mercredi 29 octobre 2025

Poisson d'eau douce de Jocelyn Sioui

 

Jocelyn Sioui est un marionnettiste et un conteur doté d’un grand sens de l’humour. Il a fait paraître aux Éditions Hannenorak le conte Poisson d’eau douce.

Il était une fois un artiste wendat, en l’occurrence l’auteur du livre, qui dit s’être inspiré d’après les écrits du Jésuite-anonyme-à-la-face-défacée-par-de-l’eau-ou-des-larmes. Comme vous le voyez, ça donne le ton un brin sarcastique ou poétique du conteur, selon les pages. D’ailleurs, le bouquin est fait autant pour l’oreille que pour l’œil. Suffit d’écouter les péripéties, la bravoure et de voir l’étendue du monde qui se déploie comme si on avait érigé sa tente au sommet d’une tortue géante.

Toujours est-il que Jocelyn Sioui déploie son regard au-dessus des eaux pour nous entretenir d’Auhaïtsic, un jeune héros wendat qui claudique sur la terre ferme, mais qui nage agilement dans l’eau des rivières.

Nous accompagnons son groupe quittant la Baie géorgienne pour se diriger vers le fleuve Saint-Laurent, poursuivis par des guerriers Haudenosaunee, membres du Peuple des longues maisons ou si vous préférez de la confédération iroquoise.

À travers ce jeu de cache-cache à canot et du sauve ta peau si tu peux, Jocelyn Sioui entremêlera le parcours d’Auhaïtsic aux souvenirs de jeunesse de son grand-père paternel Lucien et de sa mère Jocelyne. Lucien aimait bien se promener sur Önanta que l’on désigne aujourd’hui par le Mont-Royal et Jocelyne en fera tout autant pour fuir la violence familiale. 

Jocelyn Sioui nous remue dans ses propos savoureux avec ses légendes transportées par les vents d’antan et les faits historiques réels qui remettent tout en perspective et en contexte. Il n’est jamais trop tard pour corriger la trajectoire de la flèche.

Je crois qu’il ne me reste plus maintenant qu’à lire les autres livres de Jocelyn Sioui publiées aux Éditions Hannenorak et d’assister à ses spectacles dès que l’occasion se présentera.

Extrait :

« L’automne était à mi-temps. Les couleurs explosaient sous les rayons du soleil. La forêt sentait bon. Plus tard, ce même jour de 1650, les six sont arrivés au village. Juste à temps pour fêter la fin de l’été. De la bouffe, en veux-tu, des chants, des danses, un grand feu. Tout ce qu’il faut pour se rappeler de célébrer aussi ceux qui sont vivants. »

 


mercredi 15 octobre 2025

Le fleuve debout de Danielle Dussault



Les femmes de lettres ont souvent cette aptitude généreuse de témoigner leur admiration pour d’autres femmes artistes. Danielle Dussault ne fait pas exception à la règle.

Dans Le fleuve debout paru chez L’instant même, elle expérimente durant une résidence d’écriture le silence et le rythme des eaux dans le chalet d’été situé à Petite-Rivière-Saint-François qu’occupa Gabrielle Roy (1909-1983) à partir de 1958.

À l’intérieur de cette maison de campagne, Danielle Dussault fait une chambre à soi. Tout remue en elle sa québécitude face à l’immensité de l’horizon, des commentaires de sa fille, ses amours mortes.

Elle s’enveloppe d’un châle de quiétude le soir en s’assoyant dans la chaise berçante de sa devancière après avoir contemplé, puis marché le long du fleuve où se perdit souvent le regard des peintres et des écrivain.e.s. Combien faut-il de galets retournés sous sa semelle pour tracer un sentier sans se retourner ? Jusqu’à quand doit-on quitter la compagnie des gens pour plonger dans un cahier qui ne demande qu’à être couvert de hampes, de jambages et de sens ?

Puis, le jour file et la pénombre recouvre la maison. On entend siffler le vent aux fenêtres ou la bouilloire qui appelle l’heure du thé aux baies des champs si parfumé. Dans ce récit intimiste, elle constate la vie qui lui file entre les doigts et dont elle dépose quelques fragments ça et là de sa pensée limpide. Elle laisse le superflu aux autres. Elle va à l’essence des faits et des choses.

Il existe des musiques et des images intérieures qui sont de la littérature et les livres de Danielle Dussault en font partie. À lire pour l’écriture tendre de Danielle Dussault et l’envie de relire Gabrielle Roy.

Extrait :

« Je couds lentement une robe faite de mots, le fil pour les assembler se déploie dans une vieille lenteur, un rythme qui n’appartient qu’au matin, j’écris depuis si longtemps déjà : une voie, un cri dans la nuit, une parole. »


dimanche 5 octobre 2025

L'expérience Milena de Danielle Dussault

 

Danielle Dussault, femme de lettres et enseignante, s’intéresse dans son essai L’expérience Milena paru aux Éditions Hashtag à la journaliste Milena Jesenská (1896-1944) et à Franz Kafka (1883-1924). 

Notre autrice établit un parallèle entre Milena qui vécut une histoire d’amour passionnelle avec Kafka et elle-même autrefois une étudiante subjuguée par un professeur de littérature. Dans les deux cas, elles se virent confronter au refus de l’autre et durent se retrancher longtemps dans leurs blessures.

Dans ce très beau livre, on voit Danielle Dussault marcher par les rues de Prague, accompagnée d’une traductrice, à la recherche de Milena, tentant de décortiquer les méandres de la passion. Milena possédait l’audace de l’expression déterminée et franche, alors que Kafka se protégeait par une pudeur névrotique et paralysante.

Milena se résolut à détruire sa propre correspondance. Les traces de son passage ne restant que dans la mémoire d’un Kafka cloîtré et de leur ami commun, l’écrivain Max Brod, et puis dans les lettres de Kafka à Milena.

Bien des années plus tard, Margarete Buber-Neumann, compagne de détention au camp de Ravensbrück, écrira un vibrant hommage à Milena Jesenská. 

À son tour, Danielle Dussault a le grand mérite de faire émerger de l’ombre la figure fascinante et dynamique de la journaliste tchèque.

Danielle Dussault se questionne sur la propension des femmes, surtout des écrivaines, à disparaître, à brader la présence par l’oubli, comme si cet effacement s’avérait solution et baume face à des histoires inabouties et à la difficulté de vivre. Elle pense aussi à ce père longtemps distant, musicien et compositeur, disparu dont il ne lui reste que deux partitions.

Somme toute, l’écriture exige son tribut de silence pour créer, mais est-ce au point de l’estompement de soi-même ? 

Je recommande chaleureusement la lecture de cet essai. Un doux et beau voyage au coeur de Prague, de l'amour et de la littérature. 

Extrait : « Ces pages que j’avais brûlées me manquaient à présent. Je me souvenais seulement du crépitement des feuilles. Les morceaux de nuit s’envolaient dans l’âtre en voltigeant comme des papillons. »

 

 

 

 

 

 


dimanche 21 septembre 2025

Sauvage de Julia Kerninon

 

Julia Kerninon ne fait rien comme personne et c’est tant mieux. J’avais remarqué sa prose fluide mais ô combien percutante avec Ma dévotion, Liv Maria, Le dernier amour d’Attila Kiss.

Avec Sauvage paru en 2023 chez L’Iconoclaste, elle nous présente le personnage d’Ottavia Selvaggio. Elle est fille d’un restaurateur romain et d’une mère déracinée de la campagne, celle-ci longtemps en froid avec son mari absent.

Ottavia décide de suivre les traces de son père, d’ouvrir des restaurants, d’épouser un critique culinaire, d’être fascinée tour à tour par un ancien collègue et un Parisien de passage à Rome, de se bâtir une cabane au jardin pour s’y réfugier la nuit jusqu’à l’aube et de retourner vers les siens, époux et enfants, à sa guise.

Somme toute, la romancière se pose les questions suivantes. Faut-il absolument se soumettre en tout point à la volonté d’autrui ? Être libre, mais pourquoi ? L’amour signifie-t-il épanouissement ou asservissement ? Peut-on se choisir sans blesser ? Mène-t-on sa destinée, entrecroisée à celle des autres ou en parallèle ?

Extrait :

« Je me demandais de quelle liberté je disposais encore, et quelle liberté j’avais abandonnée à mon insu qu’on ne me rendrait plus. »


dimanche 14 septembre 2025

Entretien avec Martine Cadéo, femme d'écrivain

 

Ces deux-là étaient destinés à se rencontrer, la femme impliquée en politique aimant la photographie et l’homme de lettres, le poète-philosophe, le romancier, le dramaturge, le conteur.

Je me suis longtemps intéressé au corpus littéraire d’Alain Cadéo. Mais à ses côtés, vivait et vit encore autrement sa compagne, Martine Cadéo. J’ai bien voulu la questionner sur sa vision de l’écrivain et sur son propre rôle à titre de promotrice de l’œuvre de son mari. Vous verrez bien vite leur évidente complémentarité. Je la remercie de s'être confiée spontanément. Bonne découverte.

Comment vous êtes-vous connus ?

C’est une histoire qui commence simplement, mais qui a bousculé nos vies.

J’étais maire-adjoint à Marseille et Alain avait pris RV avec moi pour me parler d’un grand spectacle organisé avec son frère Michel au profit de l’enfance handicapée.

Dès les premiers échanges quelque chose a cliqué.

Nous avons parlé des heures, puis comme on ne s’était pas tout dit nous avons décidé d’aller dîner au restaurant, puis nous avons bavardé jusqu’à 4 h du matin dans ma voiture c’est à 4 h qu’il a pris ma main et l’a mise sur son front, alors je l’ai demandé en mariage…

Qu’est-ce qui vous a plu chez lui, l’homme ou l’artiste ? 

L’HOMME!!! Je le trouvais tellement beau et j’ai été subjuguée par sa façon de parler autrement que les autres, il avait un univers singulier à la fois poétique et brut.

Une journée-type dans la vie d’Alain Cadéo, ça ressemblait à quoi ?

C’était un homme du matin il écrivait très tôt.  Tout dépendait du projet en cours, manuscrit, corrections ou pages libres. Il s’inspirait de ses rencontres, de la marche du monde. Il était en perpétuelle réflexion et souvent dans le doute. Il fallait qu’il me lise ses textes tous les matins et on partait dans des discussions qui n’en finissaient pas.

L’après-midi il disait qu’il n’était bon à rien… alors il lisait ou relisait. J’avais l’impression qu’il avait tout lu. Et le soir il pouvait se gaver de westerns heureux si le gentil gagnait.

Au quotidien, parvenait-il à séparer l’écrivain de l’homme ? 

Pas du tout. C’était un homme très responsable il avait le souci en permanence des autres et surtout des enfants. L’homme était toujours présent parfois en râlant car il détestait le bruit.

Quant à l’homme de lettres, c’était comme partager son quotidien avec un alchimiste.

Rien n’était superficiel et il avait une curiosité insatiable. Il était très attentif aux nuances du langage. Il savait mettre des mots sur le ressenti des êtres, parfois mieux qu’eux même.

Assuriez-vous l’aspect plus temporel, plus terre-à-terre de la vie ? 

On faisait tout à deux. Il détestait tout ce qui était papiers banque, etc…

Mais il le faisait (ceci dit j’ai retrouvé dans son bureau une pile considérable d’enveloppes de la banque qu’il n’avait pas ouvertes).

En fait, on se complétait tout en se ressemblant.

Y a-t-il un personnage qui vous ressemble ?

C’est difficile à dire. C’est vrai que dans chaque livre il y a une réflexion ou une anecdote qui est à nous.

Je dirais que dans Les anges disparaissent où il y a une demi-sœur née en Afrique du Nord, je me reconnais.

Et ce livre j’ai l’impression que nous l’avons construit ensemble entre Venise et Tunis.

Dans chaque livre il y a un morceau de notre vie.

Et puis M que je relis souvent parce que je pense qu’il était le seul à bien percevoir qui j’étais.

Il y a dans ce livre des phrases qui me bouleversent comme « quand tu étais petite j’aurais voulu être avec toi pour pas que tu n’aies pas peur ».

Quels sont les bons côtés de vivre avec un écrivain ?

Aucun ennui, jamais !

Quels sont les mauvais côtés, s’il y en a ? 

Aucun, quand il y a de l’amour.

Vous êtes nés le même jour de la même année. Y avait-il un rapport de gémellité entre vous ?

Évidemment, c’est incroyable des correspondances de dates inouïes. On disait même qu’on se ressemblait physiquement. On venait de deux planètes différentes pourtant.

Alain disait toujours « Tu as un engagement politique et moi un engagement poétique »

Et pourtant toujours dans la même direction.

Vous avez toujours été la promotrice de son œuvre, en quoi cela consiste-t-il ?

Pendant 40 ans, bien avant les réseaux sociaux à chaque sortie de livres, c’était des envois d’enveloppes aux journalistes (ce qui est toujours le cas).

Au téléphone (fixe) avec des rédactions.

Maintenant, j’entretiens beaucoup de liens amicaux avec des journalistes mais aussi des blogueurs que j’admire beaucoup pour leur passion et leur talent pour retranscrire avec émotion une œuvre littéraire.

Et je continuerai à transmettre sur les réseaux des textes d’ Alain ainsi qu’à continuer avec ses Éditeurs les Éditions la Trace à publier des livres ou à republier.

On me demande pourquoi : simplement parce que je ne veux pas qu’on l’oublie.

D’après vous, quelles sont les forces de son écriture ?

Je ne saurais vous dire ce n’est pas facile, car je suis trop proche de son écriture.

Le premier livre que j’ai lu c’était Stanislas. Quand j’ai refermé le livre, je me suis dit « il a tout dit ». 

En cinq mots comment décririez-vous son corpus littéraire ?

Lumière, poésie, humanité, amour, générosité.

Y a-t-il des livres-phares d’Alain Cadéo que vous recommandez de lire absolument ?

J’ai envie de vous dire tous, évidemment.


samedi 30 août 2025

La clepsydre d'Evena

 

La vie nous apporte des lectures qui nous étonnent avec leur touche de transparence. C’est le cas de La clepsydre d’Evena paru chez Les 3 Colonnes.

Tout d’abord, que de poésie dans ce pseudonyme et ce titre. L’autrice compare sa vie, puisqu’il s’agit de sa biographie, à une horloge à eau, aux chapitres désignés par le terme gouttes.

L’écrivain Alain Cadéo eut la délicatesse de lui offrir une dédicace manuscrite amicale pour inviter Evena, sculptrice-peintre-femme de lettres de « jouer sa partition », ce qu’elle fait avec authenticité et brio. Elle ne se cache pas, elle se livre toute entière en confidences. Et on avance, on plonge avec elle, on lui tient la main.

Devant nos yeux, défilent les membres de sa famille, les professeurs d’arts, les paysages lumineux du Midi de la France, les montagnes et plages de Corse, les amis assis autour d’une table bien éclairée autant par l’esprit que par les bougies, les chatons du printemps qui jouent avec les enfants, l’amour qui enflamme, consume et dont on guérit tout doucement les épaules couvertes d’un châle réconfortant un soir tranquille de septembre.

En cours de lecture, me venait à l’esprit La chanson des vieux amants de Brel interprétée par Melody Gardot.

J’invite sincèrement Evena à poursuivre sa route en écriture.


dimanche 17 août 2025

Contes des petits mondes d'à côté de Alain Cadéo

 


Il était une fois un homme aux cheveux blonds trop vite blanchis, au regard bleu comme les eaux méditerranéennes, élégant, discret, songeur qui se déplaçait avec une grâce quasi féline. Il avait un je-ne-sais-quoi à la Jean-Louis Trintignant dans les inflexions de sa voix.

Dès l’aube dans sa thébaïde, il posait ses mots sur papier ou à dans des messages destinés à un lectorat dissimulé derrière un écran et un clavier. Il brisait le silence imposé par la distance et les limites cartographiques.

À titre posthume, la maison Éditions La Trace nous offre Contes des petits mondes d’à côté d’Alain Cadéo. L’auteur oppose ici souvent des personnages menés par la raison à ceux vivant leur passion. Les contes du présent livre tiennent à la fois de la fable et de la philosophie. On dépasse de loin la banalité du premier degré, les mots s’envolent et nous dévoilent leurs mystères. Les personnages en clair-obscur mènent leur vie. Certains se plient aux conventions et d’autres créent doucement leur itinéraire sans demander de permission à qui que ce soit.

Un mot de Christian Bobin et une lettre de Tom Noti s'y trouvent pour saluer leur confrère de lettres.

À la lecture des contes, des romans et des pièces de théâtre d’Alain Cadéo, j’entends toujours sa voix libre comme le murmure du vent et je constate sa juste vision des êtres et des choses telle une percée de lumière dans la forêt.

Extrait de postface :

« Pour moi, contrairement à ce qui est dit, rien n’est meilleur que de me trouver devant une page blanche. C’est aussi dense qu’un glacier, aussi bavard qu’une rivière de montagne dont je ne me lasse pas de regarder et d’entendre l’incessant bouillonnement. »


jeudi 7 août 2025

Monologue de l'autre de Jacqueline Salvas

 

Jacqueline Salvas a toujours été fascinée par la scène et par la vie transposée en créations qu'elle aimait partager avec les autres. Le théâtre fut sa destinée à titre de directrice, d’enseignante et de metteure en scène.

Cette fois-ci, elle a cru bon mettre en scène son enfance à Sainte-Thérèse-de-Blainville dans les Basses-Laurentides via ce très beau livre intitulé Monologue de l’autre paru chez Les Éditions de la Francophonie.

Pourquoi l’autre ? Tout simplement, parce qu’il y eut sa mère Jacqueline et elle-même. Elle est l'autre du titre. Issue d’un milieu modeste, notre autrice rend hommage à sa mère et à sa grand-mère maternelle, ces femmes si dynamiques. Elle dépeint une époque nettement plus calme qu’aujourd’hui où elle apprenait les leçons de la vie au travers des jeux et de son regard de gamine.

Les récits d’antan nous en apprennent beaucoup sur le parcours de nos prédécesseurs. Je crois qu’il n’y a pas de grande ou de petite littérature. À mon humble avis, il n’existe que le désir de s’exprimer sur l’existence et Jacqueline Salvas le fait très bien. Certains passages m’ont fait sourire et d’autres m’ont ému. 

Cette autobiographie de son enfance n’est pas banale du tout. Je vous en recommande chaleureusement la lecture.


dimanche 13 juillet 2025

L'improbable conversation de Chantal Garand et Dominique Garand

 


Que dire de ce roman de L’improbable conversation publié aux Éditions Tête Première ?

On a souvent besoin de connaître d’où l’on vient pour savoir qui on est et où l’on va. C’est l’audacieux pari mené par Chantal Garand, femme de lettres, et de Dominique Garand, professeur de littérature, que de recueillir les souvenirs de la fratrie afin de reconstituer le portrait de leur mère, Marguerite Garand, née Tremblay.

Ce livre donne une émouvante courtepointe composée des faits et gestes d’une femme amoureuse de son homme, mais trop affairée avec le quotidien pour bercer longuement ses neufs enfants l’un après l’autre. 

J’y vois aussi le destin des femmes mariées au Québec d’avant la Révolution tranquille coincées par devoir et amour avec une lourde progéniture pour remplir ultérieurement à titre de dociles sujets les usines, les fermes et les églises. Je n’envie pas cette époque révolue, mais dont nous sommes tout de même le fruit.

Toutefois, je vous invite à lire la fascinante biographie polyphonique de cette femme passionnée, cultivée, intelligente que fut Marguerite Tremblay-Garand. Je demeure convaincu que sa tendresse et sa bienveillance se poursuivent au sein de sa descendance. Qu’elle continue de veiller chacun de ses enfants comme on guide les pas des petits.


dimanche 6 juillet 2025

La Chair de Julia de Julie Vincent

 


La comédienne Julie Vincent célèbre sa vie par La Chair de Julia, singulière et audacieuse publication aux Éditions de la Pleine Lune. C’est par un conte théâtral avec des croquis de l’autrice qu’elle nous tend la main et nous amène tout doucement sur ses moments qui composèrent sa vie de Montréal à l’Argentine.

Nous sommes convié.e.s au théâtre du temps, le sien. Elle enfile une veste sombre, ouvre un coffre, en sort un grand livre noir qui contient toute son existence. Une patère retient à l’occasion un chapeau ou un parapluie. Les scènes défilent devant nous en français avec des instants ponctués en espagnol sous-titrés en français.

Durant ma lecture, il me vient à l’esprit qu’elle a tracé son parcours à la manière de son arrière-grand-père Godefroi, seul au bout de son lopin de terre, à défricher en pleine forêt du côté de la Mauricie. Les mots, la poésie et le souffle l’ont poussée à partir et à revenir.

Julie Vincent lance des galets qui font des ronds dans l’eau d’un lac tout comme elle compte les anneaux concentriques du bois.

Une discrète actrice et une autrice à découvrir.

Bonne lecture et bons voyages en son inspirante compagnie.

 


dimanche 29 juin 2025

Tu m'appelles Amalia de Sophie-Luce Morin

 

Sophie-Luce Morin a fait paraître en autoédition chez La Rocade Tu m’appelles Amalia pour plus d’autonomie. Je fus étonné tant par la couverture que par la qualité d’impression du roman. De la grande classe !

Tu m’appelles Amalia est un thriller psychologique qui relève très bien ce défi de nous tenir en haleine. Pardonnez-moi l’expression, mais c’est un page turner que je dégustais jusque tard dans la nuit.

Une jeune femme se voit prisonnière sur une île où elle tente de recomposer son passé et de comprendre les raisons de sa détention. Son geôlier lui démontre une sincère sympathie et lui laisse une relative liberté. De toute manière, elle ne peut s’échapper. Elle est la narratrice de sa propre histoire.

L’île peut être vue comme une métaphore de l’autrice qui s’isole dans un cocon réel ou fictif pour mieux s’adonner à son écrit en cours et à ses personnages.

N’étant pas un divulgâcheur, je ne vous proposerai pas des pistes ou des indices. Ce serait vraiment trop dommage pour tout le labeur et le suspense contenus dans cet étonnant roman.

Tu m’appelles Amalia est vraiment un thriller psychologique à ajouter au-dessus de votre pile à lire. Rien de moins.