Le temps nous permet de suivre de loin des plumes portées par les vents nomades. J’ai pu lire les romans Libera me, La partition de Suzanne, La troisième personne et entendre Les carnets littéraires du 10e arrondissement lus par Adret Web Art et elle-même dans un environnement en immersive 3-D.
Je fais allusion bien entendu à la talentueuse Danielle Dussault qui nous revient en 2022 avec Les ponts de Prague, recueil de nouvelles paru dans la collection Réverbération chez Lévesque éditeur. Elle eut la chance de bénéficier d’une résidence d’écriture à Prague. Ce recueil sont ses impressions, ses observations, ses ponts entre le réel et l’imaginaire. On lit des instants de grâce.
Le style épuré permet au lecteur de respirer. Les nouvelles se font moments de contemplation. Je me suis promené dans Prague. J’ai traversé entre autres le Pont Charles. J’ai marché avec l’écrivaine la semelle usée par le pavé à tête-de-chat, entendu de la musique tzigane ou kletzmer sur les places, vu la fenêtre dont on chute en contemplant la chapelle des Carmélites aux pieds nus, senti le serveur russe musclé me frôler le bras au café, compris qu’un drame vécu par une femme peut avoir des répercussions dans la vie de son petit-fils, aperçu l’alternance du gris terne avec les couleurs et les dorures ciselées, compris la beauté des arts en opposition avec les drames de l’Histoire, entendu l’écrivaine penser à Kafka et partagé son admiration pour Leonard Cohen, deviné les fulgurances créatrices qui assaillent la femme de lettres et l’imaginaire que l’on laisse reposer comme un sol en jachère.
Danielle Dussault trace des ponts entre le passé et le présent, entre son ressenti et la vie ambiante, entre les êtres, mais de ces parcours on ne s’en lasse pas. Merci beaucoup !!!
Extraits :
« On entre dans cette librairie à Prague comme on entre dans une église. (…) Dans cette librairie, les étagères bondées craquent. Parfois un livre tombe à nos pieds. On ouvre alors une page au hasard et quelqu’un nous parle. »
« Quelque chose en lui me reconnaîtrait sans le savoir. Il se rappellerait peut-être d’une femme qui le regardait jouer d’une manière un peu ennuyée le largo de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořăk. »
« Elle serrait avec dévotion le magnétophone contre sa poitrine, car il contenait l’audio du Requiem enregistré dans l’église baroque de Saint-Nicolas à Staré Město. C’était l’unique trésor qu’elle ramenait de cette tournée de chant. »
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Photo, texte du billet, sauf les extraits de D. Dussault, Denis Morin, 2022
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