La pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce publiée en
1999 à Besançon chez Les Solitaires Intempestifs a connu un parcours
particulier. Au Québec, Anne Dorval, comédienne et professeure de théâtre, en a
parlé vivement à son ami, le cinéaste Xavier Dolan qui en fit un film en 2016
récompensé au Festival de Cannes, édition 2016.
Louis, écrivain, se sachant condamné, décide de retourner voir sa famille
une dernière fois. Triste cérémonie des adieux. La mère cherche à comprendre le
silence de ce fils pendant de si longues années. Le frère ne décolère pas et s’emporte
pour des riens. La belle-sœur reproche à lui son indifférence face à la vie de
son frère. La sœur cadette rêve de vivre ailleurs et de s’évader de la maison
familiale. Devant tant d’hostilité, Louis n’ose se confier et se referme comme
une huître, emportant avec lui le secret de sa mort prochaine.
Je n’ai pas vu le film, mais les personnages sont tout en contrastes. La
mère et Jérôme le frère frustré sont volubiles et extravertis, tandis que
Louis, sa belle-sœur et Suzanne, la cadette, sont plus en retenue. Louis et
Jérôme ont de longues tirades qui illustrent bien tout ce qui les oppose, les étiquettes
assignées par la famille, les frustrations contenues, la jalousie et la rage de
l’un face au silence et au détachement de l’autre. Certaines familles se
forment par le sang, d’autres par affinités et par choix.
À lire.
Extrait :
« Je traverse à nouveau le paysage en sens
inverse. Chaque lieu, même le plus laid ou le plus idiot, je veux noter que je
le vois pour la dernière fois, je prétends le retenir. Je reviens et j’attends.
Je me tiendrai tranquille, maintenant, je promets, je ne ferai pas d’histoires,
digne et silencieux, ces mots qu’on emploi. Je perds, j’ai perdu. Je range. Je
mets de l’ordre. Je viens ici rendre visite, je laisse les choses en l’état. J’essaie
de terminer, de tirer des conclusions, d’être paisible. Je ne gesticule plus et
j’émets des sentences symboliques pleines de sous-entendus gratifiants. Je me complais.
Rien ne me flatte autant, désormais, que ma propre angoisse. Il m’arrivait
aussi parfois, les derniers temps, de me sourire à moi-même comme pour une
photographie à venir. »
© Photo, texte du
billet, sans l’extrait du dramaturge, Denis Morin, 2020
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