Au moment de me procurer Cardinal Song,
le titre me faisait penser à la musique et à une boussole dont on a besoin
pour se guider et obtenir par le fait même des repères.
Ouvrons la couverture de ce premier roman écrit par
Vincent Giudicelli, écrivain, comédien et critique musical, et publié en 2017 à
Montréal chez Annika Parance Éditeur. Ce superbe livre est construit à la
manière d’un road movie. Ça bouge et ça déplace de l’air. Tout tourne autour du
déracinement et du besoin d’enracinement des êtres.
Un narrateur hérite de ses parents d’une propriété
dans le 11e arrondissement à Paris. Il s’y ennuie. La routine de la
classe moyenne. Ce n’est pas pour lui. Il préfère les rumeurs du Périphérique à
la tranquillité balisée, encadrée. Il cherche à protéger Marie, son amoureuse, contre elle-même et son mal-être. Il est son pare-chocs.
Marie, sa flamme, peintre, crée mais ne s’aime pas,
se détruit, mais veut se réparer. Elle attire et fascine les autres comme elle
les repousse. Elle est blessée de ne pas avoir connu son père. Elle fuit, revient
et repart, ne laissant qu’une note, un murmure, quand elle prévient.
Sara, la mère de Marie, est un être tordu et toxique.
Elle ment comme elle respire. Rien ne compte, sauf l’image lisse sur la glace et
la ronde des amants.
Norman, technicien de son, a connu en tournée les
grands rockeurs et produit à présent des émissions de radio. Il attend Laura, ça
le ronge par l’intérieur et ça lui consume sa ligne de vie. Il est copain du narrateur
et plus tard de Marie.
Puis, Laura, la mystérieuse animatrice de radio,
dont la vie alterne entre le studio et les aéroports. Elle joue du désir comme
on joue du saxophone langoureusement.
L’auteur nous fait voyager. Les lieux défilent :
Paris, Tunis, Hanoï, Los Angeles, Las Vegas, la Côte d’Azur.
Lors de la lecture, l'auteur nous invite à nous poser les questions
suivantes :
Faut-il faire le tour du monde pour comprendre ses
origines et balayer du revers de la main les mensonges du passé ?
Faut-il toujours se quitter pour éviter l’embrasement
et les aveux ?
Peut-on être nous-mêmes sans toujours être les
enfants ou l’employé de quelqu’un ?
Faut-il vivre par procuration en écoutant des
disques ou en peignant des tableaux ?
Peut-on aimer sans se blesser impunément ?
Vous le saurez en lisant le roman Cardinal
Song de Vincent Giudicelli. J’ai fait un sacré beau tour du monde,
grâce à lui. À votre tour, maintenant.
Extraits :
«
Je laissais mes bras se reposer, le temps que la tétanie les abandonne. C’était
comme s’ils avaient trop tenu Marie. Sans doute aussi s’en voulaient-ils de ne
pas avoir su la retenir. J’y retournerais, je crawlais à nouveau et le son de l’eau
qui bruissait à mes oreilles était pareil aux respirations de deux amants. »
« Au
matin, les yeux rougis par la fatigue et les larmes, Norman était revenu à la
radio et avait trouvé Marie dans son bureau. Elle s’apprêtait à partir.
Rattrapé par son instinct et le souvenir encore clair de la voix si
particulière de Marie, il lui avait confié le classeur de Laura en lui
demandant de réfléchir et de l’appeler dans la journée, si possible avant midi.
«
Réfléchir, c’est ce qu’elle avait fait aujourd’hui, perdue dans son silence
bien à elle, dans ses pensées, perdue dans les mots de Laura qu’elle lisait et
relisait, Laura dont à lui seul le nom évoquait désormais l’absence pure, une
absence de père avec laquelle elle avait toujours vécu, mais qui, ce soir, cognait
dans chaque recoin de son âme. »
«
Mon seul ami était devenu celui de Marie. Avec nos caractères de sauvages, il
ne pouvait pas en être autrement. C’est une des choses que l’âge nous enseigne :
ne pas s’emmerder avec ceux qui ne nous ressemblent pas. Entre sauvages, on se
reconnaît. »
© Photo,
billet,
sauf les extraits de l’auteur,
Denis Morin, 2019
Félicitations.
RépondreEffacerSuper ! C'est gentil. Bonne journée.
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