lundi 14 février 2022

Toucher la terre ferme de Julia Kerninon

 

Chaque parution de Julia Kerninon est attendue comme on espère des instants de grâce. Ils sont au rendez-vous. Elle est docteur ès lettres. Une fois cela dit, l’érudite est dotée d’un talent indéniable cultivé, travaillé depuis longtemps. Certaines gamines apprennent le piano. Dans son cas, elle joue du clavier de machine à écrire depuis l’enfance. La musicalité des sons s’est transposée en textes habiles et sentis.

Ce récit autobiographique, Toucher la terre ferme, ne fait pas exception. J’oserais dire que c’est un livre sur les amours : celui de la grand-mère Kerninon, celui des parents hyper protecteurs, de ces mecs gonflés de désir mais qui vous laissent poste restante pendant des lunes, de ce gentil garçon qui répand du sirop sur les gaufres du matin et se transforme peu à peu en amoureux, puis celui des deux fils qui vont reconfigurer le cours des saisons.

Cet enracinement s’inscrit inévitablement dans le cycle de la vie et dans la douleur du corps. Est-ce que la romancière cohabite toujours bien au côté de l’épouse et de la mère ? Est-ce que la maternité correspond à une méthode toute tracée d’avance ? N’est-elle pas constituée de ces découvertes au quotidien qu’ont vécues auparavant d’autres femmes de la famille ? La nomade finira-t-elle par s’ancrer autour de sa famille naissante ? Lisez, lisez-la, pour en savoir davantage. Ne comptez pas sur moi pour vous livrer toutes les clefs déverrouillant les portes de sa demeure. Sa plume s’en chargera très bien.

Dans un premier temps, je vous invite tout simplement à ouvrir cet écrin rose corail et à parcourir l’itinéraire de l’écrivaine. Puis, dans votre enthousiasme certain, poussez votre curiosité un peu plus loin comme je l’ai fait en lisant tout le corpus littéraire de Julia Kerninon. Un écrivain de maintenant. Elle sera indémodable demain.

Extraits : 

« Une intéressante maxime de mon père : Ta liberté s’arrête là où commence celle des autres. J’avais bien compris. La première chose que j’ai faite quand j’ai pu, ça a été de fuir les autres. Je voulais me comporter dignement, mais je voulais aussi désespérément être libre. »

« Il porte le prénom du saint des causes perdues, des choses perdues, et j’étais certaine d’être les deux quand je l’ai rencontré. »

« J’étais en train de transformer ma mère en grand-mère, et de la rapprocher de sa mort. De la chasser du cercle de lumière. Les matriochkas qu’elle collectionne ne lui ont rien appris sur le fait qu’un jour un bébé surgirait de mon ventre, et qu’il serait mon bébé. »

 

© Photo, texte du billet, sauf les extraits de Julia Kerninon, Denis Morin, 2022


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