dimanche 24 mars 2019

Entretien avec Mireille Gagné



Cette écrivaine possède deux pôles créatifs : la poésie et la nouvelle. Aucun mot de trop pour toucher le coeur et l'esprit. Voyons ce qu'elle a à nous dire.


Comment vous est venu le goût d’écrire ?

J’ai d’abord toujours aimé beaucoup la lecture. Depuis que j’ai appris à lire, je dévore pas mal tout ce qui me tombe sous la main. Je lis presque à 100 % de la littérature québécoise. J’ai écrit de la poésie à partir du cégep. J’ai ensuite commencé l’écriture de la nouvelle à l’université et j’ai publié mes premiers recueils de nouvelles et de poésie alors que j’avais 28 ans.

Est-ce le sujet qui appelle la forme (nouvelle, poésie) ?

Ce sont effectivement les premières phrases qui me viennent en tête qui appellent la forme du texte. Si j’ai une phrase poétique, ce sera de la poésie; si c’est une idée plus conceptuelle, ce sera sans doute une nouvelle. Mais il est certain que mes nouvelles sont très poétiques et que ma poésie est souvent très narrative. Les deux formes se suivent de près.

Mireille l’écrivaine est-elle si différente de Mireille de la ‘’vie ordinaire’’ ?

Je crois qu’elles sont extrêmement différentes, car elles ne se côtoient que très rarement dans la vie quotidienne. Mais la nature les unit. C’est la passerelle entre les univers, un premier très pratique, et un second plus métaphorique.

Le territoire est très présent dans vos écrits, dans quel lieu physique ou psychologique écrivez-vous ?

J’ai deux lieux d’écriture dans ma tête. Le premier : je suis assise à l’Île aux grues au beau milieu d’un petit chemin qui mène à la grève. C’est une colline entourée de champs de trèfle. C’est un territoire que je connais très bien pour y avoir passé mon enfance. Le second : il est arrivé plus tard dans ma vie. C’est un lieu en plein cœur de la ville, à Québec, en face de Place Laurier, dans un abri d’autobus. Il est aux antipodes de ma jeunesse à la campagne, soit la ville. Il représente le quotidien effréné qui me poursuit.

Votre écriture est précise, d’une précision chirurgicale, avez-vous déjà songé aux sciences, aux mathématiques, à la musique classique ?

J’ai étudié en informatique de gestion au cégep. Malgré que je n’aimais pas vraiment ce domaine, je remarque qu’il puisait dans une de mes forces, celle de la raison et de l’équilibre. Le nombre de poèmes, la division du recueil, la conceptualisation derrière, la rythmique des mots…  Le fait qu’il ne reste jamais un mot de trop dans mes textes, cela répond à mon esprit cartésien. Je dois toutefois faire très attention de mettre en veilleuse cette caractéristique dans mon processus de création et de la faire intervenir seulement vers la fin, sinon je n’arriverais jamais à créer.

Avez-vous ou non un rituel d’écriture ?

Je n’ai aucun rituel d’écriture. Comme je travaille à temps plein et que j’ai des enfants en bas âge, je prends l’écriture quand elle passe. S’il faut que j’écrive sur une facture d’épicerie, je le fais. J’essaie de trouver un peu de temps par-ci par-là, mais quand l’inspiration arrive, c’est comme un tsunami, je dois mettre sur papier les idées sinon je les perds.

Écrire, c’est être libre. Qu’en pensez-vous ?

Particulièrement pour moi, écrire représente la liberté, car c’est le temps que je me donne pour exister en dehors du quotidien. C’est comme une vie parallèle qui se crée à mes côtés.

Avez-vous déjà songé à écrire un polar ou un scénario de film ?

J’aimerais bien écrire un scénario de film. On m’a dit à plusieurs reprises que mon écriture était très imagée. J’ai un projet potentiel avec un ami cinéaste, un retour sur mon recueil de nouvelles Le syndrome de takotsubo. À suivre…

Comment décririez-vous votre écriture en cinq mots ?

Je vise à ce que mon écriture soit le plus possible : concise, profonde, lumineuse, réflexive, innovante.

Qu’évoque l’œuvre Hommage à Rosa Luxembourg de Riopelle ?

Cette œuvre représente pour moi la liberté, la force, le chaos et l’équilibre parfaits de la nature, la migration, la chasse, la création, mon père. C’est une œuvre magnifique, c’est un recueil de poésie en soi. On pourrait y faire des millions de lectures. Elle me touche particulièrement, car mon père a connu Riopelle alors qu’il était guide de chasse et cette œuvre me donne accès à son univers et à sa beauté.

La lumière surgit-elle au-delà de l’apparent chaos du monde, à la manière des portraits de Rembrandt ?

Je crois que pour prendre conscience de la lumière, il faut creuser dans l’ombre et dans le chaos. Alors surgit la lumière dans toute sa profondeur.

D’autres projets en vue ?

Je suis en train d’écrire un 4e recueil de poésie, sur la légèreté cette fois. Je ne sais pas encore quelle forme il va prendre, mais quelques personnages ont surgi… d’autres restent à venir. Je laisse le tout prendre forme tranquillement.

© Photo, Denis Morin, 2019
    Entretien, Denis Morin, Mireille Gagné, 2019

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