Par la
magie des ondes, on franchit maintenant les distances, on traverse l’Atlantique
en une fraction de seconde. Je tenais à m’entretenir avec une poète, une
romancière et une illustratrice talentueuse qui vit en Bourgogne. Elle vient de
faire paraître un roman L’âme du manguier chez JDH Éditions.
Bonne découverte.
À quand
remonte le fait d’écrire ?
Sur les bancs de l’école primaire, mon institutrice
préférée m’avait donné le goût de la lecture; j’aimais beaucoup mon cahier de
rédaction, celui de poésie. Je repartais toujours avec beaucoup de livres
empruntés à la bibliothèque.
Vous
inventiez-vous des histoires lorsque vous étiez gamine ?
J’ai toujours aimé beaucoup me plonger dans des
romans d’aventure de Jules Verne, Alexandre Dumas, Stevenson, Dickens, Brontë,
etc. et il m’arrivait de réécrire la suite de l’histoire quand elle ne me
plaisait pas. Un peu plus grande j’ai reçu en cadeau une machine à écrire, je
me suis beaucoup amusée avec.
Est-ce
que c’est le même plaisir à écrire qu’à dessiner ?
Oui j’ai toujours fait avec facilité l’un et
l’autre, j’ai besoin aussi de m'exprimer de cette façon par la création, le
modelage, la gravure et des bricolages divers. J’ai un bac économique option
art et j’ai suivi parallèlement les cours à l’école d’art de ma ville en plus
de mes études de documentaliste.
Est-on
dans le même état d’esprit quand on écrit de la poésie ou de la prose
romanesque ?
La poésie c’est le souffle de l’instant, de
l’émotion et d l’harmonie que l’on peut ressentir face à un événement comme la
beauté du monde. Dans un roman, on raconte une histoire, on est mené par une
intrigue, accompagné de personnages différents. La prose romanesque permet
d’explorer de plus larges territoires, de s’intéresser en profondeur à la
psychologie, aux portraits de personnages, ce qui n’empêche pas parfois d’avoir
une écriture poétique qui permet des métaphores, des images et d’utiliser un
champ lexical dans des figures de style qui vont suggérer, connoter ou créer
d'autres associations. Ainsi les sons et les parfums se répondent et cela
n’empêche pas une certaine rigueur également dans la construction du roman.
Vous êtes
née en Côte d’Ivoire. Y a-t-il des éléments de votre enfance que l’on peut
transposer dans le personnage de Jasmine ?
Je suis née sur ce continent, j'ai donc eu une vie
très proche de la nature dans un pays où elle est florissante, une liberté
incroyable. J’ai en quelque sorte une double culture qui est une richesse inépuisable.
Effectivement, on pourrait retrouver en Jasmine l’essence de mon enfance…
Pourriez-vous
nous résumer en quelques lignes ce roman ?
C'est une histoire à deux voix, celle d'une femme
qui part pour l'Afrique à 16 ans, qui quitte tout derrière elle et va découvrir
un pays, une culture, faire des rencontres qui vont bouleverser le cours de sa
vie. C'est également l'histoire d'une petite fille née quelques années plus
tard et qui raconte ce qu'elle a ressenti, compris des événements et qui
recherche son identité, car un secret entoure sa naissance.
Quel
fut l’élément déclencheur de ce roman ?
Je le portais en moi depuis longtemps, alors je me
suis intéressée aux années 50 où de nombreux Français partaient rejoindre le
continent africain. À la fin des années 1950, ce pays côtier est la colonie la
plus riche de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.), grâce aux cultures de
cacao et de café. On pouvait recenser des hectares de caféières appartenant
pour les huit dixièmes à des sociétés, à des particuliers européens ou à des
habitants. Dès que tous comprirent que l’installation d’une plantation de café
rapportait, ils se mirent à défricher pour installer des caféières, même dans
des régions où l’on n’avait jamais pratiqué que la cueillette.
Je suis née dans cette partie de l'Afrique, un peu
plus tard dans les années 60 et j'ai voulu offrir un hommage à mon pays natal.
Les années 50, c'était aussi une certaine liberté... J'ai voulu faire un
parallèle entre l'enfance des pays européens et celle des mamans africaines, le
respect des anciens, la culture et les traditions. Différence aussi entre la
mère biologique, la mère d'adoption ou celle qu'on peut se choisir. La difficulté
d'être mère pour toutes sortes de raison et la faculté de l'enfance à pouvoir
se sortir parfois de situations difficiles...
C'est aussi un roman sur les rapports mère-fille,
les secrets de naissance et l'enfance si spontanée tout simplement. Je m'y intéresse
depuis toujours et grâce à mon métier de ces dernières années où je me suis
occupée d'enfants en difficulté. J’ai moi-même trois enfants. J’ai brossé des
portraits psychologiques différents et j’ai écrit des scènes qui s'emboîtent
les unes dans les autres autour d'un arbre, témoin et maître du domaine où se
passe l'histoire.
Y aura-t-il
une suite avec Jasmine de retour en France ?
Plusieurs personnes me l’ont suggéré, la porte
n’est pas fermée… Pour le moment, j’ai d’autres projets en cours mais tout peut
arriver.
Écrivaine
du matin ou du soir ?
Il n’y a
pas vraiment d’horaire pour moi. J’écris dès que j’ai le temps. Cela
peut-être à n’importe quelle heure du jour, souvent également en soirée quand
l’inspiration est au rendez-vous et parfois même la nuit, car les personnages
d’un roman ne se tiennent pas toujours tranquilles et vous réservent des
surprises en vous réveillant !
Seriez-vous
tentée par la littérature jeunesse (conte illustré ou roman) ?
Oui, j’ai déjà eu la chance d’avoir un album publié
en littérature jeunesse. J’ai effectivement d’autres projets en cours
d’écriture dont un roman pour des plus jeunes.
Et
vos projets à venir ?
Un roman historique en recherche d’édition,
d’autres romans en cours, des nouvelles, une enquête à mener avec un détective
privé. Somme toute, l’écriture plus que jamais…
© Entretien, Denis Morin, Béatrix Delarue, 2020
Photo couleur,
Clotilde Delarue, 2020
Photo noir et
blanc, Basile Delarue, 2020
Votre puissance de travail est sans limites Denis 💯 A. Louisfert
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