Par le passé, je vous ai déjà entretenu de ce
poète, romancier et traducteur français vivant en Allemagne. Il est un de mes coups de foudre littéraires des dernières années. Voici.
Vous êtes
traducteur de formation, un traducteur fera-t-il nécessairement un bon
pédagogue et un écrivain parce qu’il connaît la mécanique des langues ?
Connaître les théories linguistiques, l’histoire et le développement des
langues permet de proposer des explications plus fines aux faits de langue, et sans
doute de mieux traduire, mais l’écriture, c’est différent. L’écriture, c’est à
part.
Abordez-vous
la poésie de la même manière que le roman ?
Il y a d’abord l’écriture, le besoin d’écrire, un besoin impérieux qui se fiche
des codes. Sur son chemin, elle rencontre des modèles préétablis – roman,
poésie -, mais l’écriture, c’est d’abord cette pulsion bizarre qui se saisit de
tout.
Écrit-on
pour se dévoiler ou se cacher ?
Les deux.
Peut-on
être encore romantique au XXIe siècle ?
Le mot romantique est chargé de trop de
significations. Je suis incapable de répondre à cette question.
Pourquoi
écrivez-vous ?
Pour respirer.
Avez-vous
déjà songé à traduire des auteurs étrangers ?
Oui, par exemple ce roman contemporain allemand que j’ai beaucoup aimé – Herr Jensen steigt aus, de Jakob Hein.
Mais en fait, j’ai assez de mes 30 heures hebdomadaires de traduction dans une
ONG.
Vous
sentez-vous français, allemand ou russe, lorsque vous écrivez ?
J’ai une passion sans bornes pour la langue russe, et j’adore la poésie de
langue allemande – Rilke, Hofmannsthal, Trakl, Bachmann, Lasker-Schüler,
Carossa -, mais quand j’écris, je me sens français. Les auteurs français m’habitent
et m’accompagnent.
Les états
de grâce, vous les vivez à titre d’écrivain et/ou de lecteur ?
Les états de grâce, c’est Le Bateau
ivre de Rimbaud, Le Voyage de
Baudelaire, Le Monologue de Jeanette
de Péguy, Le Mot “vie” d’Aragon, La Vie devant
soi d’Émile Ajar. Les états
de grâce, c’est quand le rythme rencontre exactement le sens.
Silence ou
bruits ambiants, sédentarité ou voyage, dans quelles conditions
écrivez-vous ?
Chez moi, dans le silence absolu.
Lisez-vous
votre poésie devant public ?
Jamais.
Écrit-on
pour soi ou pour les autres ?
Les deux. Et pour passer à autre chose aussi.
Vous
sentez-vous apparenté à d’autres écrivains ? Si oui, lesquels ?
Je les aime tous. Mais je
dois faire mon chemin seul.
Des projets
à venir… Sur quoi travaillez-vous en ce
moment ?
Je travaille actuellement à une grammaire.
Comment
pourriez-vous résumer votre écriture en cinq mots ?
Je ne sais pas.
© Entretien, Denis Morin, Hervé Richard, 2019
Illustration d’Orénoque,
Edilivre, 2019
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