jeudi 26 août 2021

L'ombre de Marrakech de Alain Maufinet

 

Tout récemment, je vous ai parlé d’Alain Maufinet, auteur du très beau roman Le chant des brisants dans la collection Magnitudes. Quelle ne fut pas ma surprise de le voir surgir avec la préface d’Aziyadé de Pierre Loti, une nouvelle dans le collectif Cadavres écrits et ce tout dernier livre L’ombre de Marrakech dans la collection Nouvelles Pages! Bref, le mec n’est pas un flemmard.

Ouvrons ce roman à la couverture mystérieuse… Médéric détective se voit confier une mission par une certaine rouquine Dominique. Elle se désiste, puis elle disparaît soudainement. Il en cause avec Bob, son collègue, lui aussi ex-commando. Les deux hommes se lancent dans une enquête qui les amènera justement à Marrakech. Et si Dominique était retenue contre son gré? Et si deux autres femmes se plaisaient à semer la fatalité sur leur partage? Rien n’est impossible à ces deux intrépides associés ou presque… Quant à vous, résisterez-vous bien longtemps avant de plonger votre iris dans cette folle série de péripéties?

Vous aurez compris là que nous avons entre les mains une lecture au rythme haletant. Les personnages sont crédibles, bien incarnés. Le suspense et le danger sont au rendez-vous. Cette prose dynamique, enjouée, pleine de rebondissements me fait penser à la série des Bob Morane du romancier belge Henri Vernes.

À mon humble avis, L’ombre de Marrakech plaira à un lectorat qui va de 15 à 100 ans. Je suis fan.

Extraits :

« Médéric songe à la dernière communication téléphonique qu’il a eue avec Hamza Khelfa. Il avait indiqué qu’une Français avait connu, trois ans plus tôt, un séjour assez similaire à celui de Dominique. Un hôtel isolé lui avait également servi de refuge pendant une semaine, avant de monter dans un taxi. »

« Par la fenêtre, la lune est resplendissante. Agathe veille toujours celui qui lui a fait subitement confiance en s’éloignant du monde des vivants, Pierre de Saint-Juste. La main qui pouvait lui offrir une voie royale repose inerte. »

 

© Photo, texte du billet, sauf les extraits d’Alain Maufinet, Denis Morin, 2021.


samedi 21 août 2021

Avec des si de Hervé Richard

 

Hervé Richard sort en moyenne un recueil de poésie par an. Il troque alors sa plume de traducteur pour celle de poète. C’est sa moyenne. Il le fit en mai 2021 chez Edilivre avec son opus Avec des si et sa couverture d’un bleu de Mer Égée.

Le poète réfléchit sur la vie et sur l’amour. Il se sent unique comme être mais complémentaire lorsqu’aimant, aimantant à lui la joie, l’émerveillement, les tourments, la rupture, l’éventuelle reprise. Ce recueil d’une trentaine de pages est sur le ton de la confidence d’un ami rêveur qui nous dit où il en est dans sa vie.

Je vous invite à entrer dans son univers. (Par le passé, j’ai fait d’autres recensions à son endroit. Vous n’avez qu’à cliquer sur Hervé Richard comme balise pour vous amener vers les autres ouvrages lus antérieurement.) Bonne lecture.

Extraits :

« Refaire le monde avec des si

Sans mettre Paris en bouteille

Un peu de pluie pour les abeilles

Les ponts les pierres les fleurs aussi »

 

« Et si je vois tes yeux

Et que tu vois le monde

Je serai proche un peu

Du monde que voient tes yeux »

 

© Photo, Edilivre, 2021; texte du billet, sauf les extraits de H. Richard, Denis Morin, 2021


jeudi 19 août 2021

Entretien avec Régine Ghirardi

 

La magie du virtuel abolit les frontières réelles. Nul besoin de passeport. Par un truchement d’influx électriques, les questions filent vers la France et les réponses reviennent au Québec. Cette romancière de grand talent et moi, nous avons en commun d’apprécier le mouvement préraphaélite, elle avec le peintre Anthony Frederick Sandys et moi avec John William Waterhouse. Aujourd’hui, Régine Ghirardi a bien voulu répondre à mes questions. Bonjour Régine. Bonne découverte aux lecteurs et lectrices !


Quels furent les prémices du roman Villa des orangers ? Sandys ou le vin Brunello ? 

Bonjour, Denis et merci infiniment pour tous ces compliments. Oui, nous partageons la même passion pour les PRB, chose assez rare dans le monde de l’art.

En ce qui concerne les prémices de Villa des orangers, il est clair que la toile Marie-Madeleine de Sandys a été le déclencheur du personnage de Maria-Maddalena. Cette peinture « est venue à moi » lors de mes nombreuses recherches en galerie d’images sur le net. J’étais en quête d’inspiration, de coïncidences... Dès la découverte de cette toile, il s’est produit une synchronicité relationnelle entre le personnage et la peinture. Puis, plus tard, le même phénomène s’est renouvelé entre Claudia et Maria-Maddalena.

Il reste néanmoins que le moment clé, celui qui m’a donné l’élan d’écrire Villa des orangers,  est venu de l’odeur des fleurs d’un oranger...

Vous décrivez Florence comme si vous y aviez vécu. Comment fait-on, recherche ou autrement ? 

Lorsque, dans un parcours créatif, on est mû par la nécessité absolue de découvrir une réalité, ou du moins de s’en rapprocher au plus près, on décuple ses forces et ses possibilités. C’est ce que j’ai fait. Pendant deux ans, avec Google Earth et Google Street View, et à raison de 2 heures quotidiennes, j’ai sillonné inlassablement la Toscane, Florence et Montalcino.

J’ai également visionné quantité de vidéos, cuisiné sans relâche toutes sortes de plats italiens, suivi des blogs de voyages. J’ai étudié l’histoire des Médicis, les civilisations qui ont suivi, la politique à travers l’histoire incroyable de ce peuple, son économie, sa géographie, son climat, sa culture cinématographique et artistique. Sa musique, sa littérature…

J’ai eu l’impression que Claudia c’était vous et Marc votre époux… Est-ce que je me trompe ? Disons que Claudia est aussi solaire que vous l’êtes…

Merci pour le gentil compliment ! Non, Denis, vous ne vous trompez pas. Notre couple est ainsi. Nous cultivons l’amour et la joie et vivons dès que c’est possible dans le moment présent. Je pense qu’avoir repris dans le livre notre mode de fonctionnement, apporte à ce dernier beaucoup de sincérité et de fraîcheur. Après, forcément, on est obligé de se livrer sans pudeur…

Comme Claudia, vous avez étudié la langue arabe. Avez-vous d’abord été séduite par les arabesques de l’écriture ? Que cela vous procure-t-il ?

Non, la calligraphie arabe m’a même effrayée dans un premier temps, me donnant le sentiment que je n’y arriverais pas. Ensuite, son esthétisme m’a envoûtée. En ce qui concerne l’apprentissage de la langue arabe, cette démarche consistait pour moi en un mouvement fraternel vers l’autre, auquel nous sommes tous conviés pour mériter notre statut d’humain. Après ces 13 années d’études, je ressens une très grande fierté. J’ai également enseigné l’alphabet arabe et des poésies de Mahmoud Darwich à certains de mes petits-enfants.  (Je précise tout de même que je suis issue d’une famille raciste). Comme quoi, il n’est pas impossible de changer la donne.

Combien cela vous a-t-il pris de temps pour écrire cette œuvre de 540 pages ?

Cela m’a pris exactement 5 ans, comprenant recherches et écriture.

Vous avez sans aucun doute une formation en histoire de l’art ? Est-ce que vous peignez ?

Non, Denis. Je n’ai à mon actif qu’une seule année passée aux beaux-arts. Toutes mes connaissances, mes études et recherches sur l’art proviennent d’un investissement personnel depuis mon adolescence. C’est une quête sans limite, un besoin d’art comme de nourriture. Un « état d’être » sans lequel je n’aurais jamais réussi à rejoindre mon cœur et mon âme.

En ce qui concerne la peinture, oui, il m’arrive de peindre. Par cycles où je ne fais que ça. 

L’écriture est-elle thérapeutique ou tout bonnement créatrice ?

Non, l’écriture n’est pas du tout thérapeutique pour moi. Je ne suis guidée que par ce besoin irrépressible de cultiver la joie et le bonheur coûte que coûte, comme un devoir de gratitude à la vie.

Avez-vous déjà abordé d’autres genres littéraires (nouvelle, conte, poésie, théâtre) ?

Non, sauf la poésie durant toute ma jeunesse.

Écrivez-vous avec un plan préétabli ou non ?

Oui, pour la trame générale que je découpe en plusieurs parties. Ce plan est comme une sorte de carte qui me permet de savoir vers où je dois naviguer pour m’approcher du port. Ensuite, toutes les escales sont permises, ainsi que les changements de cap et changements du personnel naviguant. Et, bien sûr, les fêtes à bord sont totalement improvisées !

En lisant votre roman, me revenaient en tête La chanson des vieux amants (de Brel, version Melody Gardot) et Dance me with the end of love de Leonard Cohen. C’est superbe de décrire l’amour des jeunes, des couples matures et des couples âgés comme celui de Maria-Maddalena et Alexander. Vous est-il plus difficile de parler de ce couple ou de celui de Hicham et Mirella ?

Mais quel bonheur de découvrir que, pendant la lecture de Villa des orangers, ces deux chansons ont habité votre esprit ! Je suis sans voix. Je les ai réécoutées, j’ai vu ce que vous avez pu voir et j’ai pleuré d’émotion… Je suis extrêmement touchée et fière de voir Villa des orangers associé à ces deux monuments de la chanson. Merci Denis, pour cette confidence.

Quant à l’amour, je peux en parler facilement quel que soit l’âge du couple amoureux. Les ressentis, les réactions sont universelles, même si je reste persuadée qu’ils sont de plus en plus intenses avec l’âge…

Pensez-vous déjà à d’autres projets ?

J’ai plusieurs livres « en futur », plusieurs histoires qui sont venues à moi toutes seules, soit en rêve, soit en méditation pendant de longs trajets en voiture.

Je ne peux créer que si des scénarios s’imposent, s’infiltrent et m’envahissent. Ensuite j’écris simplement le plan de ce que j’ai vu et ressenti pendant ces visions.

Les histoires sont donc prêtes. J’attends de pouvoir retrouver le calme et l’isolement nécessaires à l’écriture lorsque la promotion de Villa des orangers me laissera plus de temps. 

L'écriture est-il un envoûtement qui ne peut être brisé ?

Sincèrement, oui, puisque je crois que l’écriture ne dépend pas uniquement de nous.

 

© Photos, Régine Ghirardi, 2021. Crédits photos, Maëlys Caous-Ghirardi (pour la 1ière photo), Dr Thierry van der Chouinaert (pour la 2e photo). Billet, Denis Morin, Régine Ghirardi, 2021.

 

 

 

 


samedi 14 août 2021

Villa des orangers de Régine Ghirardi

 

Que dire de ce pavé de lumière qu’est Villa des orangers de Régine Ghirardi ? En premier lieu, que c’est un fabuleux roman paru en 2020 dans la collection Magnitudes 4.0 chez JDH Éditions et, en deuxième lieu, que l’écrivaine a écrit ce premier opus avec brio.

Pour la scénographie, il y a tout d’abord la peinture Jardin Majorelle du peintre Aziz Benja, qui vous séquestre l’iris et il y a ensuite le titre du roman qui fait rêver.

Claudia, conservatrice et restauratrice, au musée des Offices à Florence se voit confier la mission de restaurer la peinture Marie Madeleine de Anthony Frederick Sandys (1829-1904) du mouvement préraphaélite. Elle rencontre Maria-Maddalena, une descendante de l’artiste, effectue le travail demandé, puis elle se lit d’amitié avec cette dame solitaire et mélancolique. Par la présence de Claudia et de Marc, son mari, la vie reprendra à la Villa des orangers longtemps négligée. De plus, un amour ancien de Maria-Maddalena ne saurait tarder.

L’écriture de Régine Ghirardi est solaire. J’ai souri, j’ai ri à certains passages et j’ai versé une larme à un certain moment. C’est une ode à la famille, aux générations qui se suivent et un hommage au peintre Sandys. La Toscane (Florence, Sienne, Montalcino) sert d’écrin aux moments de joie et de tendresse vécus par Claudia et Maria-Maddalena. Leur amitié sera si contagieuse qu’elle englobera toute la famille de Claudia et de Marc.

Bref, ce roman fait un excellent compagnon de plage ou de table de chevet. Ne vous privez surtout pas de sa lecture. Pour le reste, vivement un nouvel opus, chère Régine !

Extraits :

« À notre gauche, l’orangeraie désordonnée se balançait légèrement sous la brise, ployant ses branches sous le poids des fruits mûrs. Face à nous, un grand dallage de pierre claire bordé de lavandes conduisait à la piscine. Puis un chemin caillouteux partait en ondulant, pour mener bien plus loin vers l’oliveraie. Sur notre droite, les rangs de vigne s’exhibaient dans une débauche indisciplinée de feuillages roux. »

« Je jetai un coup d’œil rapide vers Marc. Son visage était maintenant détendu. Il absorbait tout ce qu’il voyait, se laissant porter par le flux. Le pouvoir de l’amour déversait sur nous toute sa magie, toute sa beauté. L’amour était tout et était un tout. Nous étions tous reliés. Je compris à cet instant que la vie ou la mort n’avait de sens qu’avec et par l’amour. Rien d’autre n’était important. » 

© Photo, billet, sauf les extraits de Régine Ghirardi, Denis Morin, 2021