Julia Kerninon reçut le prix Françoise-Sagan et le prix René-Fallet pour ce
bijou qu’est Buvard, une biographie de Caroline N. Spacek publié
en 2014 aux Éditions du Rouergue. C'était alors son premier roman de Julia Kerninon.
Lou, un jeune admirateur ayant tout lu l’œuvre d’une illustre écrivaine Spacek
va à sa rencontre dans le Devon, en Angleterre. Il écoute et enregistre les
entretiens. Peu à peu, elle (se) raconte devant témoin : sa famille dont
elle voulut s’éloigner, son travail de serveuse, son apprentissage de l’écriture
en étant la secrétaire d’un romancier. Ce fut en quelque sorte son entrée en
écriture comme on entre en religion. Elle explique comment on l’aime, on la
quitte ou on revient vers elle.
Ce long long entretien alterne entre les confidences de Spacek et les
réflexions de Lou sur sa propre vie. Les images contenues sont si puissantes qu’on
aurait l’impression d’être assis au cinéma et de voir défiler la vie de cette
femme rebelle qui a choisi l’écriture comme mode de (sur)vie. C’est aussi une
réflexion sur l’écriture et la création. Ce roman s’adresse aux artistes qui
plongent dans leur solitude pour transformer la dureté des jours en beauté et
aux gens qui voudront comprendre l’exigence de l’écriture.
Avec Julia Kerninon, on tombe dans l’envoûtement ni plus ni moins.
Extraits :
« Tu as ouvert la porte, et je te vois
toujours comme je t’ai vue ce jour-là pour la première fois. Tu as fait du thé.
Tu m’as montré ta machine à écrire, avec le mouvement que tu aurais eu pour me
donner un caillou ou une feuille morte, si tu avais été un enfant. Tu étais
tellement étrange -debout, en bermuda, dans cet appartement minuscule et
presque vide où tu vivais, avec seulement un service à thé, et ta machine, et
le matelas par terre. » (Spacek citant un amoureux.)
« Chaque mot posé me donnait une idée plus
précise du livre qui s’annonçait, un élément de réponse sur la destination vers
laquelle j’allais, doucement, comme perdue, comme légèrement saoule dans l’eau
noire et dense d’un fleuve la nuit, poissée dans mes vêtements, nageant,
nageant sans cesse et en tenant la lampe entre mes dents, pour ne pas me noyer
dans la liquidité des phrases. »
© Photo, billet, sauf les extraits de Julia
Kerninon,
Denis Morin, 2020
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