lundi 21 octobre 2019

Deux dates sur une pierre de Josette Hersent






Peu de gens savent aborder le deuil avec délicatesse, tendresse, sans mot superflu, comme le firent Victor Hugo avec Les contemplations, Anne Philippe avec Le temps d’un soupir, Gabriel Zimmermann avec Depuis la cendre. Josette Hersent le fait tout aussi brillamment.

Ainsi, elle publiait en 2013 aux Éditions du Chameau le recueil Deux dates sur une pierre, une suite à Blaise ou la symphonie inachevée, recueil paru en 2009. J’avais fait un billet à ce propos.

Dans ces deux livres, elle nous entretient de son lien maternel face à Blaise Hersent-Lechâtreux (1970-2006), jeune diplômé, enseignant, fondateur du Parti Blanc pour signaler son refus de voter, musicien, plus précisément pianiste.

Ce qui me frappe le plus dans l’écriture de Josette Hersent, c’est la fluidité du style. Elle n’impose pas son deuil. Elle nous le partage en évoquant la vie de son fils. Elle nous raconte ce fils porté, chéri, aimé comme ses autres enfants tout bonnement. Elle pleure ce départ précipité. Elle dépeint les joies de la maternité et de l’enfance qui s’éveillait à la vie sous ses yeux, l’élève brillant, le frère et l’ami bien-aimé, l’oncle complice, le musicien.

On voit la poète qui, au cimetière communal, va saluer son frère, mort jeune adulte, le temps d’un Ave, avant d’aller visiter Blaise à quelques pas de là, dans une même allée, membres d’une même famille ici-bas, membres d’une même famille dans l’au-delà.

Somme toute, c’est en lisant la mère que je redécouvre son fils si attachant, si brillant. Sous les mots délicats et précis de Josette, j’entends Blaise jouer au piano pour exprimer sa joie d’être là, même à distance. Sa mère lui parle et Blaise nous répond, présent. Magnifique !

Extraits :

« Je ferme doucement, les yeux, et je te vois…
Assis à ton piano, sur ses touches… tes doigts…
Légers vifs à la fois ou doux comme caresse
Glissant sur une étude ou se jouant de tristesse… »

« C’était à ce moment où le manque creusait
En dedans de mon ventre un douloureux abcès
Souviens-toi, m’as-tu dit, du garçon, du bébé…
Qui a laissé la place à l’homme que j’étais…
Ce garçon, ce bébé, tu ne l’as pas pleuré
Chaque étape de vie, le faisait évoluer
Quand tu ne le « voyais » plus, pourtant il était…
Et mon âme, aujourd’hui, elle, ne t’a pas quittée. »

© Photo, texte du billet,
    sauf les mots de Josette Hersent et de Blaise,

    Denis Morin, 2019

4 commentaires:

  1. Vous avez saisi, avec intelligence et sensibilité, ce que seule la poésie peut traduire d'indicible dans le domaine particulièrement sensible de la perte d'un être cher. Merci pour vos mots délicats, merci beaucoup. Josette Hersent.

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    1. Chère Josette,
      Quand je lis un roman, un essai, du théâtre, c'est la tête qui décode, mais quand je lis de la poésie, j'y vais au flair.
      J'ai lu vos mots tout en entendant Blaise au piano.
      Surtout, n'arrêtez jamais d'écrire. Denis Morin

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  2. Très heureux de connaître cette auteure dont ses mots ne cessent de capturer chaque jour mon attention... Merci beaucoup pour cette découverte et ce grand partage Denis !

    Amicalement et poétiquement,
    Stéphane Kabamba

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    1. Bonjour Stéphane,
      Je tente d'attirer la lumière des projecteurs sur des artistes qui ne reçoivent pas l'attention des grands journaux.
      Au plaisir Stéphane !
      Cordialement,
      Denis Morin

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