dimanche 9 octobre 2022

Disparaître de Jacques Lemaire

Jacques Lemaire, issu du monde de l’enseignement, publie en 2022 chez Les Éditions Sémaphore ce recueil de nouvelles intitulé Disparaître.

Le nouvelliste peint des manières sur le comment disparaître aux yeux du monde, des autres, par la fugue, par la mort imposée, par l’oubli, l’itinérance. Le style est précis et les ambiances mystérieuses et glauques. Edgar Allan Poe n’est pas loin. Le prose est dramatique et prenante. Le lecteur en sera quelque peu ébranlé par la dureté de la vie. 

Par habitude, je lis avant le sommeil et certains personnages sont venus le hanter. Rassurez-vous, j’en suis sorti vivant à l’aube venue, malgré l’inquiétude d’un fusil sur la nuque ou d’une lame dont le fil effleure la carotide. Un cauchemar demeure toujours une tragédie. On se réveille en sursaut en pleine nuit, essoufflé par les itinéraires sans but apparent.

Par contre, il est de ces voyages dont on ne revient pas alerte et vif. La destinée des personnages présentées ne baigne pas dans la félicité la plus béate. L’auteur nous fait bien sentir la gravité des choses, le poids des actes commis, la conséquence, la fatalité, la mort telle une délivrance de soi à soi-même ou face à autrui. La neige en bord de fleuve et la mousse au pied des arbres peuvent-elles boire le sang versé et les larmes amères du regret ?

Somme toute, dans Disparaître, Jacques Lemaire prend le risque d’affronter les ombres et d’aborder la partie ténébreuse de nous-mêmes. C’est réussi et on en redemande.

Extraits :

« Le tatouage se poursuit, un point après l’autre, un pixel sur cet écran que je vous embrasser, mais non, je ne vais pas me laisser aller, je tiens à ma réputation, je sais ce que vaut l’honneur dans ce métier. Ce genre de folies que me tente aujourd’hui ne fait partie de mes habitudes. Pas une miette. Normalement, une peau c’est une peau, voilà tout. Cette fois-ci, c’est autre chose. »

« Je traverse d’autres rues, j’avance le long de terrains vagues, puis sur les passerelles au-dessus des autoroutes. À Notre-Dame, je tourne à droite et je m’enfonce dans les ruelles, vers le fleuve. Il n’y a plus personne sur les trottoirs. Tant mieux : je suis certain que la peine me tord la bouche et je ne veux pas qu’on s’apitoie. »

© Photo, texte du billet, sans les extraits de Jacques Lemaire, Denis Morin, 2022


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