Dans 96Bric-à-brac
au bord du lac paru en 2018 chez La Peuplade, le poète Charles Sagalane
est un turbulent gamin qui joue des onomatopées comme un bûcheron jouerait de l’harmonica
un soir au camp pour distraire agréablement ses collègues éreintés par l’effort
du jour.
Ce poète
tient à la fois du galeriste et de l’homme compulsif, conscient du temps qui
passe, trop conscient justement pour pouvoir se départir d’un truc banal pour
les autres, mais d’une madeleine de Proust pour lui.
Il lui
arrive parfois de rédiger un poème en forme de clef anglaise, d’emprunter des
extraits de livres à la page 96 et d’en glaner des mots pour créer un poème. Il
rit de lui-même en parlant de sa manie de tout accumuler : objets ramenés
de voyage au village voisin ou de Katmandou, outils du père ou de l’oncle,
instruments quelconques empruntés à un cousin lointain. En fait, tout est
prétexte à accumuler dans le chalet, dans la remise à l’arrière du chalet une
foule d’objets hétéroclites ayant servi, qui servent encore ou qui ne serviront
plus. Le poète détenteur de ce Musée-moi pige dans tout ce fatras matière à
poésie, comme si l’ordinaire se couvrait de mica que l’on prendrait pour de l’or.
Nos ancêtres français se sont laissés prendre, mais les lecteurs contemporains
goûteront cette poésie ludique à souhait, empreinte de nostalgie et légèrement
déjantée.
Ce poète
à découvrir est issu du Saguenay où bien des artistes tels Arthur Villeneuve
ont su ajouter leurs couleurs toniques et vivifiantes aux cultures québécoise
et canadienne.
Extraits :
« Boussole
tu te rendras
précisément
où tu te dois
mais n’oublie pas
tu ne parles pas
à une page
tu demandes
tes mots
à des cœurs
de passage »
« Mise à jour
la nouvelle version
comprend
une touche
compassion
une douceur
d’exécution
qui accroît
le jugement
et suffisamment
de mémoire
pour aimer
bien longtemps »
« Lu dans les pensées du père ramasse
je te prête
mes outils
tout ce que tu veux
dans l’établi
mes serre-joints
sont encore chez vous
pis mon souffleur
à feuilles
il est où ? »
« Miss Underwood
ma machine
à écrire
ses petits yeux
noir fesse
fut frappée
amoureuse
d’un piano
à queue
elle l’adora
de toutes ses lettres
il la quitta
staccato »
© Photo, texte du billet, sauf les extraits de C. Sagalane,
Denis
Morin, 2020
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