Le
théâtre québécois aborde à l’occasion les biographies de personnages illustres
et singuliers. Je me souviens avoir vu la pièce de Jovette Marchessault, autrice,
peintre et féministe (1938-2012) intitulé Le voyage magnifique d’Emily
Carr (pièce montée en 1990 sur cette peintre canadienne connue pour ses paysages de l'Ouest canadien et ses références aux Premières Nations). C’était fabuleux.
Le
Théâtre du Nouveau Monde à Montréal avait eu l’idée fabuleuse de monter en 2012
la pièce de théâtre Christine, la reine-garçon du dramaturge québécois
Michel Marc Bouchard. Ce texte exquis fut publié la même année aux Éditions
Leméac.
Rappelons
que Christine de Suède (1626-1689) était autant à l’aise à côtoyer les militaires,
à forcer la main de belligérants pour la signature d’un traité de paix que de
discuter avec Descartes des questions d’ordre philosophique.
Partagée
entre le devoir d’état et le tourment amoureux suscité par sa belle dame de
compagnie, Christine préféra choisir sa vie plutôt que de la subir. Féministe
avant l’heure, elle sut s’entourer d’artistes et de penseurs.
Je regrette
de n’avoir pas vu cette pièce au théâtre. Par contre, je me reprends ici en lisant des dialogues savoureux et brillants. Voici un livre à avoir dans sa bibliothèque pour qui
aime l’histoire et le théâtre.
Extrait :
« CHRISTINE. Toutes ces paroles assourdissantes
posées sur des chiffons ! Les soins que vous apportez à votre personne.
Les précautions à votre peau. Et tous vos gestes délicats, si délicats…
Comtesse Sparre, vous représentez en tous points ce que je déteste chez les
femmes. Leur besoin insatiable de plaire ! Cette habitude de n’exister que
dans le regard d’un tiers. Et que dire de cette absence totale d’assurance.
EBBA, blessée.
Je ne savais pas que je pouvais vous être déplaisante à ce point.
CHRISTINE.
Et moi, je ne sais comment vous le dire, et je ne sais comment me l’expliquer à
moi-même, mais je ne voudrais pour rien au monde que vous changiez quoi que ce
soit à votre personne. Pour rien au monde. Que vos gestes délicats le demeurent !
Parlez chiffons comme on fait des poèmes, breloques comme on fait des hymnes.
Et là, je ne sais ce qui m’arrive, mais j’ai l’envie soudaine de dévorer un
gros gigot. »
© Photo, texte du billet,
sauf l’extrait de Michel Marc Bouchard,
Denis Morin, 2919
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