jeudi 4 novembre 2021

Fin de Alain Cadéo

 

Alain Cadéo publiait en 1999 Fin aux Éditions Blanc à Toulon. Oui, je sais, il y a 22 ans, mais on s’en fiche de la date, puisque sa prose poétique me rejoint et me ravit toujours. Les excellents livres, on s’en souvient. Les autres, on les oublie.

Dans ce livre, des hommes sont d’un certain âge ou d’un âge d’antan émanent de leurs tombeaux. Un narrateur dénommé intervient la plupart du temps en italique et en aparté dans le texte. Il se fait témoin admiratif de Don Quichotte qui mène le défilé de ces présences fantomatiques troublantes mais ô combien sympathiques !

Ainsi défilent Le Foudroyé, Le Cormoran, Jean Sirène, Le Chien du Vent, Le Cyclope de Pierre. Ces blessés ont guerroyé, vécu, erré, soignés par des femmes aimantes et bénéficié de la compagnie d’animaux amicaux, rencontré des maîtres. Ils ont mené leur vie, comme si leurs destinées étaient écrites entre les nuées ou dans les rides des pierres creusées par les éléments. Leurs montures broutent certainement dans leurs ombres. 

Chaque chapitre porte le nom de l’un de ces hommes qui raconte sa démesure, puis le narrateur s’invite, commente brièvement et amorce une transition philosophique vers le nouvel invité.

Au fil de la lecture, j’ai eu l’impression de faire une sorte de chemin de Compostelle avec eux. Le passé n’a pas le goût de l’orange amère et le futur ne souffre pas de la soif d’une bouteille de rouge à finir à tout prix. J’étais en retrait, bien calé dans mon lit à minuit, ancré à leur présent d’éternité.

D’ailleurs, je suis soupçonne l’auteur d’avoir voulu rendre par ces personnages-métaphores un vibrant hommage à des amis disparus.

Alain Cadéo est mon coup de cœur littéraire chez les hommes en 2021.

Extraits : 

« Silence alors d’un vol de cavaliers frôlant des vagues noires puis remontant sous l’assaut d’un courant d’air chaud. Nous dérivons sans respirer pour atterrir dans un galop sur une plage de sable. Et nos chevaux sont comme rajeunis. Et j’aime leur souffle de paille tourbillonnant dans l’air marin. »

« Je voudrais tant pouvoir parler encore des horizons multipliés, des soleils endormis, de sous-bois dégoulinant de pluie, de craquantes percées de lumière, de la bonté latente, du rire des lézards, de l’infinie misère... »

« Sur le chemin du retour, j’ai vêtu les riches et les pauvres, les vivants et les morts, les pierres, les murs, les arbres et les sols. J’ai fait chanter le bleu, la pourpre, l’or, l’argent, et les plus anciens symboles ont coulé de mes doigts comme des joyaux de savoir retrouvé. »

 

© Photo, texte du billet, sauf les extraits d’Alain Cadéo, 2021

 

 


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