dimanche 12 novembre 2017

Mille ans après d'Hervé Richard



Cette chronique concerne le roman Mille ans après d’Hervé Richard, publié en 2016, à St-Denis, en banlieue de Paris, chez Mon Petit Éditeur.

L’auteur est français, vivant en Allemagne.  C’est un traducteur et un auteur chevronné croisé sur Facebook.

Ce présent roman me rappelle le roman Vipère au poing d’Hervé Bazin publié en 1948. Roman sur l’enfance, la maltraitance et sur la résilience.  On a affaire ici à un érudit et à un homme à la plume alerte.  Merci mille fois Monsieur Richard.  Je vous souhaite de récidiver mille et une fois.

Le 4e de couverture donne le ton du roman : « Les enfances, comme les grammaires, s’ouvrent sur le présent, et mon présent à moi n’est pas beau à voir.  La maison, c’est sauve qui peut, Maman hurle, Papa n’est pas là. J’ai l’aspirateur à passer et la vaisselle à faire.  Les coups de ma mère partent, automatiques… »

La mère est infirmière, étudiante en droit, belle figure en société, monstre à la maison.
« Depuis toujours, je n’existe pas.  Ma sœur exprime sa passion pour la danse, mon frère sa passion pour la politique, les questions fussent, admiratives, la danse ? la politique ?, mais que moi je parle de ma passion pour le russe, l’auditoire est ailleurs. » p.12

L’enfant, le narrateur de ce roman se questionne sur ses origines. Son grand-père maternel noyé dans la Seine, puis ce journal russe intitulé Odessa 1905-1912 trouvé dans un placard. Le narrateur enfant confond tout.

Dépression postnatale de la mère à la suite de sa naissance.

Infidélité du père.

L’enfant devenu adolescent se réfugie dans l’étudie et fantasme du tuer sa mère.

« Les grammaires me tiendraient lieu de famille. (…) Ici pas de cris, de coups, pas de sang, une famille fidèle et calme, une histoire retracée et reconstruite. Le contraire de mon histoire. » p. 14

Roman thérapeutique pour l’auteur.

« Les mots tour à tour vengeurs, omniscients, guérisseurs seront investis de tous les pouvoirs, leur juxtaposition constituera un roman insolite… » p. 15

Intérêt pour l’allemand et le russe.

« Timide, craintif, incapable d’aller vers les autres, j’attends des langues qu’elles m’expliquent la communication tout en m’en dispensant… » p. 16

Les langues sont une barrière à son désir de vengeance, de tuer sa mère.

Le jeune adulte enseigne, ambiance et milieu qu’il maîtrise, savoir codifié. À ses retours en France, il se réfugie en bibliothèque pour y lire du Bellay, Péguy, Mauriac.
« L’Écriture n’est pas dénouement, mais dénuement. »

Dans le roman, on y trouve des extraits de grammaire, comme un chassé-croisé entre le passé et le présent, puisque les grammaires et les langues étaient ses planches de salut.
« Les types de phrases, les formes de phrases, ce seront mille et huit manières de dire le mal que j’ai de vous. » p. 29

Séparation des parents, la mère cesse de le frapper, le beau-père est sympathique, plaies non cicatrisées du narrateur.

Le narrateur enseigne à Hambourg, fait l’objet de railleries de la part d’un collègue, puis démissionne, le tout suivi par le suicide d’un cousin.

« Les gens qui vous ont fait du mal préféreront s’écarter de vous plutôt que d’avouer leurs erreurs. » p. 32

Livres de russe et de chinois donnés par son père.

« Je n’ai pas parlé de mon père. Je n’ai fait que parler de moi à travers lui…  C’est au travers d’autres personnes que j’ai appris le peu que je sais de lui. » p. 36

Chargé de cours dans un autre lycée.

Sortie d’un livre signé par lui sur la Première Guerre mondiale qui passe inaperçu auprès de la famille immédiate.

« De cette ombre dans laquelle on me tint hier, je tiens le caractère ombrageux d’aujourd’hui. » p. 54

Début de sclérose en plaques.

« Les grammaires étaient ce dont je disposais de plus efficace pour faire, défaire et refaire le monde. » p. 72

« Reste cette écriture décentrée, kaléidoscopique, répétitive, impression des cris et des coups dans le corps même du texte. » p.73

Entrée comme chargé de cours à l’université.

En 2009, poursuite contre une collègue.

« Ulysse peut croiser mille ans, il ne reverra pas Ithaque. »


« Mille ans ont passé.  Je m’étonne de tant de paix.  Je m’étonne que tant d’être qui m’ont volé tant de choses ne me volent plus rien.  Ils sont là quelque part, mais je ne cherche pas à les rejoindre.  Ils ne savent pas que j’ai gagné, ils ne savent pas mon bonheur, ils ne savent pas ma guérison, ils ne savent pas mon équilibre… » p. 106  

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