lundi 20 avril 2020

Pierre, de Christian Bobin




Christian Bobin, je l’ai découvert vers 1995 avec Le Très-Bas, soit une des plus belles hagiographies sur François d’Assise. La prose poétique de Bobin est une envolée d’oiseaux en une aube nouvelle. Rien n’est lourd. Tout est grâce. Son écriture m’apaise et m’invite à l’intériorité.

À ma librairie habituelle, je suis entré en 2019 et j’ai vu poser là, sur un présentoir Pierre, publié chez Gallimard. Je me suis dit que c’était inhabituel cette virgule dans le titre comme une continuité, un geste en action, des points de suspension. Puis j’ai débuté en ces temps de confinement la lecture de ce livre singulier qui est en fait une déclaration d’amitié et d’amour à l’endroit de Pierre Soulages, un peintre abstrait, créateur et spécialiste des outrenoirs.

L’outrenoir est une œuvre sur fond noir. Le peintre peut exercer le passage d’outils pour créer des rainures. Il peut aussi appliquer du rouge, du bleu, du blanc, ajouter plus tard du noir, puis gratter pour faire jaillir la couleur sous-jacente. L’outrenoir fait penser à du bitume mouillé par la pluie. La lumière se réfléchit sur le noir pour jaillir à notre iris.

Pierre Soulages vit à Sète. La peinture de Soulages réclame le souffle lent du contemplatif.

Aucune peinture n’est présente dans ce livre. Une recherche en ligne en complétera la lecture pour la question iconographique.

À lire, si vous aimez l’écriture, la prose poétique, la peinture, l’histoire de l’art.

Extraits :

« Quand on regarde un inconnu à la vitesse de l’éclair, on voit un ange. Cette vision permet de supporte la découverte banale de sa mort dans le monde. Voir est la grande affaire. Dans l’exposition au Creusot, je suis passé dix fois devant ce triptyque et dix fois je l’ai renié. Son peu d’éclat le protégeait de la paresse de mes regards. » p. 38

« Tes outrenoirs, tu les signes au dos – ainsi nous ne sommes jamais devant toi, devant ton nom, mais nous sommes face à je ne sais quoi de laqué, de sculpté, de noir avec des échappées de silence – les sautes de courroie de la lumière. » p. 47

« La grâce est dans les intervalles. Dans ce qui se tait et ne descend dans le caveau d’aucune image. Toi, devant nous comme un outrenoir dernier-né. L’amour – ou l’amitié –, c’est s’approcher si près du cœur de l’autre qu’on en est à jamais irradié. Étrange d’aimer un peintre. Je n’aime pas qu’on accroche quelque chose au mur. » p. 73

© Photo, texte du billet, sauf les extraits de C. Bobin,
    Denis Morin, 2020

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