La couverture est d'un gris ennui comme le
béton de nos villes et de nos banlieues modernes, terne rappel aussi des viaducs qui encerclent les parcs industriels. Cette couverture aura le mérite de ne pas laisser indifférent. Poursuivons notre exploration…
On a la fausse impression que l’auteur
n’a rien à nous révéler, alors que c’est plutôt le contraire qui se
manifeste dès les premières lignes lues. Dans Parler pour rien dire, le
poète s’exprime en proses poétiques sur son enfance, son adolescence, avec un
père plutôt taiseux qui rompt le silence pour lancer des clichés, le deuil de la mère chérie, une grand-mère envahissante
qui donne ses conseils sur tout et rien.
Le ''paysage'' ressemble à Laval, un ramassis d’anciens villages transformés
en quartiers résidentiels aux pavillons d’une architecture standardisée en
quelques modèles, selon les entrepreneurs en construction du temps des années 1970.
Dans West Mtl Striper, le
narrateur (le poète) fait la connaissance d’un arpenteur éméché. Les deux échangent sur la ville de Pierrefonds,
en banlieue du nord-ouest de Montréal.
Selon eux, cette ville-dortoir essaie de se donner un statut de ville
sans vraiment y parvenir.
L’auteur utilise une langue
française truffée d’expressions québécoises et d’anglicismes. Un francophone européen ou africain ne s’y retrouverait
pas sans un lexique. Par contre, pour un
Québécois ou un Acadien, le langage se comprend très bien. Ça glisse devant notre
regard tel un train engouffrant ses passagers à la gare un jeudi soir ;
ces mêmes passagers qui devront rentrer à la maison au dernier trajet de
minuit. Les banlieusards sont toujours ramenés aux horaires, à la routine et à
une morosité sous l’apparence tranquille des pelouses bien taillées et des bacs
de recyclage bien enlignés en bord de rue.
Durant la lecture, il m’est venu en
tête à quelques reprises le joual de Michel Tremblay dans Les Belles-sœurs (1968) avec son mordant provoquant de temps à autre un sourire et la tristesse vécue par certains personnages dans le film Paris, Texas (1984) de Wim Wenders.
Ce recueil de proses poétiques paru en 2017 chez Mots en toile est audacieux tant par le propos que par la
forme. Longue vie à son auteur. À
découvrir.
© texte et photo, Denis Morin, 2018
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