J’ai connu l’écriture romantique et douce de Béatrix Delarue dans le recueil de
poésie D’une mer à l’autre, recueil édité avec une collègue tout
aussi talentueuse, Lorraine Lapointe, chacune tenant son segment, son rivage. En plus de l’écriture,
Béatrix Delarue dessine très bien.
Cette
fois-ci, Béatrix Delarue nous revient en 2020 avec ce superbe roman, L’âme
du manguier, dans la collection Magnitudes 5.0 chez JDH Éditions.
Le
personnage de Joséphine embarque à 16 ans sur un navire mouillant dans le port
de Marseille. Cette jeune femme malmenée par la vie se refera une vie en
Afrique de l’Ouest, soit en Côte d’Ivoire, alors colonie française. Justement,
elle deviendra la dame de compagnie de la femme du gouverneur dépressive et
murée dans un silence troublant. La présence de Joséphine apaisera la dame.
Puis, Joséphine se liera d’amitié avec Mara la cuisinière, Amadou le sage
jardinier (qui lui parlera longuement du manguier couvert d’une liane dont la
vie s’est retirée partiellement et qui va renaître grâce à ses bons soins),
Christie la dynamique journaliste et photographe.
On peut
aussi établir un parallèle entre l’état du manguier et la santé de l’épouse du
gouverneur. Cet arbre s’avère aussi être ce qu’elle contemple, pendant que
Joséphine lui fait la lecture sur la véranda.
Puis
Joséphine trouvera du temps pour aller enseigner à l’orphelinat situé tout au
bout du domaine, à quelques lieues de là. Elle fera la connaissance d’un
médecin tenant dispensaire, préoccupé aussi du sort des éléphants. D’ailleurs,
il se fera tuer par des braconniers. Elle constatera que le gouverneur, impitoyable
avec ses ouvriers, peut se montrer un peintre sensible et sensuel.
Par la
suite, tout bascule, Joséphine tombe enceinte, en dehors des liens du mariage,
mais on ne s’en formalise aucunement dans cette lointaine colonie. Joséphine
aurait souhaité un garçon mais naîtront des jumeaux : Jasmine et un garçon
mort-né. Joséphine en pleure, en rage, se détourne de sa petite dont la
vitalité l’exaspère. D’ailleurs, Jasmine ne saura jamais qui fut son père et
pardonnera à sa mère cette froideur et cette distance. Joséphine se mariera
avec le contremaître de la plantation. Le couple aura un garçon qui développera
une complicité avec sa grande sœur.
Si dans
la première partie, on voit la vie de la mère, dans la deuxième partie, on se
concentre sur le personnage de Jasmine, une enfant adorable et lumineuse contrairement
à sa mère belle, mais au cœur comme une rose flétrie. Mara et Amadou aideront
Jasmine à faire le deuil de son double mort avant le berceau. Jasmine
développera alors sa personnalité, grâce aux encouragements de Christie. Puis, ce
sera le temps de repartir pour la France, à l’heure où la colonie cherche et
obtient peu à peu son indépendance de la France.
Ce n’est
que du bonheur ce livre avec des descriptions de la Côte d’Ivoire, des
explications sur les peuples présents et les coutumes ! Béatrix Delarue,
une poète et une romancière à découvrir et à suivre !
Extraits :
« Joséphine sent que le pauvre arbre souffre. Elle
perçoit que cette chose (liane) le vide de toute son énergie. Il ne peut même
pas se plaindre. Elle a souvent cru que lorsqu’on est au plus mal, les larmes
coulent à flots, la pire des douleurs est celle aride, totale, quand toutes les
larmes sont épuisées, quand le tourment occulte tous les espaces par lesquels
vous mesuriez le monde ou par lesquels ce monde vous mesurait. »
« Mara se tut, car Jasmine épuisée s’était endormie
en travers du lit. Sa respiration soulignait le silence d’un trait léger et
régulier et Mara la contempla dormir. Puis elle se coucha habillée au bout du
lit, les bras contre les chevilles de Jasmine, elle posa son front contre les
genoux de la petite fille et elle s’endormit ainsi. Toute la nuit des pas d’enfants
résonnèrent dans son cœur. »
© Photo, texte du billet sauf les extraits de B.
Delarue,
Denis Morin, 2020
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