Lire un roman de Julia Kerninon,
c’est pour moi un délice indescriptible. Je lis de soir et de nuit. Le jour, j’ai
trop de trucs qui m’accaparent, en partant du télétravail aux tâches quotidiennes.
Donc, j’ai dégusté ce livre, segment par segment, sur une bonne semaine, avec
mon fox terrier endormi au pied du lit.
Dans ce somptueux opus paru en
septembre 2020 chez Annika Parance Editeur, l’écrivaine nous présente une insulaire
bretonne propriétaire d'un café où elle vend aussi des munitions, ses frères marins, puis
un colosse norvégien qui jette l’ancre et s’enracine chez l’insulaire. De cette
union, naîtra Liv Maria, une petite fille mystérieuse comme les brumes qui
prendra plaisir à apprendre les langues (français, norvégien, allemand,
anglais, etc.). Curieuse et frondeuse, l’adolescente sera envoyée chez une
tante paternelle à Berlin où elle apprendra les joies du corps auprès d’un
professeur d’anglais.
Par la suite, elle retournera à l’île
un certain temps, maintenant orpheline, protégée par ses oncles, avant de se
rendre en Amérique du Sud où elle vendra des chevaux et domptera des hommes. Ce
sera aussi lors d’un passage dans une librairie qu’elle croisera un bel
Irlandais qui deviendra son conjoint et le père de ses deux fils. Elle ira vivre
en Irlande dans un pavillon tranquille entouré d’arbres et de fleurs.
Mais comment une femme si
dynamique peut-elle se contenter de la monotonie du foyer ? Comment se
montre-t-on à l’écoute des autres sans se dévoiler ? Car se dévoiler pourrait
faire craquer l’harmonie ambiante. Et si cette femme tranquille, érudite
libraire, cachait sous son habituelle discrétion de multiples femmes… Le passé
finit toujours par resurgir via un mot, un objet à la manière d’une madeleine
de Proust. Pour respecter sa nature profonde et ses secrets, faut-il rester là
à tout prix ou céder à l’errance ?
Vous avez compris, je l’espère,
mon engouement pour ce livre et cette écriture intimiste si intelligente, si
chargée de sens, sans compter que voici une belle occasion de vous
balader par ces pages entre divers paysages.
Un must pour cette rentrée littéraire avec ce superbe portrait de femme en clair-obscur.
Extraits :
« Mystérieusement, Liv Maria
retrouvait dans les cheveux de Flynn l’odeur de plusieurs maisons où elle avait
vécu. Quelque part sur son ventre flottait celle des biscuits norvégiens aux
épices que faisait son père pour Noël. Dans ses mains, il y avait l’odeur
salée de ses mains à elle le jour où elle avait pleuré la mort de ses parents,
et parfois aussi une odeur de sciure dans laquelle elle reconnaissait celle de
son enfance. »
« Parce que les gens murmurent – les gens se trahissent, ils commettent des erreurs, ils croient dire ce qu’ils disent et taire ce qu’ils taisent, mais bien sûr ils font l’inverse, à leur insu. Les gens murmurent, ils parlent avec leurs cils qui battent, avec leurs oreilles qui rougissent, avec leurs fautes de frappe, et nous les lisons à livre ouvert, à notre insu. Les gens murmurent, et nous les entendons, mais le message est parfois si clair que nous cherchons des complications. Pourtant, dans ce que nous taisons en croyant le dire, ce que nous disons en croyant le taire, nous sommes dans notre vérité, d’un coup. »
© Photo, billet, sauf les extraits de
J. Kerninon, Denis Morin, 2020
Aucun commentaire:
Publier un commentaire