Un jour, la romancière Béatrix Delarue et la comédienne Lorraine Lapointe m’annoncèrent
leur intention de se lancer dans une époustouflante aventure littéraire, celle
d’un roman à quatre mains sur le thème des Filles du Roy. Donc, sur la
Nouvelle-France. La première est Française et la deuxième est Québécoise. Toutes deux sont aussi poètes.
Au bout de réunions d’écriture sur
Skype et d’échanges via courriel, elles sont parvenues à bon port en livrant Quand
le vent soulève les coiffes, roman paru en deux tomes, chez Ex Aequo,
dans la collection Hors Temps, au printemps 2021. On couvre l’époque 1666 à
1680. Madeleine et Marguerite par des revers de la destinée sont admises à l’Hospice
de la Salpêtrière à Paris, où bon nombre d’orphelins et d’enfants de familles
modestes y aboutirent. Elles y grandissent, se lient d’amitié et comprennent bien vite que leur destinée sera de
traverser l’Atlantique et d’épouser un colon.
À force de résilience, de patience
et d’invocations lancées vers le Ciel, elles arrivent à s’enraciner dans ce Nouveau-Monde
faits de saisons, d’écarts thermiques importants, de labeur et de dangers
divers.
Fait à noter que les personnages
de Nicolas Audet dit Lapointe et Madeleine Despres sont les ancêtres paternels de
Lorraine Lapointe.
En outre, Béatrix Delarue et
Lorraine Lapointe ont réussi haut la main à écrire une histoire fascinante où
on ne sent pas les coutures, les chuchotements de coulisses, le montage de
textes, comme si elles chantaient sur scène à l’unisson. Elles ont eu la rigueur
de se documenter sur le vécu des gens du 17e siècle en France et en
Nouvelle-France. Dans cette œuvre littéraire, on y décrit surtout la condition
des femmes et des enfants. Rien n’est laissé au hasard. Ce roman ferait une télésérie ou un film
magnifique.
Si j’étais prof de littérature ou
d’histoire, j’inscrirais ce roman aux lectures obligatoires.
En conclusion, Quand le vent soulève les coiffes, je vous dis que c’est de la trempe de Charles Dickens.
Extraits :
« Marguerite éparpille des
feuilles de sauge, thym, camomille, menthe, citronnelle et guimauve. Elle
apprend à les reconnaître : la valériane, la digitale et l’hellébore. Elle
ferme les yeux, inspire à pleins poumons les bonnes odeurs loin des puanteurs
des chambres des malades. »
« Ici tout est gigantesque, les
montagnes semblent toucher le ciel, cette plage de sable chaud est trompeuse,
j’ai trempé mes pieds dans une belle eau bleue, mais si froide pour un mois
d’août. J’ai ramassé des cailloux du rouge au turquoise, je les ai mis dans un
petit sac de jute, les conserve précieusement pour les enfants que j’aurai.
Marguerite et moi, Madeleine, ne serons probablement plus ensemble après le
choix de nos maris, sauf si le sort en décide autrement. »
« Dame Gasnier, nous les aurons
désirés ces vaisseaux, cette année, nos habitants ont besoin de faire des
bonnes affaires et de vendre les produits de leur terre. Ils ont déjà commencé
à engranger. En espérant que toutes les marchandises sur le navire ne soient
point avariées vu le délai. On pourra se dire qu’à peine arrivés, il sera déjà
temps pour eux de lever l’ancre avant la saison des glaces. Chère amie, vous
devez avoir hâte de revoir notre demoiselle Estienne. »
© Photo, billet, sauf les extraits de
B. Delarue et de L. Lapointe, Denis Morin, 2021.
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