vendredi 30 mars 2018

Territoires de Marc-André Moutquin



Marc-André Moutquin, né en Nouvelle-Zélande en 1977, infirmier praticien spécialisé et étudiant à temps partiel en littérature, a remporté le Prix de poésie Radio-Canada, édition 2014, avec sa suite poétique L’appétit des astres. Il nous revient avec le superbe livre Territoires paru en 2017, à Montréal, aux Éditions de l’Hexagone.

La couverture du livre présente des traits noirs comme autant de frontières et de barrières qui éclatent, la liberté étant celle de l’écrivain qui écrit avec une prose arborant des éclats poétiques et lumineux sa rencontre avec trois guides.

Le recueil se fragmente en trois sections au gré des guides et s’intitulent L’immobile, Les paroles du Prophète, L’éclat disparu de la formation des mondes.

Qiarngatuk, le premier guide est un vieil inuit devenu un ami malgré ses réticences face à l’homme blanc. Le vieil homme traite des temps d’avant, des déportations, de chasse au caribou qui se voit traquer par les loups, de la colère du petit-fils connecté au monde via internet, du souhait du vieil homme de se fondre dans l’immensité faite de toundra et de neige.

L’auteur insère dans les confidences entendues des données anthropologiques sur les vagues de peuplement de l’Arctique et sur l’aire de déplacement du nanuk, l’ours blanc.

Au sujet d’un adolescent s’étant égaré de nuit, retrouvé gelé au petit matin, le vieil inuit dit tout simplement que le jeune ne savait pas lire, signifiant par là qu’il ne savait plus lire les repères donnés par la nature, y voyant là une perte de la culture inuite.

Le deuxième guide Minyane est un iman de l’ethnie sérère qui cause du temps qui passe selon les vents de l’Harmattan et du Sahel qui cherche à gagner du terrain. Minyane parle des griots décédés que l’on inhume dans les troncs des baobabs et de son souhait de visiter la Mecque, mais du désintéressement à visiter Dakar, la capitale du Sénégal. À son tour, l’auteur nous parle de l’île de Gorée par où transitaient les esclaves.  Minyane craint les esprits qui rôdent la nuit et préfère la quiétude apportée par la récitation des sourates.  La paix émane du cœur.

Antoine, le grand-père de l’auteur, fut le troisième guide. Il habitait la Gaspésie et l’été venu lui faisait visiter les sites fossilifères de Cap-aux-Os et de l’Anse-à-Brillant pour « arracher des mémoires à la Terre ».

L’aïeul lui raconte comment la mer a englouti le bateau de son frère Jacques parti à la pêche et des parents interdirent à Antoine et à Jacques de traverser le ponceau au-dessus de la rivière et de jouer dans la forêt pour se prémunir du danger.

Faut-il se limiter au monde rassurant et connu ? Voyons ce qu’en pense l’auteur : « Qu’aurais-je fait, moi ?  Aurais-je désobéi et avancé ?  Aurais-je atteint les frontières d’un nouveau territoire à cartographier ?  Aurais-je découvert cette limite au-delà de laquelle il nous est seulement permis de nous perdre ? »

Somme toute, si le Grand Nord et le soleil brûlant du Sénégal vous fascinent et la nostalgie de l’enfance fait vibrer votre être, voici le livre qu’il vous faut voyager.


© texte et photo, Denis Morin, 2018

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