J’y vais à rebours avec Julia
Kerninon. Je vous ai déjà parlé de l’excellent roman Ma dévotion chez
Annika Parance Éditeur et du récit pertinent Une activité respectable
paru aux Éditions du Rouerge portant sur l’écriture.
Cette fois-ci, Le dernier
amour d’Attila Kiss paru en 2016 aux Éditions du Rouergue nous raconte un
amour qui nous semble impossible entre un Hongrois de condition modeste et une
Autrichienne riche. Il lui reproche la domination passée de l’Autriche sur la
Hongrie. Elle lui reproche son silence sur sa femme et sa maîtresse et leurs
trois filles abandonnées. Lui se défend en prétextant la fuite de son beau-père,
un tyran. Puis Attila veut se détacher de sa nouvelle flamme, Theodora, qui n’a que 25
ans, soit la moitié de son âge. Elle le nargue, le confronte. Il a fui la
misère et une vie d’escroc, mais il porte en lui le souvenir de la campagne, le
sourire de ses gamines. Le passé le hante.
À l’heure où il trie des poussins
destinés à produire du foie gras pour les bourgeois ou qu’il peint chez lui des
motifs traditionnels sur le parquet, elle travaille comme ayant droit au
répertoire de son père, un ténor. Attila est en manque de sa descendance et
elle d’un père virtuose absent.
Fait à noter que Julia Kerninon vécut
à Budapest à une certaine époque. Merci aussi à elle pour ce roman envoûtant, pour
Attila abîmé par la vie, pour Théodora si vibrante comme un archet sur des
cordes. Merci à elle pour les nombreuses références historiques : Sissi,
le comte Andrassy, le drame de Mayerling. Ce billet fut écrit en écoutant la Danse
hongroise no 5 de Brahms.
Vivement Julia Kerninon !
Extraits :
« La mort, ajouta-t-elle dans
un souffle, est une chose sérieuse comme l’odeur de terreau de la terre bêchée
en automne. C’était une citation d’un poète américain, mais Attila n’en savait
rien, et la phrase le frappa comme un coup dans la poitrine. Qui disait des
choses comme ça ? Qui lui parlait ? Il avait parcouru ses traits comme un
paysage nouveau, un eldorado, jusqu’à ses yeux qu’il avait retrouvé braqués sur
lui. On décolle ? avait-elle dit alors, gaiement, en jetant un billet
sur la table sans regarder et en l’entraînant par le bras, et sur toute la
route jusqu’à chez lui elle avait continué à parler, et lui à écouter. »
« Le problème, c’est qu’il faut
être au moins deux pour se faire la guerre, et qu’il est extrêmement difficile
et épuisant de se battre contre un adversaire qui ignore qu’il en est un. Attila
avait la sensation douloureuse de l’attaquer en traître quand il la voyait
allongée et paisible sur le lit et qu’il la détestait de toutes ses forces, il
n’était plus si sûr d’avoir raison, il y avait une inadéquation entre sa fureur
et elle, comme s’il avait essayé de s’emparer d’une émotion avec des tenailles.
»
© Photo, texte du billet, sauf les extraits de
l’écrivaine,
Denis Morin, 2020
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