dimanche 5 octobre 2025

L'expérience Milena de Danielle Dussault

 

Danielle Dussault, femme de lettres et enseignante, s’intéresse dans son essai L’expérience Milena paru aux Éditions Hashtag à la journaliste Milena Jesenská (1896-1944) et à Franz Kafka (1883-1924). 

Notre autrice établit un parallèle entre Milena qui vécut une histoire d’amour passionnelle avec Kafka et elle-même autrefois une étudiante subjuguée par un professeur de littérature. Dans les deux cas, elles se virent confronter au refus de l’autre et durent se retrancher longtemps dans leurs blessures.

Dans ce très beau livre, on voit Danielle Dussault marcher par les rues de Prague, accompagnée d’une traductrice, à la recherche de Milena, tentant de décortiquer les méandres de la passion. Milena possédait l’audace de l’expression déterminée et franche, alors que Kafka se protégeait par une pudeur névrotique et paralysante.

Milena se résolut à détruire sa propre correspondance. Les traces de son passage ne restant que dans la mémoire d’un Kafka cloîtré et de leur ami commun, l’écrivain Max Brod, et puis dans les lettres de Kafka à Milena.

Bien des années plus tard, Margarete Buber-Neumann, compagne de détention au camp de Ravensbrück, écrira un vibrant hommage à Milena Jesenská. 

À son tour, Danielle Dussault a le grand mérite de faire émerger de l’ombre la figure fascinante et dynamique de la journaliste tchèque.

Danielle Dussault se questionne sur la propension des femmes, surtout des écrivaines, à disparaître, à brader la présence par l’oubli, comme si cet effacement s’avérait solution et baume face à des histoires inabouties et à la difficulté de vivre. Elle pense aussi à ce père longtemps distant, musicien et compositeur, disparu dont il ne lui reste que deux partitions.

Somme toute, l’écriture exige son tribut de silence pour créer, mais est-ce au point de l’estompement de soi-même ? 

Je recommande chaleureusement la lecture de cet essai. Un doux et beau voyage au coeur de Prague, de l'amour et de la littérature. 

Extrait : « Ces pages que j’avais brûlées me manquaient à présent. Je me souvenais seulement du crépitement des feuilles. Les morceaux de nuit s’envolaient dans l’âtre en voltigeant comme des papillons. »