d’un ami sur la côte d’où il observe la vie du hameau avec son café, une minuscule librairie. Ce roman au rythme tranquille nous décrit les jours d’un romancier qui s’isole volontairement pour écrire. Il a égaré la fiche de recharge du cellulaire. Il s’entête à écrire avec une Olivetti dont l’encre du ruban pâlit, au point de n’embosser le papier. Jonas se relit alors tel un aveugle décodant le braille au passage de l’index. Parfois, il s’enrage et balance les pages quand il n’est pas satisfait dans le feu qui crépite dans l’âtre. Des rumeurs du monde apportées par les actualités entendues à la radio sont notées çà et là dans le roman pour rappeler que l’île sort momentanément de son apparente quiétude.

Jonas reçoit du courrier d’une ex-amoureuse qu’il détruit, puis il lui répond par lettres qu’il ne postera jamais. Elles jaunissent et prennent la poussière.

Il s’intéresse à un cinéphile qui projetait des classiques sur le mur blanc du salon et à un peintre hollandais qui dort au cimetière.

La fenêtre au sud est celle près de laquelle Jonas s’assied pour lire et se perdre dans une méditation.

Ce bouquin divisé en quatre saisons comme celles de Vivaldi, je le recommande aux lecteurs qui se questionnent sur la difficulté d’écrire au quotidien, car un roman ne s’écrit pas comme on commande un bagel avec fromage à la crème et un thé noir au casse-croûte du coin. De plus, l’Islande par sa littérature aborde la nordicité d’où la pertinence de s’y ouvrir.

Bonne découverte !

Extraits :

« La douce brise du soir et le grondement lent de la mer font l’effet d’un duo pour orgue et violoncelle. En fait, on n’aurait pas besoin d’autre musique. »

« Les salutations sont réduites au minimum. J’éteins le téléphone, continue de dactylographier quelques mots, pour les recouvrir aussitôt de xxxxxx xxxx xxxxx xx xxxxxxxx x xxxxxx à nouveau. »

« Quand je suis à ma machine à écrire, j’ai parfois l’impression d’avoir travaillé dans une presse à papier tchèque pendant trente-cinq ans et d’avoir emballé de vieux livres et des nids de souris sans arrêt pendant tout ce temps. Une trop bruyante solitude. »

© Photo, texte du billet, sauf les extraits de Gyrdir Eliasson, Denis Morin, 2020


samedi 10 octobre 2020

Le lièvre d'Amérique de Mireille Gagné

 

Mireille Gagné, d'abord connue à titre de poète et de nouvelliste avec son superbe recueil Le syndrome de Takotsubo, est de retour avec Le lièvre d’Amérique paru en cet automne 2020 chez La Peuplade.

Ce roman est une fable sur la modernité et ses excès de performance. Diane, une employée de bureau parfaite, ne compte pas ses heures. Il n’est pas rare pour elle de quitter le bureau à 20 h. Perfectionniste, elle relit sans cesse ses courriels avant de les envoyer pour que rien ne cloche. Elle se soumet à une intervention chirurgicale que l’on suppose nécessaire pour être plus productive. Elle n’écoute pas les consignes pour la convalescence et subit peu à peu une métamorphose.

En parallèle, Diane se remémore parfois son adolescence à l’Isle-aux-Grues avec l’arrivée d’Eugène, un jeune citadin nettement plus à l’aise à observer les animaux (les oiseaux et les lièvres) qu’à fréquenter la compagnie des humains. Ils apprécier ensemble la grosse mer et un pied-de-vent jusqu'à la tragédie...

Diane continuera-t-elle longtemps à subir ce stress inutile ou prendra-t-elle la clé des champs?

L’écrivaine a cru bon mettre à la fin la légende algonquine de Nanabozo, un lièvre envoyé sur Terre pour apprendre la sagesse aux hommes. 

Mireille Gagné possède une écriture précise, pas de fioritures inutiles. Avec elle, on sait quels chemins emprunter. Je recommanderais ce premier délicieux roman aux bourreaux de travail qui perdent leur vie à la gagner injustement.

Extrait : 

« Pour calmer son anxiété de performance et économique des secondes Diane compte perpétuellement le nombre de pas séparant son appartement de son travail de marches entre chacun des étages de secondes entre son bureau et celui de la femme qu’elle déteste le temps que ça lui prend pour remplir une bouteille d’eau attendre chez le médecin que le photocopieur finisse sa phase de réchauffage… »


© Photo, billet, sauf l’extrait de Mireille Gagné, Denis Morin, 2020