dimanche 12 janvier 2020

Buvard de Julia Kerninon




Julia Kerninon reçut le prix Françoise-Sagan et le prix René-Fallet pour ce bijou qu’est Buvard, une biographie de Caroline N. Spacek publié en 2014 aux Éditions du Rouergue. C'était alors son premier roman de Julia Kerninon.

Lou, un jeune admirateur ayant tout lu l’œuvre d’une illustre écrivaine Spacek va à sa rencontre dans le Devon, en Angleterre. Il écoute et enregistre les entretiens. Peu à peu, elle (se) raconte devant témoin : sa famille dont elle voulut s’éloigner, son travail de serveuse, son apprentissage de l’écriture en étant la secrétaire d’un romancier. Ce fut en quelque sorte son entrée en écriture comme on entre en religion. Elle explique comment on l’aime, on la quitte ou on revient vers elle.

Ce long long entretien alterne entre les confidences de Spacek et les réflexions de Lou sur sa propre vie. Les images contenues sont si puissantes qu’on aurait l’impression d’être assis au cinéma et de voir défiler la vie de cette femme rebelle qui a choisi l’écriture comme mode de (sur)vie. C’est aussi une réflexion sur l’écriture et la création. Ce roman s’adresse aux artistes qui plongent dans leur solitude pour transformer la dureté des jours en beauté et aux gens qui voudront comprendre l’exigence de l’écriture.

Avec Julia Kerninon, on tombe dans l’envoûtement ni plus ni moins.

Extraits :

« Tu as ouvert la porte, et je te vois toujours comme je t’ai vue ce jour-là pour la première fois. Tu as fait du thé. Tu m’as montré ta machine à écrire, avec le mouvement que tu aurais eu pour me donner un caillou ou une feuille morte, si tu avais été un enfant. Tu étais tellement étrange -debout, en bermuda, dans cet appartement minuscule et presque vide où tu vivais, avec seulement un service à thé, et ta machine, et le matelas par terre. » (Spacek citant un amoureux.)

« Chaque mot posé me donnait une idée plus précise du livre qui s’annonçait, un élément de réponse sur la destination vers laquelle j’allais, doucement, comme perdue, comme légèrement saoule dans l’eau noire et dense d’un fleuve la nuit, poissée dans mes vêtements, nageant, nageant sans cesse et en tenant la lampe entre mes dents, pour ne pas me noyer dans la liquidité des phrases. »  

© Photo, billet, sauf les extraits de Julia Kerninon,
    Denis Morin, 2020

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