mardi 8 mai 2018

Les adieux de René Lapierre




Réné Lapierre est poète, romancier et essayiste. Avec ce recueil de poésie Les adieux, publié en 2017 chez Les herbes rouges, il s’est mérité le Grand Prix du Livre de Montréal 2017.  En 2018, il était finaliste pour le Prix des libraires du Québec.

Changement de registre, je ne vous apprendrai rien en vous disant que la vie nous fait vivre des boucles, dessiner des ronds dans l’eau.  Nous sommes liés les uns aux autres que nous en soyons conscients ou non.  Aujourd’hui, je m’amuse à écrire un billet de lecture sur l’œuvre d’un homme qui fut un jour mon professeur de lettres…

En 1982-1983, je suivais un cours de littérature québécoise donné par un certain René Lapierre à l’Université du Québec à Montréal.   Nous eûmes à rédiger un commentaire sur le roman Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais, œuvre moderne mais qui m’avait tellement ennuyé vu mon jeune âge.  J’avais écrit à propos d’un personnage féminin qui avait eu plus d’une douzaine d’enfants, « elle et son troupeau d’enfants ».  J’étais dépassé du fait que des femmes du début du XXe purent accoucher en des conditions si misérables.  À son tour, il fut agacé et avec raison par mon apparente arrogance, même si je ne voulus pas jouer la provocation.

Voilà maintenant que je suis profondément troublé, choqué, secoué, ému par ce recueil.  Je connaissais l’enseignant érudit, calme, patient, mais je découvre ici un poète tourmenté qui dénonce sans aucune censure les injustices et les abus survenus ici et là, au Moyen-Âge, lors de la colonisation en Nouvelle-France, et à des époques plus récentes.  Des extraits d’archives appuient et illustrent encore davantage son propos.  Il entrecoupe le tout de réflexions sur lui-même, sa famille.

Voici quelques passages vous donnant le ton éclaté et percutant…

Un exemple de dénonciation :

« Couchés sur les petits en travers des décombres
couchés avec les morts, les soumis, les affamés.
Avec les fous que nous affolons
avec les durs, les macabres
nous brûlons. »


Un moment de spleen :

« Le malheur me pesait, mais les fleurs
sentaient bon.  Je me trouvais inhumain
de les aimer, d’aimer –
                   leur douceur, et avec elle le tourment qui me consumait. »


                Un rare moment d’accalmie :

« J’ai aussi pensé à la paix
d’une petite chapelle du XVIIIe siècle
                  dont le nom signifiait joie, ou bienfait. »


                  Un instant exaltant et créatif :

 « Alpha du Centaure A, une naine jaune
semblable au Soleil
approchait la note mi ;  la fréquence pure (632 Hz)
de l’étoile montre aujourd’hui
un spectre jonquille avec un centre blanc. »

À lire absolument, si les injustices de ce monde vous horripilent, vous donnent de l’urticaire.
À ne pas lire, si vous souffrez de dépression.

Happy end pour clore ce magnifique recueil :
« Un jour le temps
se fondit
dans le temps.
Le vide
s’illumina.  Toute matière
devint amour. »

© texte et photo, Denis Morin, 2018

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