vendredi 26 octobre 2018

Depuis la cendre de Gabriel Zimmermann



Je connais Gabriel Zimmermann, enseignant, pour avoir lu et commenté sur ce blogue son émouvant recueil de nouvelles Une dizaine de femmes. Il va son chemin, discret tel un esprit mélancolique qui hante un maison ancienne.

Cette fois-ci, il nous revient en poésie avec le recueil Depuis la cendre publié en 2018, à Saint-Benoît-du-Sault.  Recueil parfait pour octobre-novembre en ce glissement inéluctable vers l'hiver.

Le poète nous cause du deuil, de la mort qui emporte tout, même les enfants dans les hôpitaux ou un jeune homme de 19 ans.  Au-delà des corps enfouis en terre, des cendres dispersées en mer ou sur le bord d'une rivière, on s'interroge sur les traces d'un passé commun, les souvenirs, la peine, rarement la joie, laissés en héritage. On reste là témoin et on voit les êtres aimés s'éteindre comme des lucioles englouties par les ténèbres opaques de la  nuit.

Avis aux lecteurs, son écriture est envoûtement.  Jugez par vous-même...

« Promets-moi, par égard pour mon éternité,
De poser sur moi les jouets de mon enfance,
Ces figurines,
Mets-les contre ma tempe,
Qu'elles soient mon bijou pour l'au-delà,
Dans la nuit si proche
Mes bras ne saisiront plus
Mais si quelque chose
Survit, j'en serai de les avoir là, tout près,
Apaisé un peu. »

« Est-ce impudeur
De le chercher dans son silence ?
De remuer la nuit
Qui a pris ses yeux ?
D'écouter plus loin que sa cendre ? »

« En peintre
Qui commence
Un portrait
À la craie mouillée. »

« Se souvenir de lui
Comme un drap mis sur l'enfant qui dort. »


© photo, texte du billet,
sauf les citations, Denis Morin, 2018

jeudi 25 octobre 2018

Les villes de papier de Dominique Fortier



Ce roman biographique de Dominique Fortier sur la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) a été publié en 2018, à Québec, par les éditions Alto.  Belle audace !

La couverture m'a fasciné avec son spécimen d'herbier.  Cela m'a ramené à l'école élémentaire où les religieuses nous montraient comment faire sécher des plantes et des fleurs que l'on insérait au cœur d'un dictionnaire. On remerciait le Ciel ou la vie pour cette beauté offerte.  Emily a dû sensiblement effectuer le même procédé en son époque.  On l'imagine très bien enfant ou jeune fille cueillant des fleurs avec sa sœur Lavinia et son frère Austin.

Dominique Fortier dans son sixième livre nous propose avec une prose quasi poétique la vie de cette écrivaine,* volontairement recluse, au fil des années et au gré des habitudes répétitives comme des rituels et des manies.  Duras disait que l'écrivain avait besoin de son cocon de silence pour écrire vraiment.  Emily Dickinson s'est retirée progressivement du monde, trouvant plus d'émerveillement, de joie à contempler les nuages et les arbres en floraison de la fenêtre de sa chambre.  Le présent livre nous questionne sur l'écriture, sur la solitude, sur le souhait de se dévoiler aux autres en publiant ou non, sur le silence. Est-ce que l'art n'est au fond qu'une plongée à l'intérieur de soi avant de chercher à se tourner à tout prix vers les autres ?

« À la saison froide, Emily se couvre de neige et les doctes mésanges de leurs pattes fines viennent y écrire des poèmes tout blancs. »

« En attendant ses poèmes griffonnés sur des emballages, des cartons, des enveloppes continuent de s'accumuler dans ses tiroirs où ils forment de fragiles châteaux de papier. »

« Elle rassemble les poèmes en fascicules de quelques dizaines de pages.  Puis elle emprunte la boîte à couture de Lavinia, enfile une aiguille, coiffe son doigt du dé d'argent et, avec mille soins, coud, un point à la fois, ces petits livres à exemplaire unique.  »

Voici un livre à déguster, je vous en recommande la lecture.


* (Je ne fais pas la distinction comme en France où un écrivain écrit du roman; j'englobe tous les genres littéraires par le terme écrivain : poésie, dramaturgie, correspondance, conte, nouvelle, roman, biographie, essai.)

© Photo, texte de ce billet, 
    sans les citations, Denis Morin, 2018

mardi 23 octobre 2018

Perspectives de l'indéfinissable de François René Despatis L'Écuyer



Le poète voit le monde avec les yeux du peintre.  Le peintre voyageur et nomade se pose en poète dans son atelier.  Ils sont inséparables dans une même fougue créatrice.

François René Despatis L'Écuyer, de descendance française et amérindienne, est un artiste magnifique et fascinant de la région de Lanaudière, au Québec.  Il sème la beauté de son être partout où il passe.  Son esprit se déplace, se fait des itinéraires entre le chez soi et les villes étrangères, entre le dehors et le dedans.  On ne le retient pas.  Notre regard suit l'oiseau libre de créer et de libérer son imaginaire en tableaux et en vers.

En 2014, il entre en lui-même pour la parution du recueil de poésie Perspectives de l'indéfinissable.  D'ailleurs, la peinture qui orne la couverture est l'une de ses créations. Son écriture brille comme neige de mars au soleil et feu dans l'âtre.  Dans ce livre, le poème se métamorphose en toile pour contenir une saison, un moment de vie ou l'univers.

Bref, un artiste dont j'aime l'authenticité avec sa lumière, ses ombres, ses couleurs, ses mots sensibles.

Vous pouvez le contacter directement sur Facebook pour commander son délicieux recueil.

Voici quelques extraits du recueil de ce peintre-poète :

« Des villes de voyage me sillonnent
Je ne retourne nulle part
Je vais à nouveau.  »

« La rivière emporte une bouteille 
Avec un souffle dedans.  »

« J'arrive à moi
À travers moi
Entendre mon cœur
J'ai mis l'oreille sur la porte.   »

« Je devrais partir d'ici
Seulement mettre des poèmes
Dans mes poches percées de rêves. »

« Mon tableau emprunte
À la consistance d'un nuage. »



© photo, texte du billet, 
sauf les extraits du poète, 
Denis Morin, 2018

mercredi 3 octobre 2018

Mon voyage en Amérique de Kim Yaroshevskaya


D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé cette comédienne que je devinais enfant comme ayant des racines européennes, voire slaves, à cause d'un très subtil accent.  Dans cet album biographique paru en 2017 aux Éditions du Boréal, la comédienne montréalaise originaire de Moscou, en Russie (à l'époque l'URSS) livre ses confidences.  On y apprend qu'elle devait quitter sa grand-mère paternelle malade pour rejoindre ses grands-parents maternels à New-York pour finalement aboutir à Montréal chez une tante.

Elle nous parle de ses souvenirs, de son imaginaire, de son besoin d'inventer des histoires et d'en raconter d'où la création de son personnage de Fanfreluche, poupée animée qui partageait des contes aux enfants sur les ondes de la télévision de Radio-Canada, puis son amour pour le théâtre de Tchekhov.  Ce livre comprend des photos d'archives de l'artiste.

Orpheline, le seul héritage qu'elle reçut fut la bibliothèque de son père garnie de livres où elle pouvait s'évader du quotidien difficile et moche.  Cet amour des livres se transmutera plus tard en ce plaisir de dire, d'inventer et de raconter pour notre plus grand bonheur.

Merci Kim Yaroshevskaya !

© photo, texte, Denis Morin, 2018