samedi 12 février 2022

Boire la mer les yeux ouverts de Jean-Benoit Cloutier-Boucher

 


Il est de ces livres qui font aussi écho au vécu du lecteur avec ce père violent et son épouse malade. Je partage avec l’auteur le Bas-Saint-Laurent comme région d’origine. Nous sommes possiblement de lointains parents.

Jean-Benoit Cloutier-Boucher après des études en lettres et en révision linguistique est devenu bibliothécaire à Québec. Entre les livres à ranger, les usagers à conseiller et les recherches à effectuer à son poste informatique, il s’épanouit en toute confiance et en toute maîtrise de ses tâches. Toutefois, l’écriture des autres le ravit, mais la sienne lui est carence. Et s’il écrivait pour exprimer le vide et le silence, il raconterait à un éventuel lectorat la femme de sa vie, sa mère. D’habitude, les auteurs se lancent dans les œuvres de fiction. Néanmoins, lui, préfère en toute sincérité coucher sur papier un récit biographique à l’image d’une longue lettre-hommage à sa mère. On rit, on verse une larme. La vie est une tragi-comédie, surtout entre ce géniteur colérique et les femmes sympathiques du clan qu’elles soient la grand-mère, les tantes, la sœur, la nièce et filleule. Une fois les claques évitées, l’auteur est rassuré par l’une d’elles. Elles forment son c(h)oeur polyphonique.

J’ai ressenti bel et bien l’intention de Jean-Benoit de conserver sa mère vivante et vibrante au milieu de nous par des poèmes et des fragments de prose bien émouvants. Le défi était risqué. Nous aurions pu tomber dans le larmoiement facile. Ce n’est pas le cas. Dosage parfait. J’entends les confidences d’un fils à sa mère, tous deux assis calmement sur le bord du Lac Témiscouata par un bel après-midi de juillet. On y est si bien. Merci.

Extraits :

« Tes membres en papier-parchemin

se font la gueule

je te réinvente chaque nuit

tu es mon abribus

dans les plus grandes tempêtes »


« Tout petit, assis sur le bord de l’îlot, tu me faisais écouter tes compilations pendant que je t’aidais à cuisiner. Nous dansions dans la farine en dépoussiérant les vieux classiques. Nous faisions fondre le chocolat en brassant les plus belles mélodies. Tu me saupoudrais d’épices sucrées lors des refrains vers d’oreille. »

 

© Photo, texte du billet, sauf les extraits de J.-B. C.-B., Denis Morin, 2022


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