dimanche 3 novembre 2024

Au violon de Jean-Marc Beausoleil

 

Les coïncidences sont bien amusantes. Ainsi, le même jour où je mentionnais à l’écrivain et professeur Jean-Marc Beausoleil l’existence d’un programme de bibliothèque mobile dans les centres-jeunesse du Québec organisé par la BAnQ, l’auteur me propose la lecture de son récit sur la lecture et la délinquance.

Quelques jours plus tard, je reçois un exemplaire d’Au violon par la poste publié chez Somme Toute. Pour ceux et celles qui ne le savent pas, l’expression « mettre au violon » que je ne connaissais pas signifie incarcérer un individu. Les cordes de l’instrument étant métaphoriquement les barreaux de la prison.

Dans cette autofiction, l’auteur alterne d’un chapitre à l’autre entre son adolescence quelque peu tumultueuse et sa démarche d’animateur littéraire en milieu carcéral. Le tout est livré sans fausse pudeur. J’ai parcouru son livre page après page, voyeur empathique à sa quête existentielle.

Et si la littérature et le journalisme se transformaient en bouées de sauvetage pour certain.ne.s d’entre nous ? Peut-on puiser dans les mots lus et écrits une matière à sa propre salvation ? Je confirme et je partage ce même point de vue avec Jean-Marc Beausoleil.

Merci pour l’authenticité et l’audace ! À lire évidemment.

Extrait :

« Dans le métro, sur des conteneurs à déchets, des boîtes aux lettres, sur la porte arrière des commerces, je scribouillais des phrases de Céline, de Blaise Cendras ou d’Henri Miller. J’avançais comme je pouvais dans le labyrinthe de la bibliothèque et de la vie. »


dimanche 27 octobre 2024

La petite fille du Lebensborn de Annie Lavoie

 

Annie Lavoie habitant dans les Laurentides fait paraître aux Éditons de la Pleine Lune dans la collection Plume le roman La petite fille du Lebensborn

Ce thème nous est étranger au Québec. Le lebensborn consiste en une association de maternités fondée par Henrich Himmler dans le but de développer une race aryenne. Des mères y accouchaient et des enfants arraché.e.s à leurs familles y attendaient d’être adopté.e.s tout en subissant un endoctrinement et l’apprentissage de la langue de Goethe.

En 1943, la jeune danoise Annaliese Andersen, blonde aux yeux bleus, se fait enlever pour être amenée dans un lebensborn en Belgique, puis dans un autre en France.

L’intérêt de cet émouvant roman réside en l’alternance du vécu de l’enfant durant la Seconde Guerre mondiale et son vécu de dame âgée en 2013 qui accompagne sa curieuse petite-fille Mia sur le point d’accoucher.

Est-ce que la courte-pointe d’Annaliese décrit des scènes de sa vie ? Jusqu’où Mia découvrira-t-elle le passé de sa grand-mère ? Par pudeur, peut-on tout dévoiler ? Une vie s’estompe, tandis qu’une nouvelle Annaliese est sur le point de naître. L’aïeule et sa descendante auront-elles le temps de tout se dire ?

C’est ce que vous saurez en lisant ce roman que je vous recommande chaleureusement.


dimanche 1 septembre 2024

Les jambes qui dansaient sous la neige d'Alain Chaperon

 

J’ai d’abord été intrigué par la couverture de ce livre et par le titre original, Les jambes qui dansaient sous la neige. Ça me semblait amusant et tragique tout à la fois. Alain Chaperon, professeur de français et de théâtre, a publié chez Les Éditions Sémaphore ce roman aux allures quelque peu fantaisistes.

Pour cette histoire bien menée, l’auteur met en présence un couple qui a perdu un enfant en bas âge. Puis, la vie fait surgir au berceau un deuxième enfant. Celui-là, la mort ne viendra pas l’arracher aux bras aimants des parents. Oh que non ! L’enfant grandit et devient un jeune homme ouvert, curieux, souhaitant vivre son existence comme bon lui semble.

Je me suis mis à penser à ces parents surprotecteurs qui veillent un peu trop sur leur progéniture. La plante à qui on prodigue trop de soins finit par étouffer. Pouvons-nous nous reconnaître dans ces parents bienveillants et maladroits ? Ou bien dans ce jeune qui ne rêve que de prendre ses jambes à son cou ? Que feriez-vous à leur place ? Quel rôle joueriez-vous ou avez-vous tenu dans votre propre famille ? C’est ce à quoi Alain Chaperon nous invite à réfléchir avec brio.

À lire évidemment.

Extrait :

« Rien ne se déroula comme prévu parce qu’Hugo vint bientôt le retrouver et les deux reprirent leur conversation là où elle s’était arrêtée. Bien vite cependant, Jérémy sentit qu’il tournait en rond avec Hugo. Il fallait qu’il aille ailleurs, qu’il prouve aux autres qu’il existait et faisait dorénavant partie de leur décor. »

 


dimanche 11 août 2024

Le petit astronaute de Jean-Paul Eid

 

En règle générale, je me concentre sur le roman, la nouvelle et la poésie. Ces derniers jours, on me met une bande dessinée entre les mains, en me lançant le défi de la savourer le temps d’une soirée. Ce défi fut accepté et relevé sans la moindre hésitation.

Il s’agit de l’album Le petit astronaute écrit et illustré brillamment par Jean-Paul Eid, paru en 2021 chez La Pastèque. Ce livre s’est mérité à raison les distinctions suivantes : Prix BD des collégiens, Prix BD des libraires, Prix ACBD, Prix du Salon du livre de Trois-Rivières.

Juliette se déplace un jour à bicyclette et revisite le quartier de son enfance. Profitant d’une visite libre de son ancienne maison familiale, tout lui revient à l’esprit : sa mère soucieuse du prochain contrat de travail et du développement inhabituel du deuxième enfant, son père classant sa collection de disques, sa complicité à l’égard de son frère Tom. Lors d'une consultation médicale, ses parents reçoivent le diagnostic foudroyant de la paralysie cérébrale. Juliette, alias Tourniquette, croit que son frère provient de l’espace. Elle dira qu’il est un astronaute. Le cadet sera prénommé Tom en référence à la chanson Major Tom de Bowie. Elle appuiera souvent sa tête contre celle de son frère pour lire dans ses pensées. 

Cette bd débordante d’amour me semble un excellent outil de sensibilisation aux handicaps et aux différences à diffuser en milieu scolaire comme auprès de la population.

Merci à l’auteur-illustrateur et à la maison d’édition pour ce bijou de bienveillance.

Extrait : « Personne ne pouvait me dire où vivent les bébés avant leur naissance. Je veux dire avant d’être sur les échographies, avant d’être dans le ventre des mamans, dans les rêves des parents… Avant d’être tout cour. C’est Tom qui me l’a appris. »

 

 

 

 


dimanche 14 juillet 2024

Un festin pour les chiens de François Gravel

 

À une autre époque, j’ai déjà eu 10 ans. Je lisais alors des Bob Morane du romancier belge Henri Vernes, juste avant de tomber dans les polars d’Agatha Christie.

L’autre jour, une libraire m’a dit que les enfants aiment encore le mystère. L’ancien enfant en moi voulait savoir dans quelle mesure. Elle m’a pointé la collection Noire de la courte échelle. En feuilletant Un festin pour les chiens de François Gravel, ancien professeur d’économie métamorphosé en écrivain, j’ai été séduit par les photos d’archives anciennes qui donnent des frissons d’horreur. Je suis reparti avec ce roman classé pour les 11 ans et +.

Le soir venu, j’ai lu d’une traite Un festin pour les chiens. Martin, 13 ans, orphelin, parvient à dissocier son esprit de son corps. Docteur Thomas, le médecin rattaché à l’institution, en parle à un mystérieux bourgeois qui adopte l’adolescent pour qu’il répète à nouveau cette séparation corps-esprit. Quel but est le but visé le vieil Asmodius qui tient prisonnier ce jeune pourvu de ce don ?

L’enfant en moi épris d’intrigues et d’histoires a apprécié grandement cette lecture, autant bonne pour les jeunes que pour les grandes personnes.

Extrait :

« Il m’a fixé dans les yeux en me disant des mots d’une voix sifflante, et je me suis senti hypnotisé par le regard d’un serpent. Son rire n’avait rien de rassurant et les longs silences qui suivaient l’étaient encore moins. »

 

 

 

 

 


dimanche 7 juillet 2024

J'ai tué le soldat Ryan de Françoise Cliche

 

De prime abord, j’ai été surpris et amusé par le titre J’ai tué le soldat Ryan, soit le contrepied à Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg. D’emblée, je me suis dit que Françoise Cliche était dotée d’humour et d’un esprit fin, ce qui est le cas. Son roman précédent s’intitulait Cimetière avec vue. Plus mordant que ça, je meurs.

L’origami de la couverture me ramenait aux pliages de papier de mon enfance dotés de chiffres que l’on actionnait pour accéder à des messages.

Ce roman paru en 2024 aux Éditions de la Pleine Lune, dans la collection Plume, met en scène une dénommée Gabrielle Morin, épouse, mère, grand-mère, menacée sur Facebook par une certaine Élodie. Voilà que les rivalités anciennes remontent en surface. L’enfance tumultueuse de 1955 à 1970 et les jeux cruels la hantent de jour comme de nuit. Qui a fait plus souffrir qui ? La gamine de milieu modeste ou sa voisine petite-bourgeoise ? Gabrielle devra se rendre dans le Maine pour dénouer le passé.

Au-delà d’une lecture où l’autrice fait preuve de maîtrise dans cette plongée dans le passé et de bienveillance envers ses personnages, ce livre m’a permis de me poser certaines questions.

Restons-nous toujours l’enfant d’hier ? Sommes-nous notre pire ennemi avec nos doutes perpétuels ? Peut-on s’accorder une rédemption pour des gestes commis autrefois ? Arrive-t-on à prendre de l’altitude par rapport au passé ? Parvient-on à une bienveillance sincère au fil des années, envers soi et les autres ?

À l’heure où le harcèlement et l’intimidation ont dépassé la cour d’école pour se transporter sur les réseaux sociaux et dans les milieux de travail toxiques, ce roman arrive à point. À lire, évidemment.

Extrait :

« Un drone inventé me survole, filme la scène et la projette quelque part dans mon imagination. Moi, debout, et mon partenaire de discussion, couché à mes pieds, enterré sous un mètre de terre. Charmant tête-à-tête ! D’autant plus qu’il y a 53 ans entre nous deux. Il faudrait que je crie pour qu’il m’entende. »


lundi 20 mai 2024

Tant d'hivers de François Marcotte

 

Tant d’hivers écrit par François Marcotte vient de paraître aux Éditions Sémaphore et est le 6e de la collection Sémaphore Mobile. C’est le première œuvre littéraire québécoise qui fut élaborée grâce à un logiciel de reconnaissance vocale. Voilà une belle audace qui ouvre de nouveaux horizons aux écrivain.e.s !

Personnellement, je suis ambivalent face à cette saison faite de beauté et de misère, de froid en dehors et de chaud en dedans, de la légèreté des flocons à la lourdeur des vêtements.

L’auteur lui s’est toujours réjoui de cette saison qui l’a toujours émerveillé. Il nous livre ici ce récit biographique agrémenté de photographies aux allures de gravures anciennes. Nous sommes dans la chronique authentique de ses hivers. 

Il y a les hivers d’avant, ceux de l’enfance émerveillée et de séjours chez la grand-mère et les oncles à Kamouraska quand le poêle à bois Bélanger réchauffait peu à peu la maison alors que les vents venus du fleuve frappaient de plein fouet la toiture de la maison ancestrale. Il y a ceux des premiers émois amoureux où le corps et le cœur désirent et s’émeuvent. Il y a ces temps des rêves à Prague et des études à Montréal.

Il y a les hivers d’après, ceux « des hivers dans sa tête » selon le dire des médecins consultés, ceux de la perte progressive de sa motricité, ceux où on s’abandonne aux bons soins de sa mère et d’un aide-soignant, ceux où on se bat contre une bureaucratie dépourvue visiblement d’empathie, ceux où le père nous encourage à poursuivre l’aventure de l’écriture, ceux d’où on admire rêveur les trois épinettes effilées de sa fenêtre.

Tant d’hivers est un excellent exemple de l’écrivain résilient confiné dans son corps, mais aucunement dans sa tête. Je lui souhaite vivement de continuer d’écrire.

Extrait :

« Le bel hiver était la toile maîtresse de ma nostalgie. Un jeune homme emmitouflé, coiffé d’un casque de poils, est debout dans un désert de neige. Son regard est absent et son visage impassible est brouillé par des flocons. Il est enfermé dans sa solitude. (…) Le jeune homme, c’était moi, le fleuve, le champ de la Maison Blanche. Que Jean Paul Lemieux dans l’au-delà me pardonne le sacrilège d’usurper son œuvre. Je m’y projette, m’y peins. Je suis debout. »

 


mercredi 17 avril 2024

Corsaire d'hiver de Jean-Marc Beausoleil

 

L’écrivain Jean-Marc Beausoleil nous amène souvent là où on ne l’attend pas. C’est ce qui me motive à suivre son parcours.

Par le passé, il s’est intéressé au jazz via le personnage de Jelly Roll Morton, le nom de scène de Ferdinand Joseph Lamothe, dans son roman Docteur Jazz, en plus de brosser des portraits de la diaspora haïtienne à Montréal dans Créole Blues et d’écrire la biographie, La marque de Zïlon.

Maintenant, nous passons à Corsaire d’hiver paru en 2019 chez Les Éditions Sémaphore qui évoque le flamboyant Pierre Le Moyne d’Iberville, ce héros de la Nouvelle-France. Dans un contexte de travail, j’eus à m’intéresser à sa cousine la recluse de Ville-Marie, Jeanne Le Ber. Il m’a semblé inévitable de tomber sur un livre traitant de ce proche parent. Tout est dans tout dans nos vies comme autant de cercles concentriques sur l’onde après la chute d’un caillou.

Dans Corsaire d’hiver paru en 2019, l’écrivain Jean-Marc Beausoleil nous a concocté une heureuse recette. Le narrateur Raoul Dagenais, chorégraphe de combat, veut écrire un livre sur l’escrime, quand il se fait approcher par un mystérieux producteur de cinéma d’origine russe pour entraîner l’acteur qui aura à incarner le personnage de Pierre Le Moyne d’Iberville. Raoul Dagenais accepte ce nouveau défi, mais jusqu'où cela le mènera-t-il ?

En excellent pédagogue qu’il est, Jean-Marc Beausoleil nous livre avec une grande maîtrise ces deux sujets : l’escrime et Pierre Le Moyne d’Iberville.

Derrière le nom des rues et des boulevards dorment d’illustres oubliés qui valent la peine qu’on s’intéresse encore à eux et à elles.

Ce roman instructif et humoristique à lire, je vous le recommande.

Bonne lecture !


mercredi 6 mars 2024

Billets de Contrebande (Inédits) de Alain Cadéo

 


Un matin, j’insère ma clef à mon casier postal de la boîte communautaire au coin de la rue, je me dis qu’encore et toujours des factures m’attendent, puis ô surprise voilà une enveloppe comme une invitation à l’évasion et au voyage.

De retour à la maison, je l’ouvre, ravi d’y trouver Billets de Contrebande (Inédits) d’Alain Cadéo qui vient de paraître chez Éditions La Trace, une maison pour des plumes singulières.

Il y a chez cet écrivain un mélange fascinant de l’homme taciturne et de l’enfant émerveillé d’une fleur à peine éclose et d’une tartelette douce-amère au cassis. Bref, il s’enchante des simples choses comme de la magnificence de la vie.

C’est justement cette capacité de s’élever au-dessus de la mêlée qu’a Alain Cadéo qui me questionne sur la résilience et la rigueur de l’écrivain solitaire, se tenant loin de la cohue des villes. Préférant le sifflement du vent au babillage des hommes, il écrit dès l’aube ou presque ses réflexions, accompagné des effluves du café noir.

Maintenant, j’ouvre la couverture bleu sarcelle avec cette bordure hachurée comme si on avait déchiré un feuillet, puis je plonge et me délecte au gré des pages. Il n’y a pas de chapitres à proprement parler, juste des réflexions lumineuses sur l’écriture, la vie, sur nous les êtres humains qui sommes des passagers dans le temps qui nous est alloué. Le Verbe prime et tout segment de texte se veut comme l’équilibriste sur son fil de fer. J’avance dans ces réflexions ponctuées de mots-repères comme les bornes d’une route empruntée. Je m’éloigne, je prends la pause entre deux segments, je me rassasie et j’étanche ma soif.

Alain Cadéo s’accuse lui-même de tout oublier. Tant mieux s’il bénéficie de la grâce de l’oubli. Parfois, ça peut être salutaire. En revanche, ce que je retiens de lui et de sa prose philosophique et poétique, c’est que lire du Alain Cadéo, c’est savoir entrer dans la fête.

Extrait : « Je suis la brosse et le pinceau entre les mains d’un peintre primitif secoué de visions, un barbouilleur tout d’intuitions avec des gestes incontrôlés… Je laisse courir les mots, mûrir et éclater comme bon il leur semble. Ils sont le pétillant, le vif et le sacré. Et tant que je serai récolteur de leurs braises, j’aurai tout le bonheur des improvisations. »

 

 


lundi 22 janvier 2024

Entretien avec Daniel Ducharme, éditeur et nouvelliste

 

Daniel Ducharme est un archiviste et un nouvelliste qui eut un jour l’inspiration de partir une maison d’édition, ELP. Aujourd’hui, il s’adresse à nous à propos de ses motivations.

Bonjour Daniel, comment l’écriture est-elle venue à vous ? 

Je ne me considère pas comme un écrivain, du moins pas comme un écrivain confirmé. En revanche, j’écris tous les jours et ce, depuis plusieurs années. Résultat : plus de 300 textes sur des blogues depuis 2013. Ma motivation ? J’ai du mal à la formuler, mais je constate que je suis plus heureux quand j’écris que quand je n’écris pas…

Quelle place occupe les livres dans votre vie ?

Très importante. Bien qu’issue d’une famille modeste, je lis depuis que je sais lire. Avec les années, les occupations et, surtout, les technologies qui représentent une source de distraction non négligeable, je lis moins qu’avant, mais je maintiens le rythme de trois à quatre livres par mois. Je lis presque exclusivement en numérique depuis 2011.

Comment amorcez-vous l’écriture d’un livre ?

Je n’arrive pas à trouver le souffle pour terminer un roman, de sorte que je me consacre surtout à l’écriture de textes courts, des nouvelles et des récits pour la plupart. Je suis un friand des applications de prise de notes, notamment de Standard Notes, un logiciel qui me permet d’écriture partout : sur mon téléphone, sur mon ordinateur et, surtout, sur n’importe lequel navigateur, ce qui est pratique quand je suis en déplacement. Sur cette application, donc, je note mes idées et quand j’ai un moment, je les développe pour en faire des microfictions. Mon recueil de nouvelles, publié en 2017 (La diversité de monde, ÉLP éditeur), compte 34 nouvelles toutes écrites sur un téléphone…

Comment choisissez-vous les livres que vous publiez ?

Ah ! Vous passez de l’auteur à l’éditeur…. Je suis un éditeur sérieux, c’est-à-dire que nous travaillons fort pour livrer des libres de qualité, tant les versions numériques (toutes validées par le consortium ePub Check) que papier, mais nous ne nous prenons pas nécessairement au sérieux. Personnellement, je juge nos grandes réussites quand je vois un de nos auteurs se faire publier dans une maison d’édition ayant pignon sur rue (un d’entre eux se fait publier au Seuil, notamment) après son passage chez nous. Je suis très fier que nous lui ayons donné sa première chance.  Quant au choix des ouvrages publiés, il s’appuie surtout sur l’originalité, le style, les sujets abordés. Tout repose sur le style, la fraîcheur du récit. Parfois, nous publions un ouvrage en raison de son originalité…. même s’il exige un travail considérable de relecture et de révision. Personnellement, je trouve les éditeurs québécois arrogants : ils ne prennent que du déjà mâché… se vantant de recevoir des centaines de manuscrits. Chez ÉLP éditeur, nous recevons aussi pas mal de manuscrits. Malheureusement, nous ne pouvons pas tous les publiés parce que nous sommes une équipe modeste. Mais si je pouvais…

Qu’est-ce qui caractérise la maison ELP par rapport à d’autres maisons ?

ÉLP éditeur est d’abord et avant tout une maison d’édition numérique et ce, depuis 2010. Sans doute une des premières maisons numériques au Québec.  Depuis quelques années, nous publions une version papier sur la plateforme Kindle Direct Publishing (KDP) d’Amazon, mais nous le faisons surtout pour accommoder les auteurs qui ont le privilège d’en commander des exemplaires au prix de l’éditeur pour eux-mêmes. En poésie, par exemple, c’est essentiel, car les auteurs vendent peu d’exemplaires numériques. Ils ont donc besoin d’exemplaires papiers pour participer aux nombreuses soirées de poésie de la région de Montréal. Donc, nous ne sommes pas une maison d’édition québécoise distribuée en librairie. D’ailleurs, nos auteurs sont surtout français, et notre plateforme de diffusion est française aussi. Au Québec, en 2011, les associations d’éditeurs ne souhaitaient pas l’émergence d’éditeurs 100% numériques. Nos ouvrages donc vendus au Québec en passant par la France…

Quelles en sont les principales collections ?

Nous avons une politique rédactionnelle assez claire et nos publications sont structurées en cinq collections : romans, nouvelles, poésie et essais. La cinquième collection – La malle aux trésors  est consacrée à l’édition de textes libres de droit, souvent des classiques oubliées de la littérature française. Nous n’avons pas de collections de genre (science-fiction, policier, érotique, etc.), et il s’agit d’un choix délibéré.

Quel est le lectorat de la maison ELP ?

Je ne saurais vous dire. L’auteur qui vent le plus d’ouvrages (des milliers jusqu’à maintenant) écrit des romans de type punk trash dont j’ai moi-même de la difficulté à lire tellement ils me font peur ! Il s’agit pourtant d’une jeune dame très gentille… Mais elle est unique en son genre. Depuis quelques années, je me rends compte que nos essais trouvent plus de lecteurs que nos ouvrages de fiction.

Quel genre de lecteur êtes-vous ?

Je lis en fonction du hasard à quelques exceptions près. Par exemple, depuis quelques années, j’ai entrepris de lire La Comédie humaine de Balzac d’un couvert à l’autre. Je lis aussi de la littérature populaire de façon régulière, notamment Alexandre Dumas dont je suis un fan. Pour le reste, je lis en fonction des circonstances, comme sous les recommandations d’un ami, d’un journaliste, etc.

Y a-t-il un livre que vous auriez aimé avoir écrit ou publié ?

À la recherche du temps perdu… de ce Proust qui a bercé le début de l’âge adulte et dont je ne me lasse jamais.

Merci Daniel pour cet entretien qui nous en a appris un peu plus sur vous et votre vision d’homme de lettres.

Tout le plaisir était pour moi.

 

ÉLP éditeur : https://www.elpediteur.com/

Daniel Ducharme – blogue :  https://danielducharme.net/ ; journal public : https://listed.to/@dducharme

 

© Photo, Daniel Ducharme; entretien, Denis Morin, Daniel Ducharme, 2024

 


lundi 27 novembre 2023

Bonne nuit, Lucette ! de Monique Le Maner

 


Monique Le Maner est une femme de lettres québécoise née à Paris. En 2023, est paru aux Éditions de la Pleine Lune le recueil de nouvelles Bonne nuit, Lucette !

Au gré des histoires, les personnages de Lucette et de Gaston reviennent nous visiter sous différents habits. C'est plein de finesse, d’humour, de sarcasme. À la lecture, j’ai parfois souri, le regard attendri. Je me suis remémoré ces anciens croisés au fil de mes jours.

Par le biais de ces nouvelles, j’y lis un réquisitoire contre l’exclusion sociale des personnes âgées et l'âgisme si tendance maintenant. On ne les voit plus. On les rend invisibles en les reléguant aux oubliettes ou au fond d’une allée d’un supermarché appuyées sur leur marchette. Finies les soirées en famille. À quoi bon ? Ces aînés meurent de solitude et d’ennui.

Pourtant, Lucette et Gaston méritent encore leur place au soleil et dans nos vies.

Extrait : 

« Mais vous savez, le pire, c’est que, en fait, ça fait des années que je n’ai plus le moindre client. Ceux-là, je me les raconte, je me dédouble devant le miroir, je me fais les questions et les réponses. »

© Photo, billet, sauf l’extrait de Monique Le Maner, Denis Morin, 2023