lundi 5 mars 2018

Parler pour rien dire / West Mtl Striper de Charles-Étienne Tremblay



La couverture est d'un gris ennui comme le béton de nos villes et de nos banlieues modernes, terne rappel aussi des viaducs qui encerclent les parcs industriels. Cette couverture aura le mérite de ne pas laisser indifférent. Poursuivons notre exploration…

On a la fausse impression que l’auteur n’a rien à nous révéler, alors que c’est plutôt le contraire qui se manifeste dès les premières lignes lues.  Dans Parler pour rien dire, le poète s’exprime en proses poétiques sur son enfance, son adolescence, avec un père plutôt taiseux qui rompt le silence pour lancer des clichés, le deuil de la mère chérie, une grand-mère envahissante qui donne ses conseils sur tout et rien.  Le ''paysage'' ressemble à Laval, un ramassis d’anciens villages transformés en quartiers résidentiels aux pavillons d’une architecture standardisée en quelques modèles, selon les entrepreneurs en construction du temps des années 1970.

Dans West Mtl Striper, le narrateur (le poète) fait la connaissance d’un arpenteur éméché.  Les deux échangent sur la ville de Pierrefonds, en banlieue du nord-ouest de Montréal.  Selon eux, cette ville-dortoir essaie de se donner un statut de ville sans vraiment y parvenir.

L’auteur utilise une langue française truffée d’expressions québécoises et d’anglicismes.  Un francophone européen ou africain ne s’y retrouverait pas sans un lexique.  Par contre, pour un Québécois ou un Acadien, le langage se comprend très bien.  Ça glisse devant notre regard tel un train engouffrant ses passagers à la gare un jeudi soir ; ces mêmes passagers qui devront rentrer à la maison au dernier trajet de minuit. Les banlieusards sont toujours ramenés aux horaires, à la routine et à une morosité sous l’apparence tranquille des pelouses bien taillées et des bacs de recyclage bien enlignés en bord de rue.

Durant la lecture, il m’est venu en tête à quelques reprises le joual de Michel Tremblay dans Les Belles-sœurs (1968) avec son mordant provoquant de temps à autre un sourire et la tristesse vécue par certains personnages dans le film Paris, Texas (1984) de Wim Wenders.

Ce recueil de proses poétiques paru en 2017 chez Mots en toile est audacieux tant par le propos que par la forme.  Longue vie à son auteur. À découvrir.


© texte et photo, Denis Morin, 2018

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